Eglises d'Asie – Vietnam
“VIVRE SA FOI AUJOURD’HUI” LETTRE PASTORALE POUR L’ANNEE 2006 DE LA CONFERENCE DES EVEQUES CATHOLIQUES DU VIETNAM
Publié le 18/03/2010
Introduction
Frères et sours bien aimés,
1 – Nous tous, cardinaux, archevêques et évêques, sommes rassemblés au Centre pastoral du diocèse de Huê sous le patronage de Notre Dame de La Vang pour participer, du 4 au 8 septembre, au Congrès annuel de la Conférence épiscopale du Vietnam. Nous tenons à vous faire parvenir, frères et sours, nos salutations affectueuses et vous souhaiter la paix du Christ.
Avec la lettre commune de l’année 2004, nous avions contemplé, médité et vécu le mystère du Saint sacrement, “source et sommet de toute vie chrétienne” (Lumen Gentium, 11). La lettre de l’année 2005 nous avait incités à écouter, méditer et vivre la Parole de Dieu. La lettre de cette année a choisi comme thème, “Vivre sa foi aujourd’hui” pour que chacun d’entre nous vive sa foi dans des actes concrets comme l’écrit l’apôtre Saint Jacques : “Si la foi n’a pas les ouvres, elle n’est qu’une foi morte” (Jc 2,17). En fait, une vie de foi doit être en liaison avec Dieu tout en s’orientant vers les hommes nos frères, comme nous en a donné l’exemple le Christ Jésus ; le Verbe venu dans notre chair et dans notre monde.
A la lumière de la Parole de Dieu, sous l’inspiration et la conduite de l’Esprit Saint, nous vous invitons, frères et sours, à revenir vers les fondements de note vie de foi et, par la suite, à vous laisser inspirer par les orientations pastorales propres à chaque composante du peuple de Dieu au sein de la société vietnamienne aujourd’hui.
I – Les fondements de la vie de foi
2 – Vivre en référence à la vie divine trinitaire
Selon Saint Paul, le chrétien lorsqu’il reçoit le baptême est plongé dans l’eau de purification, symbole de l’union à la mort du Christ. Comme Celui-ci est ressuscité d’entre les morts par la toute puissance du Père, de même le nouveau baptisé entre dans une vie nouvelle (Voir Rm 6,3-4).
Telle est la vie de Dieu, source de l’amour : “Dieu a tant aimé le monde qu’il lui a envoyé son fils unique pour que tous ceux qui croient en Lui vivent d’une vie nouvelle et obtiennent la vie éternelle” (Jn 3,16). C’est à cet amour que l’homme reconnaît le visage authentique de Dieu et réussit à le trouver.
Telle est aussi la vie qui nous vient de Jésus, don de l’amour de Dieu à l’humanité. Lui, le fils bien aimé de Dieu, “il s’est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu’à la mort, même jusqu’à la mort de la croix” (Ph. 2,8). Pour réconcilier le monde pécheur avec Dieu et tirer de l’humanité des hommes nouveaux qui «verront Celui qu’ils ont transpercé” (Jn 19,37) et accueilleront son salut.
Tel est aussi le dynamisme vivifiant de l’Esprit Saint, la force de l’amour. Grâce à Lui, le chrétien communie à la Passion et à la Résurrection de Jésus pour s’engager courageusement sur le chemin de son maître très saint et vivre à son exemple.
3 – Vivre la vocation à la sainteté
L’honneur d’être enfant de Dieu exige du chrétien de grandir chaque jour dans l’amour, de croître tous les jours davantage dans la foi, l’espérance et la charité et de se conformer à l’image du Christ, incarnation de cet amour. Autrement dit, le Chrétien est invité à devenir parfait et saint, selon l’enseignement du Christ “Soyez parfait comme votre Père dans le ciel est parfait” (Mt 5,48).
Le Concile Vatican II, dans la constitution Lumen Gentium, a rappelé cette exigence : “Tous les chrétiens sont appelés par Dieu à la perfection de la sainteté celle même du Père” (LG, 11,3). “L’appel à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité s’adresse à tous ceux qui croient au Christ, quels que soient leur état ou leur rang” (LG, 40,2).
