Eglises d'Asie

Animées par l’unique organisation bouddhiste autorisée, les fêtes du Vesak ont revêtu, cette année, pour la première fois, leur solennité traditionnelle

Publié le 18/03/2010




Cette année, la 2 550e année de l’ère bouddhiste, les fêtes de Phât Dan (Vesak), commémorant l’éveil de Gautama, devenu Bouddha, tombaient le 11 et 12 juin. Elles ont été célébrées, à Hô Chi Minh-Ville comme à Huê et d’autres villes du centre, avec une solennité et une affluence de fidèles exceptionnelles. Les autorités civiles se sont montrées particulièrement attentionnées à l’égard de la religion majoritaire de leur pays. Des délégations des municipalités de Hanoi et de Hô Chi Minh-Ville ont rendu visite aux autorités religieuses pour leur transmettre leurs voux. Le Bureau gouvernemental des Affaires religieuses, lui, a adressé ses souhaits de bonne fête à l’ensemble des bouddhistes vietnamiens. La presse officielle a abondamment couvert cet événement. Le 12 juin, quatre articles de l’organe du parti communiste vietnamien, le Nhân Dân, étaient consacrés à la fête du Phât Dan. Il y en avait déjà eu deux la veille. Les médias gouvernementaux ont souligné le retour à l’ancienne tradition des rassemblements, des chars fleuris, des aumônes aux pauvres, autant de pratiques qui accompagnent traditionnellement cette fête (1).

Le climat d’enthousiasme qui a marqué ces fêtes a même été salué par le Bureau international d’information bouddhiste (BIIB), porte-parole du bouddhisme unifié, branche de cette religion qui, pourtant, refuse le patronage et le contrôle de l’Etat. “Pour la première fois, depuis la fin de la guerre (1975), la fête de Phât Dan a été célébrée, du nord au sud, dans une joyeuse animation, avec des chars fleuris circulant dans les rues de Saigon faisait remarquer un communiqué du BIIB consacré à cette fête (2), en ajoutant cependant que seule l’Eglise bouddhiste patronnée par l’Etat a eu le monopole de l’organisation des cérémonies.

Le même communiqué précise encore que deux raisons particulières ont poussé le gouvernement à donner une telle ampleur aux festivités de cette année. La première est la pression internationale qui s’est faite, ces temps derniers, de plus en plus insistante, en particulier de la part de l’Union européen-ne et des Etats-Unis, qui viennent de refuser de retirer le Vietnam de la liste des pays “préoccupants en matière de liberté religieuse” (3). Cette pression, selon le porte-parole du bouddhisme unifié, serait due en grande partie aux soutiens que celui-ci a su obtenir dans le monde entier. Par ailleurs, la proximité d’une décision des instances internationales autorisant l’adhésion du Vietnam à l’Organisation mondiale du commerce l’oblige à faire preuve de libéralisme dans le domaine religieux.

Vo Van Ai, principal responsable du BIIB, a conseillé au gouvernement de ne point s’arrêter en si bon chemin, et de mettre un terme à la surveillance qu’il exerce sur les deux plus hautes personnalités du bouddhisme unifié, à savoir le patriarche Thich Huyên Quang et le vénérable Thich Quang Dô. Il devrait aussi cesser d’empêcher les desservants des pagodes relevant du bouddhisme unifié de mener leurs activités religieuses, comme ce fut le cas pour le religieux chargé de la pagode de Phuoc Buu, à Ba Ria, qui, à cause de son obédience, s’est vu refuser l’autorisation d’organiser les cérémonies de la fête du Phât Dan par les autorités locales. Les mêmes difficultés se sont présentées dans un certain nombre d’autres lieux de culte à Hô Chi Minh Ville et au Centre-Vietnam.

Les représentants officiels du bouddhisme unifié continuent de faire l’objet de l’attention soupçonneuse des pouvoirs locaux. Le vénérable Thich Chon Tâm, représentant du bouddhisme unifié pour la région de An Giang, dans une lettre adressée à ses supérieurs hiérarchiques, a raconté ses démêlés avec les autorités (4). Lors d’une rencontre avec un responsable de l’agitprop de la province, il a entendu ce dernier lui proposer une certaine somme d’argent pour lui rapporter les faits et gestes de ses confrères. Le fonctionnaire s’est ensuite étonné du refus indigné du religieux, en soulignant que ce genre d’échanges se faisait couramment. Peu de temps après cet incident, sans doute en représailles, des calomnies concernant les mours du religieux étaient diffusées dans le journal régional contrôlé par l’Etat.