Eglises d'Asie

A Célèbes, les “trois de Poso” ont finalement été exécutés, provoquant de brèves émeutes de protestation à Atambua, au Timor occidental

Publié le 18/03/2010




Bien que les appels à la clémence n’aient pas manqué et que certains aient espéré un sursis de dernière minute, les “trois de Poso les trois catholiques condamnés à mort pour leur responsabilité supposée dans de meurtrières émeutes interconfessionnelles commises à Poso en 2000, ont été exécutés (1). Leur conseiller spirituel, le P. Jimmy Tumbelaka, a rapporté que les trois hommes, Fabianus Tibo, 60 ans, Dominggus da Silva, 39 ans, et Marinus Riwu, 48 ans, avaient été fusillés le 22 septembre dernier, un peu avant deux heures du matin. L’exécution a eu lieu dans les environs immédiats de la ville de Palu, chef-lieu de la province de Célèbes-Centre, les forces de l’ordre ayant été déployées en nombre pour parer à tout éclat de violence.

Le P. Tumbelaka a regretté que les autorités – la police et les services du procureur – aient rejeté la dernière volonté des trois hommes : que leurs dépouilles soient transportées à l’église Sainte Marie de Palu, où ils avaient vécu, pour une messe de requiem célébrée par l’évêque du lieu, Mgr Josephus Suwatan, évêque du diocèse de Manado. Pour le prêtre, cette dernière décision des autorités “est vraiment inhumaine, contraire à tous les droits de l’homme”. C’est donc devant trois cercueils vides, placés devant l’autel, que la messe a été célébrée, dans une église Sainte Marie pleine à craquer. Aucun débordement ne s’est produit lors de la dispersion de l’assemblée des fidèles.

La situation a évolué différemment à Atambua, à plus de mille kilomètres de Palu. Dans la province du Timor occidental, Atambua est le chef-lieu d’un district à majorité catholique, le district de Belu. Là, dès huit heures du matin, à l’annonce de la nouvelle de l’exécution des trois hommes, une foule estimée à 9 000 personnes a envahi les rues de la ville, incendiant les bureaux du procureur local ainsi qu’un tribunal ; d’autres bâtiments publics et privés ont été endommagés et les portes de la prison ouvertes, 190 détenus profitant de l’aubaine pour s’enfuir. L’évêque du diocèse d’Atambua, Mgr Anton Pain Ratu, et ses prêtres ont tenté – sans succès – de calmer la foule, essayant de la convaincre de garder le calme et de se rassembler pour prier dans la cathédrale. Finalement, en présence de membres des forces de l’ordre, l’évêque a pu se faire entendre des émeutiers, les implorant de ne pas verser dans l’anarchie, et le calme a fini par revenir.

Finalement, les corps de Tibo et Riwu ont été inhumés à Beteleme et Malore, les villages du district de Poso où les deux hommes s’étaient installés, après leur départ de Florès, l’île dont ils étaient originaires (2). La dépouille de da Silva, inhumée dans un premier temps par les autorités dans un cimetière public de Palu, a été exhumée pour être transportée jusqu’à Waidoko, le village natal du supplicié, sur l’île de Florès. Le transport a eu lieu le 24 septembre et c’est devant les officiels de la province et une foule très nombreuse et recueillie que le corps de da Silva a été déposée dans la cathédrale de Maumere pour une solennelle messe de requiem. Selon le célébrant, le P. Frans Fao, vicaire général du diocèse de Maumere, la réalité doit être acceptée par chacun et aucune violence ne fera revenir à la vie les trois hommes. “La présence du corps de Dominggus da Silva renforce notre combat (pour faire éclater la vérité) a-t-il toutefois ajouté.

A Palu, le fils aîné de Fabianus Tibo a déclaré : “Mon père, avant de mourir, a demandé à ce que personne ne cherche vengeance, mais cherche plutôt à pardonner.” Au Vatican, le 23 septembre, le Saint-Siège a fait part de son “vif regret” après l’exécution des trois hommes, rappelant que ses interventions et ses appels à la clémence avaient été nombreux, le dernier en date remontant au 20 septembre.

A Djakarta, des partisans de l’abolition de la peine de mort ont appelé à l’abolition définitive du châtiment suprême. Mgr Vincentius Sensi, évêque du diocèse catholique de Maumere, souligne pour sa part que la campagne contre la peine de mort menée par les catholiques (3) allait continuer aux côtés des musulmans qui sont favorables à son abolition. Cité par l’agence Fides (4), l’évêque s’est interrogé sur les raisons qui ont poussé le gouvernement et le chef de l’Etat à refuser la grâce aux trois de Poso : “Pourquoi le gouvernement les a-t-il exécutés si rapidement, alors qu’il y a de nombreux condamnés à mort en attente d’exécution ? Nous percevons de l’injustice ; c’est pour cela que nous avons sensibilisé la communauté internationale. Dans la campagne abolitionniste, organisée dans mon diocèse et dans toute l’Indonésie, nous avons impliqué les musulmans, et des responsables religieux ont manifesté avec nous. La campagne ne peut et ne doit pas avoir de couleur ou de connotation religieuse : c’est la campagne de tous et il s’agit de sauver la vie de tous les hommes, quelle que soit la communauté religieuse à laquelle ils appartiennent et quels que soient les crimes commis.”