Eglises d'Asie

L’évêque de Butuan a accepté d’être membre de la commission d’enquête spéciale sur les meurtres n’ayant jamais fait l’objet d’une enquête judiciaire

Publié le 18/03/2010




Mgr Juan de Dios Pueblos, évêque de Butuan a accepté de faire partie de la commission d’enquête spéciale mise sur pied par la présidente Gloria Macapagal-Arroyo, qui vise à enrayer la multiplication des meurtres n’ayant jamais fait l’objet d’une enquête judiciaire. L’évêque a précisé qu’il avait accepté cette mission controversée uniquement dans l’intérêt du pays.

D’après un rapport publié le 21 août dernier par Karapatan, une organisation non gouvernementale de défense des droits de l’homme, 700 personnes – dont des pasteurs protestants, des catholiques, des journalistes, des responsables et des membres de mouvements politiques de gauche, des étudiants et agriculteurs – ont été exécutées aux Philippines depuis janvier 2001, date de l’accession à la présidence de Mme Arroyo, sans compter 180 personnes supplémentaires portées disparues.

Dans une interview à la radio, le 20 août dernier, la présidente Arroyo a annoncé la création de cette mission spéciale d’enquête qui jouira de “pouvoirs largement étendus”, dont celui de convoquer des témoins, de faire prêter serment et de recueillir des dépositions ou des preuves à propos des meurtres n’ayant pas encore fait l’objet d’une enquête judiciaire (1).

La Présidente a nommé l’ancien président de la Cour suprême de justice, José Melo, président de cette commission et comme membre, Mgr Camilo Gregorio, évêque catholique de la prélature de Batanes-Babuyanes qui s’est désisté peu après, le directeur du Bureau national d’enquête, Nelson Mantaring, le procureur en chef, Jovencito Zuno et Nelia Gonzales, membre du conseil d’université des Philippines.

Pour diverses raisons, Mgr Camilo Gregorio, empêché, a été remplacé par Mgr Juan de Dios Pueblos, évêque de Butuan, lequel a justifié son engagement dans cette commission par sa volonté de voir cesser les assassinats dont plusieurs personnes de son propre diocèse ont été victimes.

Depuis janvier 2006, trois personnes du diocèse de Butuan, qui recouvre les provinces d’Agusan del Sur et d’Agusan del Norte, ont été victimes de meurtre extrajudiciaire dont un employé travaillant pour les Sours du Bon Pasteur au service des minorités philippines.

Mgr Pueblos a également précisé qu’il était membre de la Commission en tant que simple citoyen, sans lien direct avec la Conférence épiscopale mais dans l’espoir de pouvoir apporter “un peu de son expérience en la matière”. Ses diocésains “n’ont aucun souci à se faire pour le temps qu’il sera amener à passer en dehors du diocèse, car son évêque auxiliaire, Mgr Zacharias Jimenez, est un homme d’expérience et fort capable.

Pourtant, un archevêque, docteur en droit canon, a exprimé son désaccord quant à l’engagement de Mgr Pueblos. Dans un article publié le 24 août 2006, Mgr Oscar Cruz of Lingayen-Dagupan rappelle que le droit canon “interdit catégoriquement à tout clerc d’assumer des charges publiques qui comportent une participation à l’exercice du pouvoir civil” (canon 285

La présidente Arroyo avait déclaré dans son intervention à la radio que l’existence de la “Commission Melo” n’était pas limitée dans le temps et qu’elle était habilitée à députer la Police nationale et le ministère de la Justice. La commission aura aussi à communiquer et à coopérer avec les familles des victimes et les organisations internationales, si nécessaire. La présence d’un évêque au sein de cette commission semblerait semble donc être essentiellement une caution morale sans participation directe “à l’exercice du pouvoir civil 

Le lendemain, à l’occasion de la commémoration de l’assassinat du sénateur Benigno Aquino, le 21 août 1983, la présidente a précisé que pour tout ce qui concerne ces assassinats, la commission sera “la voix exclusive” du gouvernement. Elle soumettra un rapport sur son action, accompagné de recommandations comme “les poursuites judiciaires appropriées et les propositions législatives nécessaires, [.] propres à éradiquer les causes de ces assassinats et à briser définitivement ce cycle de violence ».

Le pasteur Rex Reyes, de l’Eglise épiscopale des Philippines, a fait remarquer aux journalistes que la présidente Arroyo aurait également dû inviter un représentant de l’Eglise unifiée du Christ des Philippines (UCCP), puisque 17 employés et membres de l’UCCP avaient été tués entre mai 2001 et mai 2006. Il pense, a-t-il affirmé, que les évêques choisis l’ont été du fait de leur “soutien” au gouvernement.

D’après l’agence Ecumenical News International (2), l’UCCP et le Conseil national des Eglises des Philippines sont en lien avec Contak Philippines, une association de défense des droits de l’homme – également connue sous le nom de Church Office for International Network of the Philippines – au sujet des assassinats de prêtres, pasteurs ou collaborateurs laïques, de manière à déposer des plaintes auprès des Nations Unies et d’autres organisations internationales de défense des droits de l’homme.