Eglises d'Asie

Les manifestations appelant au départ du président de la République se multiplient et l’archevêque de Taipei a publié une lettre ouverte appelant ses diocésains à prier pour sa repentance

Publié le 18/03/2010




Le 7 septembre dernier, Mgr Joseph Cheng Tsai-fa, archevêque de Taipei, a publié une lettre ouverte pour appeler les catholiques de Taipei à prier pour que le président de la République se repente. “Vous pouvez vous interroger et vous demander pourquoi il est encore besoin de prier pour (le président Chen Shui-bian). Je crois que la prière est la manière la plus simple, la plus importante et la plus constante d’être chrétien écrit l’archevêque dans cette lettre par laquelle il appelle le président à faire son examen de conscience et à dire si oui ou non il a toujours agi selon sa conscience. L’opinion publique ne demanderait pas à son dirigeant suprême de démissionner sans raison, poursuit Mgr Cheng, ajoutant que le président “a gravement violé les promesses qu’il a faites au peuple”. “Face à la situation actuelle désordonnée du pays, nous devons, en tant que chrétiens, avoir à cour de prier pour résoudre la crise, et surtout nous devons prier pour que le président se repente écrit l’archevêque de Taipei, qui assume également la présidence de la Conférence régionale des évêques de Chine à Taiwan.

La lettre de l’archevêque Cheng, pour inhabituelle qu’elle soit, intervient dans un contexte politique agité. Réélu à la présidence de la République à l’issue d’un scrutin contesté en 2004, le président Chen Shui-bian, du Parti démocratique progressiste, a vu depuis cette date les scandales se multiplier autour de sa personne. Cet été, son gendre a été mis en examen pour délit d’initié et encourt une peine de huit années de prison. Malgré ses dénégations et celles de ses proches, le président est devenu très impopulaire, avec seulement 20 % d’opinions favorables et l’opposition nationaliste entend bien profiter de son affaiblissement. En décembre prochain auront lieu des élections municipales à Taipei et à Kaohsiung, puis les élections législatives en décembre 2007 et enfin les présidentielles en mars 2008.

Elu sur un programme anti-corruption, le président Chen a vu l’étau se resserrer autour de lui lorsque, ce 7 septembre, un procureur de Taipei a annoncé en conférence de presse que le président Chen avait reconnu des irrégularités dans l’utilisation de fonds gouvernementaux. Le président Chen s’est défendu en arguant qu’il avait agi ainsi, non pour son profit personnel ou pour celui de sa famille, mais pour dégager des ressources nécessaires à l’action diplomatique à l’étranger de la République de Chine. Mais, dès le 9 septembre, un de ses anciens alliés en politique, Shih Ming-teh, un catholique, héros de la démocratisation à Taiwan, souvent qualifié de Nelson Mandela taïwanais pour les vingt-cinq ans passés en prison, a organisé un sit-in massif autour du palais présidentiel. Jusqu’à plusieurs centaines de milliers de personnes ont pris part à ce mouvement de protestation, avant qu’il ne s’étiole quelque peu les jours suivants.

Selon Mgr Cheng Tsai-fa, lutter contre l’avidité et la corruption est le devoir de tous. “Un oui est un oui, un non est un non” et le président doit répondre des charges qui sont soulevées contre lui. S’il a commis des malversations, il doit l’admettre, se repentir et présenter des excuses, insiste l’archevêque de Taipei.

Dans le reste de l’épiscopat taïwanais, des voix se font entendre dans le même sens. Selon l’évêque de Chiayi, Mgr John Hung Shan-chuan, ordonné à l’épiscopat en février dernier avec la devise “Veritas et libertas le fait que le président évite de répondre aux questions embarrassantes qui lui sont posées donne un mauvais exemple à la jeunesse, qui doit apprendre à distinguer ce qui est bien de ce qui ne l’est pas. La réaction de l’opinion publique et les manifestations publiques contre le président signifient que les Taïwanais “ont un sens moral” et cela est un signal positif adressé aux futures générations, a ajouté l’évêque, qui a toutefois ajouté que le clergé doit se maintenir à l’écart de la politique, un domaine où ce sont les laïcs qui doivent agir. Mgr John Hung a aussi remarqué que les deux camps, le pro- et les anti-Chen, avaient chacun mobilisé environ un million de partisans ; le restant de la population, soit 21 millions de personnes, ne s’est pas prononcé et “la Conférence des évêques a besoin de temps pour observer la situation avant de donner une directive pastorale”.

Mgr Hung, qui, avant d’être évêque, a assumé la responsabilité de coordination de la pastorale des prisons pour l’Eglise catholique à Taiwan, a ajouté qu’il avait fait la connaissance de Shih Ming-teh lorsque ce dernier était emprisonné pour raison politique. Il se souvient de lui comme un idéaliste, mais pas comme un catholique très pratiquant.