Eglises d'Asie

Le pouvoir politique affiche sa résolution de contrer les actions violentes d’organisations musulmanes extrémistes telles que le Front des défenseurs de l’islam

Publié le 18/03/2010




Le 13 juin dernier, 56 législateurs, issus de différents partis politiques – dont des partis musulmans -, ont apposé leur signature à un texte appelant le président de la République à abolir les décrets et ordonnances inspirés de la charia édictés ces derniers temps par différents districts, régences ou municipalités à travers le pays (1). C’était là la dernière manifestation en date de la volonté affichée du pouvoir politique de ne pas laisser vider de leur substance les principes constitutionnels de coexistence pacifique entre les religions. Quelques jours auparavant, à l’occasion du “Jour du pancasila le 1er juin dernier, le président de la République, Susilo Bambang Yudhoyono, avait prononcé un discours remarqué, appelant à une revitalisation des “cinq principes” (pancasila), qui sont ceux de l’Indonésie depuis 1945 (2). Il avait aussi accusé “des mains invisibles” de chercher à répandre, dans la nation, des idées allant à l’encontre des principes de tolérance et de pluralisme sur lesquels l’Indonésie contemporaine est fondée.

A ce jour, vingt-deux municipalités et districts ont édicté des décrets influencés par la charia. Certains de ces textes, passés à la faveur de la décentralisation mise en place après la chute du régime Suharto, en 1998, criminalisent des conduites prohibées par la loi islamique, telles l’adultère, la consommation d’alcool ou bien encore la prostitution. Depuis leur promulgation, ces décrets ont été vivement critiqués par certains, comme conduisant à une restriction des libertés publiques, notamment en ce qui concerne les vêtements imposés aux femmes. Mais ils n’ont pas été remis en cause.

La pétition des 56 législateurs constitue la première tentative organisée au niveau législatif de revenir sur ces développements récents. Selon Constant Ponggawa, du Parti de la paix prospère (PDS), le président de la République doit agir rapidement en ce domaine, sauf à voir le pays confronté à un danger de désintégration. Pour Gayus Lumbuun, du Parti démocratique indonésien de lutte (PDI-P), la pétition vise “à créer un effet boule de neige et aboutir à la création d’une commission parlementaire sur le sujet”. Il s’agit, au plan législatif, de renverser la tendance à l’islamisation du pays, a souligné le parlementaire, membre du parti de l’ancienne présidente Megawati Sukarnoputri. Parmi les signataires issus des partis musulmans – par opposition aux partis nationalistes -, se trouvaient des membres du Parti du réveil national (PKB) ou bien encore du Parti du développement uni (PPP).

La démarche des parlementaires s’inscrit dans un contexte marqué par un changement d’attitude du pouvoir exécutif. Jusqu’alors, le gouvernement ne réagissait pas autrement que verbalement aux agissements violents de groupes islamistes tels le Front des défenseurs de l’islam, connu pour ses descentes dans des bars et des boîtes de nuit à Djakarta ou, plus récemment, pour avoir fait le coup de main contre les locaux du magazine Playboy Indonesia (3). Mais, le 8 juin, Widodo Adi Sutjipto, ministre des Affaires politiques, juridiques et de sécurité, a déclaré : “Les actions faisant la promotion de l’anarchie, les menaces visant à terroriser, les actes consistant à décider par soi-même de ce qui est légal ou pas tombent sous le coup de la loi ; ce sont des crimes et ils seront traités comme tels, selon les lois de ce pays a-t-il déclaré. Le lendemain, le ministre de l’Intérieur annonçait qu’un accord avait été conclu avec les présidents des deux chambres législatives pour permettre au gouvernement de rédiger une loi autorisant la dissolution des organisations “perturbant la sécurité et l’ordre public”. Peu après, il a toutefois précisé que c’était aux gouverneurs des provinces, et non à l’Etat central, d’agir si tel ou tel décret, pris localement, est jugé contraire au droit.

Selon les analyses de la presse indonésienne, ce n’est pas la première fois que l’exécutif affiche sa volonté de mettre un frein aux activités des groupes islamiques radicaux, mais, cette fois-ci, des moyens sont annoncés pour mettre en ouvre cette volonté. Ainsi, le ministre Widodo a affirmé que la police recevrait le soutien du gouvernement dans ses actions visant à faire appliquer la loi face aux groupes visés. Par ailleurs, les mentions de respect de la sécurité et de l’ordre public, qui renvoient aux années du régime autoritaire de Suharto, ne sont pas dénoncées par les militants des droits de l’homme comme autant d’atteintes potentielles aux libertés, mais sont reconnues comme nécessaires face à des groupes qui cherchent à imposer leur vision du monde à l’ensemble de la classe politique et sociale.

Toujours selon la presse indonésienne, si le président de la République a insisté, le 1er juin, sur la nécessité de revenir aux principes du pancasila “Faisons du pancasila la base des réformes. Dans cette période de transition, beaucoup d’entre nous visent à créer de nouvelles réalités et à prendre de nouvelles directions, mais abandonnent les anciennes valeurs, celles qui doivent devenir partie intégrante de notre identité et qui sont un recours pour bâtir l’unité a-t-il déclaré -, c’est que les organisations islamiques radicales sont allées trop loin. Le 23 mai dernier, à Purwakarta (Java-Ouest), des membres du Front des défenseurs de l’islam et d’autres organisations similaires ont interrompu, par leurs cris, un forum de rencontre interreligieuse. A ce moment, l’orateur était Abdurrahman Wahid, ancien président de la République et ancien président de la Nahdlatul Ulama (NUAveugle et affaibli par une série d’attaques cardiaques, Wahid a dû quitter les lieux, les organisations islamistes lui reprochant son opposition au très disputé projet de loi contre la pornographie (4). Bien que l’ancien président ne représente plus un poids politique important et ne soit plus non plus prépondérant au sein de la NU, il représente un symbole de ce que l’islam indonésien a de particulier. Selon un militant des droits de l’homme et de la démocratie cité par le Jakarta Post, “le gouvernement est d’accord pour défendre le pluralisme – et il indique son choix avec clarté”.