Eglises d'Asie

Un camp de nuit au sommet du mont Matebian a permis à de jeunes catholiques de réfléchir sur les difficultés actuelles du pays et de s’investir en faveur de la paix

Publié le 18/03/2010




Matebian est un sommet escarpé, recouvert d’une forêt dense, qui domine le diocèse de Baucau, à 3 400 mètres d’altitude. Pour les Timorais, de tout temps, il a été un refuge en temps de crise. Son nom, qui signifie « Montagne de la mort rappelle les époques où il n’y avait de refuge nulle part. Des fragments rouillés de bombes en jonchent les pentes, restes des bombardements de l’aviation indonésienne durant les premières années de l’occupation (1975-1999), le terrain accidenté et la forêt faisant de Matebian une cache naturelle idéale pour la résistance armée.

Pour les 500 jeunes catholiques du diocèse de Baucau, qui, le 16 septembre dernier, ont gravi pendant cinq heures le sommet, faire l’ascension du Matebian a été une occasion de parler de la paix et de faire le point sur les difficultés que traverse le pays. Quatre prêtres et une vingtaine de séminaristes, salésiens pour la plupart, ont animé, ce « camp découverte » au sommet du Matebian. En plus de l’Eucharistie, les jeune ont pu vivre un temps d’échanges et de réflexions sur la récente crise politique qui a secoué le Timor-Oriental (1) et a conduit à la démission du Premier ministre Mari Alkatari (2). L’installation d’une force internationale de maintien de la paix par le Conseil de sécurité des Nations Unies, le 15 août dernier, a pour but de soutenir la stabilisation de cette jeune nation officiellement connue sous le nom de République démocratique du Timor-Leste (Timor-Oriental) (3).

Durant la célébration eucharistique, le P. Deonisio Sarmento, 30 ans, responsable des jeunes pour le diocèse de Baucau, a parlé des victimes des récentes violences et a demandé l’aide de Dieu pour que les hommes parviennent à résoudre les problèmes du pays. Devant des jeunes qui commençaient à frissonner avec la fraîcheur du soir, le prêtre leur a rappelé le but de ce camp de nuit : « Créer une occasion de réfléchir en profondeur sur la crise qui secoue le Timor-Oriental et découvrir ensemble comment promouvoir la paix et l’unité du pays. »

450 jeunes hommes et 50 filles, entre 15 et 35 ans, venus des seize paroisses du diocèse de Baucau se sont rassemblés autour de la chaleur et de la lumière de grands feux de camp, attentifs aux propos des intervenants. Le prêtre leur a expliqué que la violence provenait d’un peuple assoiffé de justice : « Les gens sont en conflit car les tribunaux ne condamnent pas ceux qui ont commis des crimes. Les gens ont alors décidé de prendre eux-mêmes les choses en mains ajoutant que des politiciens avaient également pu pousser des jeunes à déstabiliser le pays, mais que les catholiques de Baucau n’avaient pas à prendre part à de telles entreprises (3). Les jeunes appartenaient à divers groupes, comme les scouts catholiques, le séminaire Tunggal Hati Maria, le Mudika Salesian Don Bosco et autres groupements paroissiaux.

Les réactions des jeunes ont été nombreuses. Anjelita Lopes, 21 ans, par exemple, a souligné, appuyée par tous, que, si les uns et les autres avaient des points de vue différents sur la question du partage entre gens de l’est ou de l’ouest, ils étaient néanmoins unis parce que catholiques (4). « Nous ne devons pas tomber dans les pièges des politiques a-t-elle affirmé, ajoutant que la violence « ne peut que ruiner notre esprit de famille et l’amitié entre enfants de Dieu ». Julita Freita, 19 ans, a affirmé quant à elle, que les jeunes de sa paroisse de Baucau faisaient bon accueil aux gens de l’ouest et que, des deux côtés, les gens « avaient été utilisés par les politiciens qui défendaient leurs propres intérêts ». Elle a souligné aussi la nécessité d’aider les jeunes à prendre conscience de la situation, en suggérant le lancement d’une campagne pour la paix qui inciterait les jeunes à se parler pour mieux se comprendre et pardonner.

Ce temps de réflexion à la lueur des flammes s’est terminé par la décision des jeunes de mettre sur pied un groupe qui irait de paroisse en paroisse parler de la paix aux jeunes et aux paroissiens. Pour Pâques, ils ont également décidé de réciter le « serment des jeunes » en faveur de l’unité et de porter une croix de district en district, afin de promouvoir la paix et la réconciliation.

Le P. Sarmento a confié aux journalistes rencontrés peu après que des jeunes du diocèse de Dili auraient également dû participer à ce camp, « mais qu’à cause de la crise actuelle, la délégation n’avait pas pu venir ». Les violences, certes, ont diminué d’intensité mais elles n’ont pas pour autant cessé dans la capitale, où les gangs de rue continuent de s’affronter par intermittence (5).