Eglises d'Asie

L’adoption d’une loi exigeant des étrangers arrivant au Japon qu’ils soient photographiés et qu’ils donnent leurs empreintes digitales soulève des protestations

Publié le 18/03/2010




Des groupes de défense des droits civiques et les chrétiens dans leur majorité protestent contre la loi qui exige des étrangers arrivant au Japon qu’ils soient photographiés et qu’ils donnent leurs empreintes digitales. La chambre haute du Parlement japonais a adopté cet amendement le 17 mai dernier, applicable aux visiteurs étrangers âgés de plus de 16 ans. Une mesure de “lutte contre le terrorisme”.

“Cet amendement soulève un vent de racisme, de discrimination raciale et de xénophobie et fait des étrangers des ‘terroristes et des criminels’ a déclaré le pasteur Hidefumi Kitani, pasteur de l’Eglise unie du Christ et secrétaire général du Conseil chrétien national, à l’agence Nouvelles ocuméniques internationales (ENI). Selon lui, il s’agit d’“une violation des droits de l’homme qui fait totalement abstraction de l’histoire de la politique chauvine du Japon”. Le pasteur Eishun Watanabe, représentant du mouvement Réseau solidarité avec les migrants, a quant à lui déclaré que : “Cet amendement est l’expression d’une attitude foncièrement xénophobe. C’est le pire que nous ayons jamais connu.”

Les organisations chrétiennes et d’autres groupes de défense des droits civiques s’étaient rencontrés avant ce vote du parlement pour étudier l’impact que provoquerait l’amendement en question. La Fédération des Associations des juristes a réclamé l’abrogation de cette disposition de la loi, en affirmant que la prise d’empreintes pour les étrangers était contraire à la Constitution.

Les chiffres produits par le gouvernement montrent qu’à fin 2004, quelque 1,97 millions d’étrangers résidaient légalement au Japon. Le 14 mai dernier, le quotidien Yomiuri Shimbun citait le ministre de la Justice déclarant qu’en janvier 2006, on dénombrait au moins 190 000 étrangers en situation irrégulière. Les clandestins sont souvent rendus responsables de l’augmentation de la criminalité, mais les organisations humanitaires soulignent que, comme dans bien d’autres pays, ce sont eux qui font les “sales, dangereux et ingrats” travaux qu’une grande partie de la population japonaise dédaigne.

Dans l’histoire récente du Japon de l’après-guerre, la question des empreintes digitales pour les étrangers est récurrente. Déjà, votée en 1952, une telle mesure visait plus spécialement les Coréens, dont certains, pourtant installés dans le pays depuis plusieurs générations, ne bénéficiaient toujours pas de la citoyenneté japonaise. Le P. Constant Louis, des Missions Etrangères de Paris, refusa en 1986 de donner ses empreintes, soutenu par des groupes d’action sociale tant protestants que catholiques. Un rapport publié à Tokyo en 1990 par le Conseil mondial des Eglises et la Conférence chrétienne d’Asie affirmaient que les droits fondamentaux des minorités asiatiques au Japon n’étaient pas respectés et qu’“une discrimination institutionnalisée” existait dans tous les domaines de la vie quotidienne. Mgr Soma, évêque catholique de Nagoya et président de la Commission ‘Justice et paix’, lui aussi, s’était vigoureusement élevé contre ce qu’il appelait “la totale absence d’attention aux droits de l’homme” du gouvernement japonais et de sa politique.

En 1991, la législation fut un peu allégée. Un nouveau projet de loi proposait la suppression les empreintes digitales pour 640 000 étrangers, résidents permanents d’origine coréenne pour la plupart, mais restait en vigueur pour 320 000 autres qui ne bénéficient pas du statut de résidents permanents. La revendication des groupes d’actions sociales continua avec l’appui, du côté catholique, de Mgr Okada, responsable à l’époque de la Commission ‘Justice et paix’, qui représentait également le Comité de coordination nationale des chrétiens du Japon pour la révision de la loi sur l’enregistrement des étrangers. Au cours des débats de cette coordination, le cadre étroit d’une simple révision de la loi s’élargit tout naturellement dans le sens d’une recherche d’une loi fondamentale des droits de l’homme et des étrangers en vue d’une société à construire “pour vivre ensemble La loi finit par être révisée en 1998 et le système des empreintes digitales abandonné. Au nom de la lutte contre le terrorisme, cette loi du 17 mai 2006 le remet en vigueur.