Eglises d'Asie

L’EGLISE DE TAIWAN FACE A LA NORMALISATION DES RELATIONS SINO-VATICANES

Publié le 18/03/2010




Chers Prêtres, Sours, Frères et frères et sours dans le Christ,

Que la paix soit avec vous ! Il y a récemment eu une couverture médiatique intense au sujet de “la normalisation des relations sino-vaticanes” et des problè-mes relatifs à cette question. Vous êtes probablement déconcertés ou avez maintes questions en tête, ce qui est compréhensible, puisque beaucoup d’articles dans les journaux n’abordaient pas le sujet fidèlement. Ceci a d’ailleurs été confirmé dans diverses conversations avec Mgr Ambrose Madtha, chargé d’affaires du Vatican à Taiwan. De ce fait, j’ai estimé nécessaire de clarifier avec vous le point de vue et l’attitude du Saint-Siège eu égard à la question d’une normalisation des relations sino-vaticanes. Malgré les propos de sources extérieures, elles sont indépendantes de tout intérêt politique ou d’hypothèses incorrectes.

J’espère qu’à travers cette déclaration, vous aurez une image plus claire et une meilleure compréhension de l’attitude fondamentale et du point de vue de l’Eglise catholique. Ainsi vous pourrez, à votre tour, expliquer l’approche de l’Eglise à ceux qui la connaissent peu, afin d’éviter non seulement tout malentendu, mais en favorisant de surcroît un meilleur entendement à son égard.

Ne pas politiser les propos du Vatican

Les propos du Vatican au monde sont très différents des discours politiques des autres Etats. Par exemple, les Etats-Unis peuvent avoir un discours vis-à-vis de la Chine, et un autre vis-à-vis de Taiwan, ses réactions pouvant également être différentes de ses deux déclarations. Par conséquent, les gens peuvent trouver la situation ambiguë, et commencer à imaginer des choses. Ce n’est pas ce que souhaite le Vatican.

Le Vatican se soucie vraiment de “la liberté religieuse Il n’a aucune intention politique. Comme nous pouvons le voir, notre défunt pape, Jean-Paul II, et notre pape actuel, Benoît XVI, ont tous deux souhaité se rendre en Chine. Ils n’ont pas d’autres intentions, si ce n’est celle de témoigner de leur amour paternel aux évêques, prêtres, frères, sours et à tous les catholiques de Chine.

Peut-être que certains disent : “Et Taiwan ?” Bien sûr, notre Saint-Père se soucie également de nous. Mais nous ne devons pas oublier que nous ne sommes pas persécutés ! Après avoir assisté à la messe, nous n’avons pas à craindre d’être arrêtés ou tués pour avoir assisté à un office religieux. En revanche, en Chine continentale, dans certains endroits, les choses se passent ainsi. Le pape sait que les catholiques de Chine continentale souffrent. Ce n’est pas uniquement une question de nombre. Ce n’est pas parce qu’il existe au moins treize millions de catholiques en Chine, et seulement 300 000 à Taiwan. C’est surtout parce que nombre d’entre eux ont témoigné sans limite de leur foi, et continue à le faire. Le pape souhaite ardemment témoigner de son respect aux catholiques de Chine continentale ! Il espère également leur apporter la liberté religieuse et un soulagement aux souffrances qu’ils endurent, par le biais d’une normalisation des relations. Cela n’a rien à voir avec la politique ou le nombre de catholiques.

De plus, par des circuits informels, le Saint-Siège envoie déjà des personnes évaluer les besoins de l’Eglise en Chine. Le Vatican a pris note que “l’évangélisation l’idée maîtresse de l’Eglise, est un besoin et que la liberté religieuse, droit fondamental, est également nécessaire. Aucune autorité humaine, aucun pouvoir, ni influence politique n’a le droit de venir entraver cette liberté.

La “normalisation des relations sino-vaticanes” n’est pas un phénomène nouveau datant de 2006 ; c’est une question soulevée depuis plusieurs décennies. Depuis l’ouverture de la Chine, le Vatican a été l’initiateur de prises de contact et de visites. Ces dix dernières années, tous les deux à trois ans, les médias publient des nouvelles au sujet des relations sino-vaticanes. Mais, à chaque fois, rien de nouveau n’en sort.

