Eglises d'Asie

Les évêques catholiques du Japon prennent clairement position en faveur d’un respect mutuel entre les peuples, contre la collusion entre le shintô, l’Etat et un militarisme renaissant

Publié le 18/03/2010




La Commission des Affaires sociales de la Conférence des évêques catholiques du Japon (CBCJ) a publié le 22 octobre dernier une brochure qui reprend et approfondit la question, déjà abordée par les évêques catholiques, des visites du Premier ministre au temple shintô de Yasukuni, consacré à la mémoire de tous les soldats japonais morts au combat, y compris de criminels de guerre de la seconde guerre mondiale (1).

Rédigée par l’archevêque de Tôkyô, Mgr Okada Takeo, la brochure, intitulée : “Position de l’Eglise catholique avant, durant et après la guerre sera suivie de deux autres qui traiteront de la liberté religieuse et de la séparation de la religion et de l’Etat, annonce la CBCJ (2).

A la lumière des conditions sociales, religieuses et politiques actuelles du pays, l’archevêque de Tôkyô revient sur les directives données en 1936 à l’Eglise du Japon par l’ancienne Congrégation vaticane pour la propagation de la foi, l’actuelle Congrégation pour l’évangélisation des peuples.

Ces directives répondaient aux demandes de l’épiscopat japonais de l’époque pour savoir quels conseils donner aux élèves et aux étudiants moralement contraints, dans le cadre de l’école ou de l’université, à se rendre en groupe dans les temples shintô pour un salut aux soldats morts au champ d’honneur. Le but de ces visites, dans l’esprit des militaires qui, à l’époque, gouvernaient le Japon, était d’honorer officiellement, par une démarche patriotique, les soldats morts au combat, mais c’était également une occasion de resserrer la population autour de l’empereur, incarnation terrestre des divinités shintô et maître des armées (3).

Selon les directives vaticanes, déclarant que ces visites n’étaient pas un acte religieux mais seulement une démarche à caractère social et patriotique, les jeunes catholiques “devaient se conduire comme tous les citoyens”.

Dans la brochure qui vient d’être publiée, l’archevêque de Tôkyô souligne que, ces directives datant de soixante-dix ans – et l’Eglise et le Japon ayant connu depuis bien des changements – elles n’ont plus cours depuis la défaite de 1945. Aussi, écrit-il au nom des évêques, les chrétiens n’ont, à l’heure actuelle, aucune raison de se rendre dans un temple shintô pour honorer, comme jadis, les morts au combat. Ce que d’ailleurs les chrétiens, descendants en majorité des nombreux martyrs chrétiens du Japon du XVIIe siècle, et les bouddhistes eux-mêmes n’avaient jamais fait de gaîté de cour.

Abordant l’aspect patriotique des visites actuelles au temple de Yasukuni, où sont honorés tous les soldats morts au champ d’honneur, y compris des criminels de guerre, l’archevêque se demande : “Ces visites ne sont-elles pas une sorte de glorification de la guerre ? N’est-ce pas là, pour le moins, donner cette impression aux peuples et aux nations que nous avons jadis envahis ?” (4).

Au sujet de la séparation de la religion et de l’Etat, l’archevêque écrit également : “Elle ne doit pas être interprétée comme une simple séparation entre la politique et la religion, mais plutôt comme une séparation entre, d’un côté, les grandes administrations publiques sous l’autorité de l’Etat et, de l’autre, les organisations religieuses (sous-entendu shintô). » Pour ce qui est du patriotisme, l’Eglise est loin de le condamner, mais elle met en garde contre le danger de l’emphase patriotique au détriment et à l’exclusion des autres nations, indique-t-il (5).

Mgr Okada revient également sur le projet de loi du Parti libéral démocrate, qui propose une révision de l’article 20 de la Constitution, garantissant la liberté religieuse, et conclut en disant : “Je ne peux pas m’empêcher d’avoir des doutes et de grandes craintes devant ce projet que je soupçonne d’être lié à un certain mépris raciste à l’égard des autres nations.”