Eglises d'Asie

L’Eglise catholique appelle le gouvernement à agir contre les collectivités locales qui édictent des décrets influencés par la charia

Publié le 18/03/2010




Le 28 juin dernier, l’Eglise catholique a demandé au gouvernement d’agir face aux collectivités locales qui édictent des décrets influencés par la charia. C’est par la voix du P. Antonius Bennny Susetyo, secrétaire exécutif de la Commission épiscopale pour les Affaires interreligieuses, que l’appel a été adressé au gouvernement, l’Eglise estimant qu’il est du devoir des autorités centrales de l’Etat de veiller à ce que ces décrets n’aillent pas à l’encontre des principes fondateurs du pays et de sa Constitution. “Le gouvernement central doit avoir le courage moral et politique d’affirmer son autorité face aux gouvernements locaux, sauf à voir l’Indonésie verser dans la confusion et l’incertitude juridiques a déclaré le prêtre.

A la fin mai, entre 22 et 25 municipalités et districts avaient édicté des décrets influencés par la charia. Certains de ces textes, passés à la faveur de la décentralisation mise en place après la chute du régime Suharto, en 1998, criminalisent des conduites prohibées par la loi islamique, telle l’adultère, la consommation d’alcool ou bien encore la prostitution. Depuis leur promulgation, ces décrets ont été vivement critiqués par certains, comme conduisant à une restriction des libertés publiques, notamment en ce qui concerne les vêtements imposés aux femmes, mais ils n’ont pas été remis en cause (1).

Pour le P. Benny Susetyo, ces décrets relèvent du domaine des affaires politiques et juridiques, mais non religieuses. Politique car ils vont à l’encontre du pancasila, les cinq principes qui régissent la nation indonésienne depuis son indépendance en 1945 et qui soulignent que l’Indonésie contemporaine a choisi de ne pas être une République islamique. Juridique également, car c’est au gouvernement d’agir en la matière face à des provinces, des districts et des municipalités qui sont allés trop loin à la faveur de la décentralisation. Au plan religieux, l’Eglise n’a pas à intervenir en tant que telle, dans la mesure où ce dossier ne concerne pas directement les diocèses, a encore expliqué le prêtre.

Parallèlement, des manifestations ont été organisées en divers lieux du pays, à l’initiative soit des autorités, soit des diocèses. Ainsi à Ende, sur l’île très majoritairement catholique de Florès, une centaine de jeunes, issus des communautés catholique, hindoue, musulmane et protestante, se sont réunis à l’initiative des responsables d’un district. “Le gouvernement local s’inquiète de l’évolution actuelle vers le radicalisme religieux, où les jeunes se retrouvent divisés selon des lignes d’appartenance religieuse et peuvent être aisément instrumentalisés explique Thobi Sona, un fonctionnaire local, de religion catholique. Selon Paulus Domi, chef du district d’Ende, un conflit personnel peut facilement dégénérer en un conflit interreligieux et il est nécessaire de désamorcer “ce communautarisme qui détruit notre culture de coexistence pacifique”.

Enfin, dans le diocèse de Semarang, une paroisse catholique de Pekalongan (Java-Centre) a organisé une rencontre sur le thème : “Le rôle du pancasila dans la vie de l’Etat, de la nation et de l’Eglise”. Selon le modérateur de la rencontre, des groupes sont à l’ouvre dans la société indonésienne et essaient de modifier les bases sur lesquelles l’Etat et la nation sont bâtis. “Il est nécessaire d’identifier les manières dont les catholiques peuvent s’impliquer pour défendre le pancasila a-t-il souligné.