Eglises d'Asie

Ile de Negros : après le meurtre de trois de leurs leaders, des ouvriers agricoles manifestent pour obtenir justice

Publié le 18/03/2010




Le 26 avril dernier, des milliers d’ouvriers agricoles de l’île de Negros, située dans la partie centrale des Philippines, ont manifesté dans le calme pour dénoncer le meurtre de trois militants de la réforme agraire. Ils ont appelé le gouvernement et la société civile à “participer activement” à la recherche de la vérité afin que les responsables de ces assassinats soient retrouvés et traduits en justice. Le cortège était conduit par TFM (Task Force Mapalad), association fédérant des paysans bénéficiaires de la réforme agraire, et on pouvait lire sur des banderoles “Justice !” ou “Pour une vraie réforme”.

Ce 26 avril était le jour où Rico Adeva était porté en terre. Agé de 39 ans, Rico Adeva avait été tué le 15 avril dernier par trois hommes, alors qu’il rentrait chez lui, à Silay City, localité située un peu au nord de Bacolod, chef-lieu de la province de Negros-Occidental, la plus grande des deux provinces qui couvrent l’île de Negros. Cette île est connue pour ses grandes plantations de canne à sucre et, depuis longtemps, les rapports entre les grands propriétaires terriens et les ouvriers agricoles sont tendus. TFM, qui fédère de très nombreux paysans au niveau national, regroupe pas moins de 300 organisations affiliées à Negros. Rico Adeva, qui était très impliqué dans l’aide aux paysans, “inquiétait les grands propriétaires selon le président de la TFM, pour l’aide qu’il avait apportée à 3 000 paysans au sein d’une quarantaine d’haciendas de Negros-Occidental. Grâce à son action, ces paysans avaient obtenu des titres de propriété.

Quelques jours avant le meurtre de Rico Adeva, un autre militant de la réforme agraire avait été assassiné. Le 27 mars, à Tanjay City, dans la province de Negros-Oriental, Vicente Denila, 56 ans, était abattu par deux hommes. Une semaine après le meurtre de Rico Adeva, une troisième action visait un autre militant de la réforme agraire. Le 22 avril, Porferio Maglasang, 42 ans, père de neuf enfants, était abattu à Kabankalan City, dans la province de Negros-Occidental.

Le 28 avril dernier, un porte-parole de la TFM a appelé la présidente Gloria Arroyo à diligenter des enquêtes pour éclaircir ces assassinats et d’autres violences liées à la mise en place de la réforme agraire. Selon l’organisation paysanne, des responsables politiques locaux et des fonctionnaires “font délibérément obstruction à la redistribution des terres à Negros-Occidental, fragilisant ceux qui doivent bénéficier de la réforme agraire, et les laissant à la merci des représailles de propriétaires terriens”.

Mise en place à compter de 1988 sous la présidence de Cory Aquino, la réforme agraire (CARP, Comprehensive Agrarian Reform Program) devait aboutir à la redistribution de terres agricoles au profit de 8,5 millions de paysans sans terre. Appliquée avec plus ou moins de rigueur selon les régions, la réforme a suscité des résistances très fortes de la part des grands propriétaires terriens. Selon Jose Angeles, président de TFM, les propriétaires de Negros “s’opposent d’autant plus à la CARP” qu’ils savent que celle-ci doit prendre fin en 2008.

Pour éviter l’enlisement des enquêtes sur les trois récents assassinats de Negros, TFM a demandé la formation d’“une commission d’enquête indépendante”. Celle-ci devrait rassembler des élus locaux, des avocats spécialisés dans les dossiers relatifs au respect des droits de l’homme, ainsi que des membres de l’Eglise. Le P. Aniceto Buenafe, directeur du Bureau d’action sociale du diocèse de Bacolod, a indiqué que le diocèse était prêt à participer à une enquête indépendante. “De longue date, l’Eglise a pris position dans ce débat et condamne toute forme d’assassinat. Nous sommes vraiment accablés par les récentes atrocités commises à Negros a déclaré le prêtre. Il a ajouté que Mgr Vicente Navarra, évêque de Bacolod, et les évêques des trois autres diocèses de l’île de Negros “ont toujours soutenu les paysans, qui demandaient une véritable réforme agraire” (1