Parmi les conditions posées par la Chine, la plus sensible et la plus épineuse est celle de l’ordination des évêques, et ensuite la rupture de relations avec Taiwan. Au sujet de l’ordination des évêques, le Vatican est prêt à accepter le modèle utilisé dans les autres pays communistes : le gouvernement désigne trois candidats, et le Vatican en choisit un. Par rapport à la rupture de relations avec Taiwan, le Vatican ne coupera jamais les relations avec d’autres pays. A ce sujet, je sais que nous sommes facilement influencés par le climat politique. Imaginons un moment les conséquences d’une relocalisation de la nonciature du Vatican à Pékin. En fait, c’est seulement un retour à la situation d’avant 1952. A cette époque, la nonciature du Vatican s’est déplacée à Taiwan, du fait de l’opposition de la Chine continentale. Même si, à l’avenir, il y a une normalisation des relations entre la Chine et le Vatican et que la nonciature vaticane s’installe à Pékin, le consulat à Taipei continuera à fonctionner et il y aura un représentant du Vatican pour s’occuper des affaires de l’Eglise. Ceci s’explique par le fait que le Vatican n’est pas seulement un Etat ; il représente également l’Eglise catholique. Ainsi comment pouvons-nous imaginer que le Vatican rompe ses relations avec Taiwan ? J’espère que nos catholiques peuvent clairement comprendre ce point de vue et l’idée de cette question.

Enfin, comme je l’ai mentionné précédemment, tous les deux à trois ans, les médias mettent en avant le sujet de la normalisation des relations sino-vaticanes. Par conséquent, je ne sais pas s’ils réussiront à établir des relations diplomatiques cette fois-ci ou non, ou si ces négociations perdureront. Si elles aboutissent, je pense que c’est la volonté de Dieu, car le temps est venu !

Je pense que le Vatican a en tête les Jeux olympiques de 2008 à Pékin. D’habitude, en semblable occasion, le pays organisateur montre des signes d’amitié et offre des gestes de paix. Ainsi, le Vatican veut saisir l’opportunité de faciliter l’ouverture de la Chine.

Certains peuvent s’interroger sur l’importance de l’influence du pape. Je dois le dire : il a de l’influence ! C’est pour cette raison que la question épineuse des relations sino-vaticanes a perduré sans résultat. Ce n’est pas parce que l’enthousiasme du Vatican s’est heurté à la froideur de la Chine ; c’est plutôt que la Chine craint le Vatican et n’ose pas s’ouvrir à lui. Par le passé, nombre de papes ont souhaité se rendre dans les pays communistes, mais c’est seulement sous la papauté de Jean-Paul II que les pays communistes ont ouvert leurs portes à une visite papale. Jean-Paul II a visité l’Union soviétique, la Pologne, l’Allemagne de l’Est, et le résultat a été que ces régimes totalitaires se sont effondrés. Les gouvernements de Cuba et du Vietnam ne sont pas tombés, mais ils se sont adoucis, et dans ces pays il existe de plus en plus de liberté religieuse.

Dans cette optique, on peut voir pourquoi la Chine craint une visite du pape. Le charisme du pape ne se cantonne pas aux catholiques ; il peut avoir un impact sur toute la population chinoise. Comment le gouvernement chinois n’aurait-il pas peur ? Si des relations diplomatiques sont établies entre la Chine et le Vatican, comment le gouvernement chinois pourrait-il refuser la visite du pape en Chine ? Qui pourra alors garantir combien de temps le gouvernement communiste chinois durera ?

Réflexions pour l’Eglise de Taiwan sur la normalisation des relations sino-vaticanes

Je ne veux pas seulement mentionner la position du Vatican. En fait, il est également temps pour l’Eglise à Taiwan d’aborder et de réfléchir à la question des relations sino-vaticanes. Récemment, des catholiques se sont irrités lorsqu’ils ont appris que l’adjoint au ministre des Affaires étrangères du Vatican avait abordé le sujet du nombre de catholiques en Chine et à Taiwan. Ils ont cru que le Vatican jouait avec les chiffres. Mais comme je l’ai déjà mentionné auparavant, les chiffres ne sont pas un critère que le Vatican prend en compte pour analyser la situation.

Nous devons admettre que Dieu a donné à Taiwan beaucoup d’occasions. Si nous regardons seulement les chiffres, nous n’avons rien à dire – de 300 000 catholiques il y a quarante ans, nous sommes peut-être, aujourd’hui, 260 000. Nous tous pouvons nous demander si, aujourd’hui, 100 000 catholiques assistent encore à la messe dominicale. Je ne fais de reproches à personne, mais j’aimerais vous inviter à réfléchir plus profondément sur cet aspect.

Dans tous les cas, nous ne devons pas perdre espoir. Au contraire, nous devons être plus enthousiastes et continuer à avancer dans l’espérance. Je crois que tout catholique peut avancer au large avec courage, en pratiquant sa foi, uni à Dieu. Un tel travail missionnaire profitera à l’Eglise et portera du fruit indubitablement. Enfin, je crois profondément et sincèrement que Dieu aime et accorde ses grâces de la même manière à l’Eglise en Chine et à Taiwan.