Eglises d'Asie

Kerala : des chrétiens et des musulmans s’opposent à la loi votée par les communistes au sujet des établissements privés d’enseignement supérieur technique pour les minorités

Publié le 18/03/2010




Au Kerala, des chrétiens et des musulmans s’opposent à la loi régissant les établissements privés d’enseignement supérieur technique pour les minorités, qui a été votée par le parlement le 30 juin dernier et ratifiée le 2 juillet par R. L. Bhatia, gouverneur de l’Etat. D’après des représentants du gouvernement, cette loi vise à interdire les frais d’entrée et à disposer d’un droit de regard sur les admissions et la fixation des frais de scolarité, afin d’assurer une équité et une qualité d’enseignement pour tous dans le domaine de l’enseignement supérieur technique. Toutefois, selon des responsables des minorités chrétienne et musulmane de l’Etat, cette loi ne respecte pas la Constitution de l’Union indienne, qui garantit aux minorités ethniques et religieuses le droit de pouvoir établir et de gérer des institutions éducatives pour leur communauté, afin de contribuer à leur développement économique et social.

Le 4 juillet dernier, lors d’une conférence de presse, le vice-président de la Conférence épiscopale indienne (CBCI), Mgr Isaac Mar Cleemis, archevêque de Tiruvalla et membre du Conseil régional des évêques du Kerala, a annoncé que les catholiques “n’avaient pas d’autre choix que de s’opposer à cette loi Un des articles de la loi prévoit notamment de retirer le statut de minorités aux établissements d’enseignement supérieur technique, et de transférer l’attribution de ce statut aux autorités gouvernementales. Auparavant, les établissements obtenaient ce statut à partir du moment où ils étaient gérés par un groupe ethnique ou religieux minoritaire. La nouvelle loi prévoit également de restreindre le nombre d’établissements gérés par les communautés minoritaires, en fonction de l’importance numérique de la population du groupe ethnique ou religieux.

Pour E. T. Mohammed Basheer, secrétaire de la Ligue des musulmans de l’Union indienne, et ancien ministre de l’Education du Kerala, “l’application de cette nouvelle loi va opposer les groupes minoritaires à la majorité, et heurter les sentiments des minorités ethniques et religieuses”. Au Kerala, les musulmans représentent 22 % de la population de l’Etat, et les chrétiens 19 % des 31,8 millions d’habitants.

Mgr Joseph Powathil, archevêque de Changanacherry et président de la Commission éducative du Conseil régional des évêques du Kerala, estime quant à lui que “la loi est anticonstitutionnelle et va à l’encontre des droits des minorités”. “Nous ferons certainement appel devant la Cour suprême a-t-il ajouté.

Le ministre de l’Education, M. A. Baby, a pour sa part expliqué à l’agence de presse Ucanews que le gouvernement “n’était pas contre les institutions gérées par les minorités mais qu’il ne permettrait pas aux établissements privés d’exploiter des personnes au sein de leurs établissements. “Nous avons voté cette loi pour permettre aux plus pauvres des étudiants issus des groupes minoritaires d’accéder à l’enseignement supérieur technique a-t-il ajouté.

Jusqu’à présent, 50 % des places de ces établissements devaient être réservées aux élèves appartenant à la minorité qui gérait l’établissement. Avec la nouvelle loi, la moitié de ce pourcentage devra être réservée aux élèves les plus défavorisés économiquement et socialement de ce groupe minoritaire.

En 1959, l’opposition des chrétiens, la Vimochana samaram (‘la lutte pour la libération’), avait fait plier le gouvernement communiste qui tentait de mettre la main sur les institutions éducatives privées de l’Etat. “Si le gouvernement applique cette loi, les écoles chrétiennes pourraient fermer leurs portes, comme ce fut le cas en 1959 a commenté un laïc catholique du Kerala. Pour le ministre-président de l’Etat, V. S. Achuthanandan, “cette loi a été votée pour permettre plus de justice sociale ; si les écoles ferment, nous gèrerons la situation.”

Le 23 juillet prochain, des responsables chrétiens du Kerala observeront une journée de prière et de jeûne pour protester contre l’application de cette nouvelle loi.