Eglises d'Asie

L’archevêque de Hô Chi Minh-Ville s’exprime sur le type de liberté “autorisée” au Vietnam

Publié le 18/03/2010




Au lendemain de la décision du département d’Etat américain du 13 novembre dernier, retirant le Vietnam de la liste des pays “préoccupants en matière de liberté religieuse” (1), l’agence Reuters a sollicité l’opinion du cardinal Pham Minh Mân, archevêque de Hô Chi Minh-Ville à ce sujet. Une autre question concernant les droits de l’homme au Vietnam lui a été posée. Le cardinal a fourni à l’agence de presse des réponses franches mais non sans finesse. Les services de l’archevêché ont communiqué le texte vietnamien des réponses du cardinal à une agence californienne qui l’a publié (2).

A une question posée sur le bien-fondé de cette décision américaine, le cardinal a ainsi répondu : “Je ne distingue pas clairement les objectifs poursuivis par les Etats-Unis en introduisant le Vietnam dans cette liste puis en le retirant, pas plus que je ne connais les intérêts économiques ou politiques en jeu, que ce soient ceux du Vietnam, des Etats-Unis, ou encore d’un parti ou d’un clan quelconque. De ce fait, je m’abstiendrai d’émettre une opinion à ce sujet. Ces dernières années, des sénateurs, des représentants, des diplomates américains sont venus me rencontrer pour me demander ce que pouvaient faire les Américains pour aider les Vietnamiens à vivre dans une plus grande liberté. Récemment, ils me disaient qu’avec l’entrée du Vietnam dans l’Organisation mondiale du commerce, les Vietnamiens seraient plus libres. Est-ce vrai ou non ? Il faut attendre pour le savoir.”

Le cardinal a ensuite répondu à une seconde question qui portait sur la situation actuelle des droits de l’homme au Vietnam. “Ces dernières années, lors de mes entretiens avec ceux qui s’intéressent à cette question, j’ai avancé les idées suivantes :

1.) L’Etat vietnamien accorde à la population non pas le droit mais l’autorisation d’être libre avec des limites et sous un contrôle serré. Ceci est illustré par le fait suivant : il y a plusieurs années, l’Etat a autorisé la Conférence épiscopale à éditer un bulletin périodique, limité à cinquante pages et à cent exemplaires. Certains ont pensé que cette limitation était extensible comme un noud coulant. En fait, pour les vingt-six diocèses du Vietnam, le nombre d’exemplaires devait être plusieurs fois plus important que le nombre autorisé. Mais jusqu’à présent, le noud coulant ne s’est pas desserré !

2.) La liberté dont le peuple vietnamien a besoin est grande comme une table alors que l’autorisation d’être libre accordée par l’Etat, à Hô Chi Minh-Ville, ne dépasse pas la taille d’une assiette. En d’autres lieux, elle n’atteint pas la dimension d’une tasse ou d’un verre. Aujourd’hui, toutefois, cette autorisation d’être libre s’est agrandie et élargie.

3.) L’expérience de la libération des Noirs dans l’histoire des Etats-Unis nous a appris cette leçon : en ayant obtenu la liberté mais en restant privé d’études et d’éducation, on ne peut mener une vie libre conforme à la dignité humaine. Sans études, on ne sait que mendier ou voler. Lorsqu’on bénéficie du pouvoir, on ne sait que se livrer à la fraude, à la concussion ou à la corruption. Lorsqu’on a de l’argent, on ne sait que dépenser et s’abandonner à la jouissance. En résumé, sans études, sans une éducation qui apprenne à devenir meilleur, on ne sait que consommer, consommer le plus de mets possible. Mais ce sont des nourritures néfastes à la santé. C’est de là que viennent ce qu’on appelle les aspects négatifs de la société, les fléaux sociaux !

4.) Récemment, une personnalité des Affaires étrangères américaines m’a affirmé que les Etats-Unis aidaient le Vietnam à élever le niveau de l’éducation, dans le domaine universitaire. Je lui ai répondu que tout le monde avait besoin d’une éducation intégrale pour devenir un homme et se comporter en homme de bien et en citoyen utile à sa patrie. Cette éducation intégrale prend en charge l’esprit, le corps, les bras et le cour. Les Etats-Unis souhaitent-ils contribuer à ce type de formation ?”

Mgr Mân a conclu en soulignant que l’Eglise catholique au Vietnam souhaitait ardemment apporter sa contribution à cette formation morale de la population. Cependant, jusqu’à présent, ce désir reste à l’état de souhait, car elle ne bénéficie pas des autorisations nécessaires.