Eglises d'Asie

Selon un évêque catholique, le récent scandale qui a entaché le concours d’entrée aux écoles d’infirmiers est symptomatique de “la culture de tricherie” qui affecte le pays

Publié le 18/03/2010




Pour les quelque 17 000 candidats qui ont réussi, cette année, le concours d’entrée aux écoles d’infirmiers, l’avenir semble passablement bouché. Il est désormais avéré que 10 % d’entre eux ont eu accès par avance aux questionnaires du concours en question, tenu en juin dernier. La combine a été éventée et ils ont été exclus de la liste des admis par une décision de justice. Cependant, pour les 15 300 candidats qui ont réussi le concours sans tricher, il n’est pas encore acquis qu’ils puissent suivre les cours qui les mèneront au diplôme d’infirmier, des procédures judiciaires étant encore en cours. Le scandale a fait réagir un évêque catholique, Mgr Teodoro Bacani, évêque émérite de Novaliches. Selon lui, ce ne sont pas quelques centaines de candidats qui se sont ainsi égarés mais c’est bien toute la culture du pays qui est en cause, une culture qu’il a qualifiée de “culture de tricherie”.

La tricherie est présente dans toutes les fibres de la société philippine, affirme-t-il, pas seulement dans le système éducatif, mais dans le sport, les affaires, le gouvernement, chacun espérant s’en tirer en trichant. “Je vais demander au Conseil permanent de la Conférence épiscopale de mettre la question de la tricherie à l’ordre du jour de l’assemblée de janvier 2007. Cela viendra à point nommé, à quelques mois des élections présidentielles de mai 2007. Les tricheurs ne doivent pas être récompensés, ils doivent être renvoyés, qu’ils soient élèves-infirmiers ou hommes politiques a explicité l’évêque.

Pour Mgr Bacani, l’Eglise doit se montrer plus présente sur cette question “pour parler haut et fort et dénoncer cette culture de tricherie que l’on trouve du jardin d’enfants aux urnes électorales”. Il souligne que le gouvernement actuel a perdu tout crédit moral dès l’instant où des accusations de fraude sont restées sans réponse à la suite des élections de 2004. “Aux jeunes à qui je prêche pour des retraites de confirmation, je dis : ‘Si vous trichez à l’école, vous tricherez sur les terrains de sport, dans votre travail, au gouvernement, dans tout ce que vous ferez.'”

Dans le cas des élèves-infirmiers, la pression qui s’exerce sur eux ne change rien à l’affaire, explique encore Mgr Bacani. Selon des études, la moitié des élèves qui se présentent aux écoles d’infirmiers ont déjà un diplôme, acquis dans une autre discipline ; ils se présentent au concours pour obtenir le diplôme, travailler deux ans sur place – comme la loi les y oblige – avant de partir à l’étranger et trouver à s’employer en Amérique du Nord ou ailleurs. A l’étranger, une infirmière philippine peut gagner de 3 000 à 4 000 dollars par mois, là où le salaire moyen, dans les villes philippines, est équivalent à 170 dollars (et 75 à 95 dollars dans les campagnes). Il n’est pas rare que des familles s’endettent pour payer à l’un de leurs membres la préparation au concours et les frais de scolarité.

A Manille, la responsable d’une école d’infirmières se désole que le scandale qui a éclaté porte tort à ceux qui ont réussi l’examen sans tricher. Elle espère toutefois que l’affaire provoquera une prise de conscience dans la profession. “Le gouvernement et le secteur privé doivent réfléchir au fait qu’en ce qui concerne la formation des infirmières, notre système éducatif ne fait que répondre à une demande située à l’étranger, aux dépens de la qualité et, pire, de la moralité commente-t-elle (1).