Eglises d'Asie

Après l’assassinat d’un pasteur protestant à Célèbes, des appels à l’harmonie interreligieuse ont été lancés

Publié le 18/03/2010




Quelques jours avant les célébrations marquant la fin du mois de jeûne du ramadan, les responsables des associations d’étudiants représentant les cinq principales religions du pays ont appelé leurs compatriotes à promouvoir l’harmonie interreligieuse. Le 19 octobre dernier, ils ont tenu une conférence de presse à Djakarta dans les locaux de la Muhammadiyah pour dire leur rejet de la violence et leur refus d’une « culture de mort générée, selon eux, par l’incapacité du gouvernement et des forces de l’ordre à défendre les droits fondamentaux de la personne en Indonésie.

« Alors que les musulmans jeûnaient durant le temps du ramadan et se préparaient à célébrer Id al-Fitr, des individus masqués ont tiré le 16 octobre sur le Rév. Irianto Kongkoli, secrétaire général du Synode des Eglises chrétiennes de Célèbes-Centre, le tuant sur le coup ont rappelé les responsables étudiants. Agé de 40 ans, le pasteur a été tué à Palu, chef-lieu de la province de Célèbes-Centre, une semaine avant la fin du ramadan et les célébrations d’Id al-Fitr, les 24 et 25 octobre. Palu et sa région, autour de la ville de Poso notamment, sont des lieux de tensions intercommunautaires récurrentes, en dépit des accords de paix de Malino, signés en décembre 2001, qui ont mis fin à des heurts sanglants entre musulmans et chrétiens (1). Entre 1998 et 2001, près de 2 000 personnes ont trouvé la mort du fait de ces heurts.

Selon les responsables étudiants, l’assassinat du Rév. Irianto Kongkoli, abattu en plein jour alors qu’il faisait des courses en compagnie de son épouse, manifeste l’échec des accords de Malino. Si les heurts massifs des années 1998-2001 ont bien cessé, la situation demeure explosive et les incidents sporadiques. Comment, dans une telle situation, les habitants de la région de Poso pourraient-ils retrouver le calme et la paix ?, s’interrogent-ils. Prôner sans relâche la tolérance et le respect de l’harmonie interreligieuse, est une partie de la réponse. Mais il est aussi nécessaire, ajoutent-ils, que le gouvernement et les forces de l’ordre démentent l’opinion populaire selon laquelle l’Etat est incapable de lutter contre les atteintes aux droits de la personne et d’empêcher les conflits intercommunautaires.

Les signataires de cet appel appartiennent à la branche étudiante de la Muhammidiyah, au Mouvement des étudiants chrétiens d’Indonésie, au Syndicat catholique des étudiants de la République d’Indonésie, au Syndicat des étudiants bouddhistes d’Indonésie et à l’Association des étudiants hindous du dharma.

Par ailleurs, au lendemain de l’assassinat, les responsables de la Communion des Eglises (protestantes) d’Indonésie ont dénoncé l’acte, le qualifiant d’acte de « terreur ». Afin que l’enquête ne s’enlise pas, ils ont demandé la mise sur pied d’une équipe indépendante pour mener les investigations et retrouver les coupables et les commanditaires.

Le Rév. Irianto Kongkoli avait pris la direction du Synode des Eglises chrétiennes de Célèbes-Centre après la démission de son prédécesseur, le Rév. Rinaldy Damanik. Celui-ci avait pris la décision de se retirer de cette instance après avoir échoué à obtenir la grâce et la libération des trois catholiques exécutés à Palu le 22 septembre dernier (2). Selon des observateurs, le gouvernement indonésien espérait apaiser les islamistes les plus radicaux dans cette région en exécutant « les trois de Poso condamnés à mort par un tribunal en 2001 pour des violences antimusulmanes commises en 2000. Pour le gouverneur de la province de Célèbes-Centre, il est certain qu’il existe un lien entre l’assassinat du pasteur et l’exécution des trois catholiques. « Je me souviens très bien qu’Irianto Kongkoli a assisté au procès (des trois de Poso). Lui et le Rév. Damanik ont dirigé les manifestations contre les exécutions a-t-il expliqué. Une analyse qui n’est pas partagée par le curé de la paroisse catholique Saint-Paul à Palu, le P. Melky Tore, selon qui l’assassinat du pasteur n’a « rien à voir avec la religion ». Le prêtre ainsi que d’autres observateurs sur place mettent en avant le fait que, trop souvent, des actions à connotation religieuse servent à masquer des conflits locaux, liés à des intérêts privés.

Par ailleurs, une opération de police a mal tourné le 22 octobre dernier. Fouillant les maisons d’un quartier musulman de Poso à la recherche d’armes et de munitions, la police s’est heurtée à la résistance de certains habitants. Des heurts ont eu lieu, faisant un mort et plusieurs blessés. Peu après, dans la nuit du 23 au 24 octobre, un temple protestant du même quartier a été partiellement détruit par un incendie d’origine criminelle. Selon les autorités, « seule la partie arrière du temple Eklesia (dans le quartier de Gebrangrejo) a brûlé et personne n’a été blessé ».