Eglises d'Asie

Les évêques catholiques japonais s’opposent à un changement constitutionnel visant à supprimer la clause par laquelle le Japon renonce à recourir à la force armée

Publié le 18/03/2010




“Les évêques catholiques japonais sont fortement opposés à la suppression constitutionnelle d’une clause confirmant solennellement la renonciation du Japon à toute guerre d’agression a déclaré Mgr Michael Goro Matsuura, président du Conseil épiscopal pour la justice et la paix, au cours de sa visite à Washington cet été.

Dans une interview du 2 août dernier, Mgr Michael Goro Matsuura, évêque auxiliaire d’Osaka a déclaré que les tentatives d’intimidation de la Corée du Nord à l’encontre du Japon et les pressions de l’administration Bush avaient fini par éroder l’engagement de non-belligérance du Japon, pourtant fidèle pendant 60 ans à cette clause constitutionnelle. “Beaucoup de gens commencent à penser que nous n’avons pas besoin de cet article 9, la clause anti-guerre de la constitution japonaise Cet article signifie en effet que “les Japonais renoncent pour toujours à la guerre en tant que droit souverain national et à la menace d’utiliser la force comme moyen de résoudre les conflits internationaux, le droit de belligérance de l’Etat n’étant pas reconnu” (1).

Mgr Matsuura a affirmé que la collaboration étroite des forces armées américaines avec les forces d’autodéfense japonaises et d’autres mesures décidées par l’accord signé en octobre dernier, menaçaient de pousser les force d’autodéfense japonaises en dehors de ses limites traditionnelles et de l’orienter vers une participation effective à la guerre anti-terroriste des Etats-Unis.

Un diacre, Masataka Nagasawa, secrétaire du Conseil épiscopal Justice et Paix, Sr. Filo Shizue Hirota, présidente de l’Association des supérieures majeures des religieuses du Japon et un membre du bureau de ce même conseil, traducteur, accompagnaient Mgr Matsuura. Jean Stokan, directeur politique de Pax Christi d’Amérique du nord, accompagnait également la délégation qui, le week-end précédent, avait participé à la rencontre nationale de ce mouvement à Pittsburgh.

Dans une conférence prononcée le 29 juillet 2006, l’évêque avait déclaré que, devant la trop mince participation du Japon dans la guerre du Golfe et les récents conflits en Afghanistan et en Irak, « le gouvernement américain encourage et fait même pression pour que le Japon corrige la clause pacifiste de sa constitution. Changer la constitution pacifiste du Japon et intégrer les force militaires japonaises dans l’armée américaine est le premier but de ce mouvement en faveur du changement constitutionnel et la partie la plus importante de la stratégie américaine a-t-il encore affirmé.

Dans son interview, il avait encore précisé que, sous la présente constitution, les actions des forces d’autodéfense japonaises « étaient très réduites et limitées “Il y a beaucoup de choses qu’elles ne peuvent pas faire a-t-il dit. Il s’agit essentiellement d’une force militaire sous autorité civile qui ne peut combattre que pour la protection du Japon et de l’Etat japonais contre une éventuelle attaque. Cependant, l’accord d’octobre dernier déjà cité, a intégré les forces japonaises à l’armée américaine pour en faire une force de défense qui “fait partie des forces américaines” et est disponible “pour être utilisée en dehors du Japon a expliqué Mgr Matsuura.

Il a souligné également qu’après le déclenchement de la guerre en Irak, en réponse à la demande des Américains, le Japon avait déjà fait voter une loi permettant d’envoyer près de 500 hommes issus des Forces d’autodéfense pour assumer une mission humanitaire.

A propos du soutien de l’article 9 de la constitution par la Conférence épiscopale du Japon, Mgr Matsuura a cité la déclaration pacifiste de l’an dernier pour marquer le 60e anniversaire de la fin de la deuxième guerre mondiale. Dans cette déclaration, les évêques affirmaient : “N’avons-nous pas le droit d’être fiers de n’avoir tué personne en 60 ans et que personne d’entre nous n’ait été tué pour fait de guerre ? […] Prenons une solennelle résolution aujourd’hui, que jamais la guerre ne soit tolérée ou recherchée comme moyen de résoudre les différends 

D’un autre côté, a continué l’évêque, les évêques japonais s’inquiètent qu’à cause du changement ou de l’abrogation de l’article 9, le Japon puisse être perçu comme une menace en Asie et que cette perception puisse déstabiliser la région. Dès lors que l’interdiction d’exporter des armes sera levée, “la course à l’armement va s’intensifier et l’industrie des armes (au Japon) prospérer a-t-il insisté.

Les évêques s’inquiètent également d’une autre proposition de changement constitutionnel, concernant l’article 20 relatif à la séparation de la religion et de l’Etat, du fait des liens anciens existant entre le militarisme japonais et le shintoïsme, religion d’Etat jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale.

Mgr Matsuura a qualifié d’anticonstitutionnelles les visites annuelles du Premier ministre au temple de Yasukuni, un temple dédié à tous ceux qui sont morts pour avoir combattu au nom de l’empereur. Le temple représente, a-t-il encore expliqué, l’ancien “idéal des jeunes garçons japonais qui donnaient leur vie pour le seigneur du ciel “Le seigneur du ciel” est la traduction littérale du terme “tennô le terme japonais pour désigner l’empereur. Idéologiquement, a-t-il expliqué, le temple de Yasukuni est une glorification des années de guerre qui laisse croire que “la violence du passé avait quelque chose de beau.” (1).

“Nous voudrions pouvoir voyager dans un monde de non-violence et de paix et partager notre voyage avec le peuple américain Ce peuple a une histoire et une tradition de pacifisme et de non-violence, a-t-il encore dit, citant l’exemple du révérend Martin Luther King Jr. “Nous demandons aux Etats-Unis d’utiliser leur pouvoir, leur capacité et leur vision démocratique de la paix et non celle de la violence” pour sauvegarder le maintien de la constitution pacifiste du Japon, a-t-il conclu.