Eglises d'Asie

Dans un contexte marqué par des manouvres des partisans de la présidente Arroyo pour réviser la Constitution, les évêques dénoncent toute action “hâtive” visant à réformer les institutions

Publié le 18/03/2010




“Cha cha”. Tel est le dernier mot à la mode dans les cercles politiques philippins. L’expression renvoie à “Charter change synonyme de révision constitutionnelle, et a provoqué de vives réactions de l’épiscopat catholique du pays. Le 8 décembre dernier, le président de la Conférence épiscopale, Mgr Angel Lagdameo, archevêque de Jaro, a déclaré que les évêques appelaient à des “manifestations de prières” pour s’opposer à ce qu’ils ont qualifié de manouvre “frauduleusement illégitime” et “scandaleusement immorale”.

L’affaire concerne un projet de la présidente des Philippines, Gloria Macapagal Arroyo, qui souhaite transformer, par un amendement à la Constitution, l’architecture du pouvoir législatif, en faisant évoluer les institutions actuelles d’un système bicaméral, organisé selon le schéma américain, à un système parlementaire monocaméral. Derrière l’évolution constitutionnelle proposée, les adversaires de la présidente voient une manouvre visant à lui permettre de se maintenir au pouvoir au-delà du terme de son présent mandat, qui se termine en 2010.

Le 7 décembre à l’aube, après douze heures de débats, les membres de la Chambre des représentants ont voté à une large majorité (161 voix pour et 25 contre) une résolution visant à modifier la Constitution des Philippines, votée en 1987. En substance, cette résolution permettrait à la Chambre des représentants, contrôlée par les partisans de la présidente Arroyo, de se transformer en Assemblée constituante, sans que ses décisions ne soient soumises au vote du Sénat, aujourd’hui contrôlé par les opposants à Gloria Arroyo. Selon le speaker de la Chambre des représentants, Jose de Venecia Jr., les Philippines “ont besoin de réformes structurelles de fonds pour combattre la pauvreté et accélérer la modernisation de l’économie face à une mondialisation de plus en plus rapide”. Le même jour, la présidente Arroyo a nommé le nouveau président de la Cour suprême. Pour ses opposants, cette nomination intervient afin de donner, à la Cour, une majorité susceptible de soutenir les changements en cours.

Pour les partisans de la présidente, une telle réforme mettrait fin aux blocages nés de l’opposition actuelle entre le Sénat et la Chambre des représentants. Pour les critiques de ce changement, les mesures envisagées ne consistent ni plus ni moins qu’à permettre à la présidente d’asseoir son pouvoir au-delà de l’échéance de 2010. A cette date, le nouvel équilibre des pouvoirs lui permettrait de rester aux affaires en prenant le poste de Premier ministre.

Pour les responsables de l’Eglise catholique, l’urgence à laquelle fait face le pays n’est pas de nature constitutionnelle. Lors de leur assemblée plénière du mois de juillet dernier (1), ils ont réitéré ce qu’ils avaient dit six mois plus tôt, à savoir que “certains aspects de notre Constitution peuvent appeler à des amendements et à des retouches mais qu’en tant qu’évêques, ils n’apportaient “pas leur soutien à des efforts hâtifs visant à changer la Loi fondamentale du pays sans mener une vaste consultation et un large débat que de tels changements nécessitent”. L’urgence se situe du côté du respect des valeurs morales dans la vie politique du pays, ont plaidé les évêques (2).

Initialement, les évêques avaient prévu d’appeler à se rassembler pacifiquement le 15 décembre, au parc Luneta, à Manille. L’appel a été retiré puis finalement maintenu, après que les évêques eurent appris que d’autres groupes avaient appelé, eux aussi, à manifester au même endroit. La communauté charismatique El Shaddai ainsi que le Conseil national des Eglises (protestantes) aux Philippines devaient ainsi défiler aux côtés des évêques catholiques ce 15 décembre à Manille.

Par ailleurs, signe d’une certaine confusion, un évêque, Mgr Antonio Tobias, de Novaliches, a appelé, le 11 décembre, les soldats à protéger le peuple et à défendre la Constitution face à des individus poursuivant leurs seuls intérêts privés. Le lendemain, le porte-parole des Forces armées des Philippines a affirmé que l’armée était et resterait une organisation apolitique. “Et c’est selon ce principe que nous appelons les personnes ou les groupes à éviter de mêler le nom des Forces armées dans aucun des jeux politiques en cours a déclaré le lieutenant-colonel Bartolome Bacarro.