4 – Vivre sa mission de témoin
Avant de monter au ciel, le Seigneur Jésus a fortifié la foi des apôtres, ouvert leurs esprits à la compréhension des écritures, et leur a transmis la mission d’aller annoncer l’Evangile à toutes les nations, les appeler au repentir pour qu’elles obtiennent la rémission de leurs péchés. Il leur a déclaré : “C’est vous qui en êtes les témoins” (Lc 24,48). Ainsi, vivre en témoin est la manière la plus expressive de manifester la force de l’amour salvifique de Dieu. De même que le Seigneur Jésus n’est pas venu en ce monde pour y chercher la gloire pour lui-même, mais pour glorifier Dieu et sauver les hommes, de même, les chrétiens s’engagent à la suite du Christ pour être transformés par son Evangile et devenir ainsi ses témoins pour ce monde.
Si dans la vie du chrétien, le Seigneur Jésus est vraiment le point de référence et le critère d’appréciation de toute action, la présence positive des chrétiens dans la société à travers leur vie de foi témoignera des valeurs fondamentales de l’évangile et apparaîtra comme un signe du bonheur du Royaume des cieux.
II – Orientations pour la vie de foi
Les fondements de la vie de foi sont très profonds. Mais sa manifestation extérieure dépend de tout un travail préalable d’édification quotidienne, passant par des efforts de formation de la foi, par une mise en pratique des vertus, une prière assidue et la réception fervente des sacrements. Devant la situation actuelle de la société du Vietnam, entrant dans le processus de mondialisation avec ses effets positifs mais aussi avec les nouveaux défis qu’il lance à la vie aussi bien profane que religieuse, nous devons préciser un certain nombre d’orientations pastorales concernant la vie de foi aujourd’hui.
4 – Le renouveau personnel
L’homme subit la situation sociale et agit sur elle. Si celle-ci écrase les hommes, des hommes nouveaux agiront pour peu à peu créer une nouvelle situation. Devant les changements actuels de la société, qui exercent une influence non négligeable sur les manières de penser et de vivre de nombreuses personnes, en particulier, des jeunes, nous proposons un cheminement de la vie de foi débutant par un renouvellement personnel.
Le point fondamental dans l’édification d’un homme nouveau, c’est que chacun prenne conscience personnellement de sa dignité et vive en conséquence. La dignité humaine est en effet un don de Dieu. La reconnaître, c’est entamer l’ouvre de sanctification personnelle.
Par ailleurs, chaque homme a besoin d’être formé pour acquérir une conscience droite. Parmi les choses essentielles que le catholique doit donner en exemple, se trouve la prise en considération de la valeur de la conscience et la mise en pratique de ce que nous dit la voix de notre conscience. Dans la Constitution “L’Eglise dans le monde d’aujourd’hui on trouve ceci : “C’est d’une manière admirable que se découvre à la conscience cette loi qui s’accomplit dans l’amour de Dieu et du prochain. Par fidélité à la conscience, les chrétiens, unis aux autres hommes, doivent chercher ensemble la vérité et la solution juste de tant de problèmes moraux que soulèvent aussi bien la vie privée que la vie sociale” (Gaudium et Spes, 16).
Dans la société d’aujourd’hui, il arrive que les nécessités de la vie et du développement entraînent avec elles des séquelles qui mènent les consciences dans l’erreur ou leur font perdre leur orientation. Chaque chrétien doit alors montrer l’exemple en interrogeant sa propre conscience et en réalisant ce que lui ordonne une conscience droite. Aussi bien à l’intérieur de sa famille que dans les lieux où il vit.
6 – Engagement pour le service
L’homme nouveau suivant l’exemple de Jésus doit s’engager pour le service. Si le service du prochain peut aider les autres à reconnaître la présence de Dieu chez les chrétiens, ce même service peut aussi aider les chrétiens à ressentir l’amour de Dieu avec plus de clarté. Le pape Benoît XVI a souligné l’interaction nécessaire entre l’amour de Dieu et l’amour du prochain. C’est lorsque nous nous engageons au service du prochain que nous connaissons Dieu avec le plus de clarté. Le pape écrit : “Seul le service du prochain ouvre mes yeux sur ce que Dieu fait pour moi et sur sa manière à Lui de m’aimer” (Deus Caritas est, 18).
