Eglises d'Asie

Un tribunal populaire rend justice à huit religieux et laïcs bouddhistes arrêtés, maltraités et condamnés injustement sous de fausses accusations

Publié le 18/03/2010




L’affaire dure depuis plus près de trois ans. Elle éclate aujourd’hui au grand jour, commentée par les médias officiels du pays et les agences de presse internationales. Le défilé de protestation de plus de 50 moines bouddhistes appartenant à l’Eglise bouddhiste officielle, le 6 juillet dernier, dans les rues de Hanoi, première manifestation publique religieuse jamais vue dans la capitale, devant le siège du Parquet populaire, a définitivement attiré l’attention de l’opinion internationale sur cette affaire (1). Le représentant des religieux, le vénérable Thich Tâm Thuong, lui-même interné et victime de tortures, a expliqué aux témoins étrangers qu’ils exigeaient que toute la lumière soit faite sur l’arrestation de cinq de leurs confrères et de quatre laïcs, il y a trois ans, dans la province de Bac Giang, des mauvais traitements et des coups qui leur ont été infligés, de la mort de l’un d’entre eux, à la suite de mauvais traitements en 2004 au cours de cet internement.

Selon la version de l’affaire qui a été présentée aussi bien par les représentants du bouddhisme à l’étranger (2) que par la presse officielle intérieure, sept importantes affaires de vols de statues de Bouddha et d’objets de culte ont eu lieu, de l’année 2001 à l’année 2003, dans des pagodes situées dans les provinces de Bac Giang et de Ha Tây. Vers la fin de l’année 2003, la police de Bac Giang arrêtait cinq religieux et quatre laïcs bouddhistes, qui étaient aussitôt placés en détention dans le camp d’internement Kê, de la province de Bac Giang. Les inculpés subirent en cet endroit de très sévères tortures. Ils furent suspendus par les pieds et battus pour les contraindre à avouer qu’ils étaient les auteurs des vols, alors qu’aucune preuve matérielle n’existait. A la fin de l’année 2004, l’un des religieux, le vénérable Tich Duc Chinh, succomba au traitement des gardiens et mourut dans le camp d’internement. Un premier procès eut lieu au tribunal de Bac Giang, qui condamnait les huit inculpés restant à des peines de prison allant de neuf mois à sept, huit et neuf ans de prison. Cette sentence remplit d’émoi la population bouddhiste des provinces de Bac Giang et de Ha Tây, un émoi répercuté par la presse officielle. Au cours des trois ans qui suivirent le procès, plus de 1 400 familles de fidèles fréquentant les pagodes desservies par certains des accusés réclamèrent publiquement justice pour les religieux emprisonnés et maltraités.

Cette indignation générale dans les deux provinces de Bac Giang et de Ha Tây obligea les autorités judiciaires à revenir sur l’affaire, désormais appelée par les journaux, “l’affaire des antiquités volées”. Un nouveau procès eut lieu au tribunal de Bac Giang. Le procès, dont la presse intérieure se fit largement l’écho (3), s’ouvrit le 19 juin et se prolongea durant dix jours, chose tout à fait exceptionnelle au Vietnam, où même les affaires graves sont rapidement jugées. Les représentants du Parquet populaire reprirent les accusations du précédent procès, rejetées énergiquement par les huit inculpés. Les avocats, selon la presse locale, ont joué à plein leur rôle de défenseur, présentant des témoins qui ont fourni des alibis pour certains accusés, soulignant les incohérences et les contradictions de l’accusation au sujet des statues et des objets volés, et dénonçant le procès comme un tissu d’illégalités. Tant et si bien que le jury populaire, le 28 juin 2006, proclamait l’innocence des huit accusés et ordonnait leur libération immédiate.

Les huit accusés, récemment libérés, étaient présents parmi le groupe de protestataires du 6 juin dernier, devant le siège du Parquet populaire. Ils ont voulu dépasser leur cas personnel et élargir leurs revendications à l’échelle de la nation, puisque leur principale revendication affichée était “Justice et droits de l’homme pour le Vietnam”. On peut penser que le procès qui les a innocentés revêt une importance historique certaine, non seulement parce qu’il est revenu sur une injustice subie par des religieux et fidèles, mais surtout parce que, pour la première fois, les droits de la défense ont pu s’exercer avec une assez grande liberté. Par ailleurs, il faut noter le rôle joué dans cette affaire par certains organes de presse, un rôle qu’ils avaient déjà tenu à la veille du Xe congrès du Parti dans la dénonciation des affaires de concussion au plus haut niveau.