Eglises d'Asie – Timor Oriental
Face à la reprise des hostilités et des intimidations, les réfugiés de Dili craignent de rentrer chez eux
Publié le 18/03/2010
Paolo Suares, 35 ans, un des 2 000 réfugiés du camp installé dans l’enceinte du couvent des Sours de Canossa, y a perdu sa petite fille d’un an, morte d’une diarrhée au mois de juin. Au milieu des campements de tentes qui servent d’abris aux réfugiés, il témoigne : « Mourir pour l’indépendance du pays est un honneur, mais nous ne voulons pas mourir une fois l’indépendance acquise. Nous voulons profiter de ce pourquoi nous nous sommes battus. » Il ajoute avoir très peur pour sa sécurité et celle de sa famille s’il devait quitter le camp de réfugiés, où pourtant il ne souhaite plus voir les gens mourir, surtout les enfants.
Le Timor-Oriental ou Timor-Leste est devenu indépendant en mai 2002, après quatre siècles de régime colonial portugais, vingt-cinq ans de domination indonésienne et deux ans sous administration onusienne (2). Pour Sr. Guilhermina Marcal, la relative sécurité derrière les portes du couvent n’en rend pas moins inquiétante la violence des rues et les conditions sanitaires du camp installé sur leur terrain sont un problème urgent. Depuis mai, indique-t-elle, quatre enfants et un adulte sont morts de maladies tout à fait guérissables. « Nous avons des réfugiés chez nous depuis presque cinq mois et les sanitaires sont un vrai problème explique cette religieuse de 48 ans, responsable du couvent : « Nous avons six toilettes mobiles et trente fixes. Un certain nombre sont déjà brisés parce que les gens ne savent pas s’en servir. »
D’après l’analyse de Sr. Marcal, ce sont les petits délinquants qui créent l’instabilité et les « intérêts politiques » qui influencent les responsables. « Je suis pratiquement sûre que des chefs politiques sont présents derrière toute cette violence affirme-t-elle. Le problème serait résolu, ajoute-t-elle, si le gouvernement ouvrait des discussions avec d’autres institutions, notamment la société civile. Sr. Marcal voudrait que les dirigeants aient le courage de reconnaître en public qu’ils sont eux-mêmes responsables de cette situation. Pardon, acceptation mutuelle, réconciliation et justice sont nécessaires pour parler avec ceux qui ont commis des crimes, mais le plus important, dit-elle, est que les politiciens et les partis se montrent politiquement mûrs pour résoudre le conflit.
Dans un autre camp, installé sur le parking du quartier général des Nations Unies, à Dili, 4 000 réfugiés disent également ne pas se sentir en sécurité. « Nous avons été assaillis avec des pierres, des flèches et même des cocktails Molotov, mais ils (les attaquants) se sont enfuis quand les soldats de l’ONU sont arrivés a déclaré Liborio dos Santos, le 21 septembre dernier. Administrateur du camp, il admet, avec d’autres, que revenir chez soi ne serait pas le bon choix. Les gens « me chasseraient de chez moi comme si j’étais un voleur affirme-t-il.
Le 21 septembre, un chauffeur de taxi a été poignardé près du centre commercial de Comera. Selon un témoin oculaire, le meurtrier s’est ensuite enfui dans le camp de réfugiés proche de ce centre commercial. De plus, six maisons au moins ont été incendiées et huit personnes ont été blessées dans un conflit entre les partisans de l’est et ceux de l’ouest, à Comoro, un quartier situé derrière l’ambassade des Etats-Unis. « Aujourd’hui nous avons reçu huit blessés. Deux poignardés, quatre blessés par flèches et les deux autres avec des pierres indique Antonio Caleres, directeur de l’hôpital national de Dili, le 27 septembre. D’après les médias, au moins 200 personnes ont été blessées dans des échauffourées entre gangs depuis l’arrivée en mai des troupes onusiennes pour le maintien de la paix. Ces incidents ont bouleversé la ville et ses alentours, après la crise qui semblait pourtant terminée.