Ainsi l’engagement au service de l’homme est une exigence essentielle au christianisme. Une vie de foi ne peut être vécue que sur la base de la charité et de l’amour car tel est le commandement le plus important (Mt 22,27-39) et le signe le plus clair affirmant notre appartenance à Jésus Christ. “On vous reconnaîtra comme mes disciples à l’amour que vous vous portez les uns aux autres” (Jn 19,35).
La charité peut se manifester de diverses manières. Notre lettre pastorale insiste sur l’engagement au service. C’est pourquoi nous vous invitons à développer en vous l’esprit de solidarité, d’amour et de service de l’Evangile de Jésus en vous mettant au service de la vie et de la dignité humaine, plus particulièrement de ceux qui sont les plus pauvres les pauvres en connaissance, en richesse en amour, en espérance et en bonheur.
En s’engageant ainsi au service des autres le chrétien témoigne des potentialités évangéliques et de l’efficacité de la rédemption dans le Christ. L’homme racheté sort de lui-même pour servir le Seigneur en la personne des plus petits de ses frères.
7 – Contribuer à l’édification d’une société juste
L’amour de Dieu et des autres nous incite à participer à l’édification d’une société où les hommes trouvent les conditions de vie conforme à leur dignité. Les hommes étant créés à l’image de Dieu, ils ont le droit d’être respectés et que soient mises en ouvre les possibilités que Dieu leur a accordées pour servir la société le plus efficacement possible. Parallèlement, les hommes étant frères les uns des autres, tous créés par la toute puissance de Dieu et objet de la rédemption dans le Christ, l’homme doit être traité avec considération, amour et sincérité comme l’objectif final du développement. Jamais il ne devra devenir un moyen du développement économique ou de la réussite d’un quelconque organisme ou force sociale.
Pour construire une société juste, outre l’éducation destinée à faire connaître les droits de l’homme fondamentaux, il est nécessaire qu’existe une ligne de conduite adaptée garantissant l’application de ces droits. Cette tâche exige des contributions émanant de nombreuses sources. En tant que chrétiens, nous sommes appelés à devenir la lumière du monde, le sel de la terre, le levain dans la pâte. Nous devons ensemble construire une communauté où chaque membre soit aidé et traité avec justice.
La justice va de pair avec le respect de la vérité. Celui-ci constitue une condition nécessaire à l’édification d’une communauté d’amour. Nous sommes persuadés que l’exemple émanant de la communauté des enfants de Dieu aura une influence positive sur notre société.
III – Responsabilités et vie de foi
8 – Le rôle des prêtres et des religieux
Nous tenons à nous adresser spécialement à vous, prêtres, religieux et religieuses car vous êtes des éléments positifs et importants dans la mise en ouvre de cette lettre pastorale.
Vous êtes ceux qui avez choisi le Seigneur comme votre héritage et avez volontairement offert votre vie pour le service du Seigneur et des hommes, particulièrement des plus humbles dans notre société. Cet engagement s’est réalisé à travers une vie faite de contemplation et d’activités apostoliques.
La vie de foi au sein de la société d’aujourd’hui a besoin de votre exemple et de vos prières. Bien que votre participation aux ouvres de bienfaisance sociale rencontre de nombreuses limites, pourtant partout où vous êtes présents, la foi et la charité chrétienne se manifestent avec force. C’est pourquoi nous vous appelons à vous engager de toutes vos forces et avec persévérance dans la lutte pour apaiser et éliminer la souffrance de nos frères humains, rendant ainsi le Christ véritablement présent au sein de la société où nous vivons.
