Eglises d'Asie

Naissance et développement d’une communauté chrétienne en “Zone d’économie nouvelle” dans la région de Huê

Publié le 18/03/2010




Après le changement de régime de 1975, un certain nombre de chrétiens de diverses paroisses de l’archidiocèse de Huê furent déportés par les autorités dans une “Zone d’économie nouvelle” (vùng kinh tê moi) située en altitude dans le district de A Luoi, à 70 km. au sud-ouest de Huê, tout près de la frontière du Laos. Sur cette terre ingrate, ancien champ de bataille parsemé de mines et de bombes non éclatées, habitée jusque-là par une population appartenant à quatre ethnies minoritaires (les Pa Cô, les Pa Hy, les Ta Oi et les Co Tu) (1), les nouveaux arrivants se trouvèrent confrontés à toutes sortes de difficultés matérielles et morales, dont la moindre n’était pas l’isolement dû à l’éloignement des centres urbains et aux chemins de montagne peu praticables aux voitures (2).

Plusieurs dizaines de kilomètres séparaient les catholiques des plus proches églises, et les prêtres des alentours, en ces temps d’ostracisme religieux et malgré leurs demandes, n’obtinrent jamais la permission des autorités de se rendre auprès de ces fidèles dispersés qui ne se connaissaient même pas. Cette situation dura plus de vingt ans, pendant lesquels la foi chrétienne ne fut vécue et transmise qu’à l’intérieur des familles sans que jamais aucun culte public ne soit célébré. C’est au sein des foyers que, pourtant, les émissions religieuses de Radio Veritas venaient entretenir leur foi, depuis Manille où sont situés les émetteurs de la radio catholique.

L’isolement et la dispersion des catholiques de la “Zone d’économie nouvelle” se prolongèrent jusqu’en 1995, année où deux catholiques, marchands ambulants tous les deux, se rencontrèrent au hasard d’un marché et se firent des confidences. Ensemble, peu à peu, ils repérèrent quarante familles chrétiennes de la Zone. L’une d’entre elles s’était déjà fait reconnaître publiquement en plaçant une grande croix sur le cercueil d’un de ses fils décédé à la suite de l’explosion d’une mine durant son travail. Dès lors, la communauté ainsi formée se rassembla, à tour de rôle, le dimanche, en chacune des familles, pour prier ensemble, écouter la Parole de Dieu et participer à la messe diffusée par Radio Veritas. Certaines familles parcouraient dix kilomètres à pied pour parvenir au lieu de rendez-vous.

Puis, les conditions politiques s’améliorant de 1995 à 2000, l’archevêque de Huê, Mgr Nguyên Nhu Thê, obtint du pouvoir local l’autorisation d’envoyer un prêtre célébrer la messe sur place, deux fois par an, à Pâques et à Noël. En l’année 2000, un prêtre de la congrégation du Sacré-Cour, le P. Nguyên Dai, fut officieusement chargé de s’occuper de cette communauté. Au début, il ne célébrait l’Eucharistie que pour les grandes fêtes. Peu à peu, les célébrations se multiplièrent et bientôt eurent lieu tous les dimanches. Sur un terrain donné par un catholique du lieu, on construisit un vaste bâtiment destiné à servir de chapelle provisoire. Malgré cette première régularisation, il fallut encore attendre le 1er août 2005 pour que la nouvelle vie religieuse devienne officielle. Ce jour-là, ce fut l’archevêque de Huê qui vint, en personne, présider l’Eucharistie. Les autorités civiles avaient permis au diocèse de créer pour cette communauté une paroisse, qui a pris le nom de Son Thuy, et de nommer le P. Dai comme curé.

Aujourd’hui, les paroissiens de Son Thuy bénéficient de la présence permanente d’un prêtre parmi eux et de célébrations eucharistiques régulières. Ils n’ont plus besoin comme autrefois de suivre la messe dominicale grâce à Radio Veritas. Mais ils gardent un souvenir reconnaissant de ces émissions qui, durant un temps difficile, leur ont permis de maintenir et consolider leur vie chrétienne et qui, aujourd’hui, encore, constituent pour eux une nourriture spirituelle quotidienne.