Eglises d'Asie – Indonésie
Une organisation de la jeunesse catholique appelle à l’abolition de la peine capitale
Publié le 18/03/2010
Emprisonnés en avril 2001, condamnés à la peine capitale, les trois catholiques nient catégoriquement avoir dirigé une milice dans la région de Poso, à Célèbes, lors des affrontements interconfessionnels qui y ont fait 2 000 morts entre 1998 et 2001. Selon la justice, ils sont responsables de la mort de près de 200 victimes musulmanes. “Nous ne savons pas précisément quel fut leur rôle dans les massacres et certaines personnes affirment qu’ils sont complètement innocents, a déclaré à France-Presse (2) Sidney Jones, spécialiste de l’islamisme en Indonésie. Je ne pense certainement pas qu’ils aient été des cerveaux.”
Leurs défenseurs affirment que les trois villageois savent à peine écrire et qu’ils sont des boucs-émissaires. Une ONG a rassemblé une liste de seize noms, ceux, selon elle, des vrais meneurs. Amnesty International “craint que ces trois hommes n’aient pas bénéficié d’un procès équitable en 2001” et cite les manifestations hostiles devant le tribunal et les intimidations visant leurs avocats. Le Jakarta Post a même effectué un rapprochement avec les “Quatre de Guildford”, quatre innocents condamnés en 1975 pour un attentat imputé à l’Armée républicaine irlandaise (IRA) dans les environs de Londres.
Le problème est que la mise à mort de Tibo, Riwu et da Silva est aujourd’hui considérée par les musulmans radicaux comme une question de principe. Voilà des semaines qu’ils manifestent pour que l’exécution ait lieu. “La communauté musulmane estime généralement que Tibo était le responsable sur le terrain. Son implication dans les tueries est prouvée a assuré Adnan Arsal, un dirigeant musulman de Poso, ville où se sont déchaînées les violences. Au sein des milieux radicaux, un lien a même été établi avec l’exécution attendue de trois islamistes, auteurs des attentats de Bali de 2002, qui eux revendiquent clairement leurs actes sanglants.
Selon le P. Mudji Sutrisno, il est regrettable à cet égard que “le gouvernement tente d’être ‘équitable’, en laissant entendre que les condamnés musulmans et chrétiens doivent être exécutés en même temps”. Le président de la République Susilo Bambang Yudhoyono, qui a refusé toute grâce, est pour sa part soumis à diverses pressions. D’un côté, une partie des intellectuels et des médias indonésiens, l’Eglise catholique d’Indonésie, le pape Benoît XVI, l’Union européenne et certains responsables musulmans indonésiens lui ont demandé “un geste de clémence” pour “les trois de Poso”. De l’autre, il fait face à une opinion publique, très majoritairement musulmane et favorable à la peine de mort.
Selon les observateurs locaux, le gouvernement pourrait chercher à calmer les islamistes qui, au centre de Célèbes, continuent de harceler les chrétiens, malgré un accord de paix de 2001. Le 6 septembre dernier, un chrétien a encore été tué par une bombe artisanale et de telles actions sont récurrentes. Peu après, deux bombes, revendiquées par un groupe dénommé “Hasanuddin ont fait deux nouvelles victimes, deux chrétiens de Célèbes. Ce même groupe est celui qui, selon la police locale, est responsable de l’assassinat de trois lycéennes chrétiennes, décapitées fin novembre 2005 à Poso, au moment où elles revenaient de leur école. “Certains responsables gouvernementaux estiment que si les trois de Poso ne sont pas exécutés, la violence se poursuivra au centre de Célèbes et que, d’une certaine façon, si vous offrez à la communauté musulmane l’exécution de ces trois hommes, alors soudainement le sentiment d’injustice prendra fin analyse Sidney Jones, qui dénonce là une “instrumentalisation épouvantable du recours à la peine de mort”.