9 – Le rôle de la paroisse
Le rôle de la paroisse dans l’éducation de la foi s’est révélé fondamental au cours de l’histoire de l’Eglise du Vietnam. Aussi bien, nous appelons toutes les paroisses à faire en sorte que soient organisées des activités éducatives pour chaque tranches d’âge visant à aider chacune des composantes du peuple de Dieu et plus particulièrement la jeunesse à implanter les valeurs chrétienne dans leur vie quotidienne. Plus encore, sous la conduite de leurs pasteurs, avec la collaboration des diverses composantes familiales et paroissiales, avec le concours des associations apostoliques comme des mouvements d’action catholique, les paroisses constitueront un environnement approprié où la communauté du Peuple de Dieu pourra réaliser les valeurs évangéliques et l’enseignement de l’Eglise dans la vie sociale et dans les activités professionnelles.
Dans la situation sociale actuelle marquée par de nombreux changements, la communauté paroissiale, à côté des activités pastorales traditionnelles, doit se montrer attentive aux nouveaux domaines de la pastorale comme par exemple, celui des migrants, celui des victimes des fléaux sociaux, des personnes isolées ou abandonnées. Cette préoccupation fera écho aujourd’hui dans chaque région au message de solidarité humaine de l’Evangile du Christ.
10 – Le rôle de la famille
Dans l’imprégnation du mode de vie par cet esprit évangélique, nous sommes persuadés que la famille chrétienne joue un rôle irremplaçable. Elle est la première et la plus importante école où sont enseignées aux hommes les vertus humaines comme le sentiment religieux, en tant que cellule fondamentale de la société. La famille doit prendre soin d’édifier et de maintenir les valeurs infiniment précieuses propres au couple et à la famille catholiques. Ce sera une contribution positive au développement durable de la société et de l’Eglise.
En restant fidèles à la prière commune, à la maison, en sanctifiant le dimanche, en maintenant un climat de concorde, en facilitant les concessions entre mari et femme, parents et enfants, vos familles deviennent des témoins éloquents de la religion du Christ. Lorsque les époux surmontent toutes les difficultés, vivent dans une loyauté et une fidélité permanentes, comme ils s’y sont engagés le jour de leur mariage, alors, nos familles contribuent à la formation d’une civilisation de l’amour et d’une culture de la vie pour votre pays.
Chrétiens vivant de votre foi, soyez résolus et ne laissez pas la culture de la mort vous entraîner avec elle. N’acceptez aucune forme de violation de la vie et de la dignité humaine. Surtout, avec courage dites “Non” aux fléaux de l’avortement et du divorce, fléaux aux conséquences désastreuses pour la famille comme pour la société et pour l’Eglise.
Conclusion
Vivre sa foi aujourd’hui relève de la responsabilité de toutes les composantes du peuple de Dieu. Il en est de même de la promotion de la dignité de la vie du fidèle. Le pape Saint Léon le Grand, dans une homélie de Pâques, a lancé cet appel : “Chrétiens, reconnaissez votre propre dignité” (Sermon II). Il s’agit de la dignité des enfants du Père qui est dans les cieux, rachetés par le sang de Jésus, devenus le temple du Saint Esprit. Elle se manifeste surtout dans nos efforts pour nous sanctifier et des devenirs des témoins de l’amour de Dieu.
Vivant dans un pays marqué par de nombreux changements et confronté à de multiples défis, nous sommes appelés à vivre une foi plus adulte afin de nous engager pour le service du prochain sous un mode nouveau et apporter une contribution positive à l’édification de l’homme nouveau.
Sous la protection de la Vierge Marie, Notre Dame de La Vang, de Saint Joseph, des saints martyrs du Vietnam, vivons notre foi aujourd’hui dans l’esprit de l’Evangile pour rendre gloire à Dieu et apporter notre part à l’édification du bonheur de tous.
En communion avec vous, nous rendons grâce et nous glorifions le Seigneur,
A Huê, le 8 septembre 2006 ;
en la fête de la Nativité de la Vierge,
Joseph Ngô Quang Kiêt,
secrétaire adjoint de la Conférence épiscopale du Vietnam
Paul Nguyên Van Hoa,
président de la Conférence épiscopale du Vietnam