Eglises d'Asie

Après la démission du Premier ministre, l’Eglise souligne la nécessité de développer le dialogue entre les différentes composantes de la société est-timoraise

Publié le 18/03/2010




Les rues de Dili envahies de manifestants en liesse après la démission du Premier ministre Mari Alkatiri, des responsables de l’Eglise catholique ont appelé à la justice et au dialogue. Selon le P. Apolinario Aparicio, vicaire général du diocèse de Dili, la décision du Premier ministre, annoncée le 26 juin dernier, est appréciée de l’Eglise, qui espère qu’elle permettra de trouver une “bonne issue” à la crise traversée par le pays depuis le mois de mai.

Après plusieurs semaines de tension, le Premier ministre a accepté de donner sa démission, étant accusé d’avoir donné l’ordre d’armer des civils afin de tuer certains de ses opposants, dont des responsables d’Eglise. Mari Alkatiri a nié ces accusations, mais il devra en répondre devant une commission d’enquête indépendante, créée sous l’égide des Nations Unies. Le président du pays, ‘Xanana’ Gusmao, avait quant à lui déclaré avoir perdu “confiance” en son Premier ministre et demandé sa démission. Le 26 juin, Mari Alkatiri a fini par renoncer à son poste, afin de ne pas “envenimer” une situation explosive. Il demeure toutefois membre du Parlement. Par ailleurs, dans la nuit du 27 au 28 juin, des groupes de jeunes ont attaqué un campement de personnes déplacées près de l’aéroport de Dili, ces nouvelles violences témoignant de la fragilité du retour au calme. Le 29 juin, des milliers de partisans de Mari Alkatiri, fortement encadrés par les forces étrangères venues rétablir l’ordre dans le pays, ont défilé dans les rues de la capitale, que ses habitants avaient désertées par crainte de nouvelles violences.

Pour le P. Apolinario Aparicio, l’Eglise n’est pas en position de commenter les accusations visant le Premier ministre, mais elle soutiendra les efforts entrepris pour la manifestation de la vérité et pour un jugement éventuel de Mari Alkatiri selon les règles du droit. Depuis le début de la crise, qui a commencé lorsque le Premier ministre a licencié une partie des forces armées du pays – 595 soldats issus de la partie ouest du Timor Oriental qui se plaignaient de discrimination face aux autres soldats, notamment l’encadrement militaire, principalement issu de l’est du pays -, l’Eglise est demeurée largement silencieuse, ses responsables se contentant de parler du besoin d’unité au sein de la jeune nation est-timoraise.

En coulisses, les responsables de l’Eglise ne cachaient pas que la démission du Premier ministre devenait inévitable dès lors qu’il avait perdu la confiance du président Gusmao et plus encore celle de son parti, le Fretilin, majoritaire au Parlement. Mais ils insistaient aussi pour dire que leur position n’était pas liée aux relativement mauvaises relations que l’Eglise avait eues, ces dernières années, avec le Premier ministre. L’an dernier, en effet, l’Eglise était sortie de sa réserve pour dénoncer un projet de loi, porté par Mari Alkatiri, rendant l’éducation religieuse facultative (1). Dans un pays à plus de 90 % catholique, l’Eglise y avait vu une évolution négative. Critiqué pour son style autoritaire de gouvernement et ses vues gauchisantes, le Premier ministre, de confession musulmane, était cependant apprécié pour avoir su se montrer ferme face à l’Australie, dans les négociations portant sur le partage de réserves off shore de gaz et de pétrole, ainsi que face à la Banque mondiale, lors de négociations de prêts.

Avec la crise humanitaire provoquée par la crise politique et l’abandon de Dili à des bandes de pillards, les différentes institutions de l’Eglise s’étaient attachées à subvenir aux besoins des personnes déplacées qui avaient trouvé refuge auprès d’elles (2). Dans ce contexte, l’arrivée de quelque 2 700 soldats et policiers étrangers, principalement australiens, avait été accueillie avec soulagement.

Selon le P. Martino Gusmao, responsable de la Commission ‘Justice et paix’ du diocèse de Baucau, l’urgence est désormais au retour à la normale et à la construction du pays. Pour cela, affirme-t-il, le meilleur moyen est encore le dialogue. Avant même la démission de Mari Alkatiri, les responsables du diocèse de Baucau ont ainsi pris l’initiative de réunir un séminaire interreligieux pour réfléchir aux moyens de sortir de la crise. Tenu du 20 au 23 juin dernier, à Baucau, loin du désordre et des tensions de Dili, le séminaire a réuni des catholiques, des protestants et des musulmans, sous la présidence de l’évêque du lieu, Mgr Basilio do Nascimento. Au Timor-Oriental, les musulmans ne représentent qu’une petite communauté de 2 000 personnes, face à une population de plus de 900 000 habitants, en majorité catholiques et où les protestants forment une minorité de 3 %. Selon Abdullah Sa’id Sagran, responsable de la mosquée Anur, proche de Dili, la sortie de crise est certes de la responsabilité des autorités politiques, mais elle sera aussi l’ouvre de toutes les religions.