Eglises d'Asie

Jharkhand : le jour de Noël, des extrémistes hindous ont détruit un temple protestant en construction et accusé le cardinal Toppo de chercher à diviser les communautés aborigènes

Publié le 18/03/2010




Le 25 décembre dernier, jour de Noël, des militants du groupe extrémiste hindou, le Hindu Jagaran Manch (HJM, Front du réveil hindou), appuyés par des groupes aborigènes locaux, ont détruit un temple protestant en construction dans le village de Taapi, situé dans l’Etat du Jharkhand. Au cours du meeting que le HJM a ensuite organisé sur les lieux, des dirigeants hindouistes s’en sont pris verbalement au cardinal Telesphore Placidus Toppo, archevêque de Ranchi et président de la Conférence des évêques catholiques de l’Inde. Un de ces dirigeants, Suman Kumar, a affirmé que les activités de l’Eglise au Jharkhand connaissaient une forte croissance dans l’Etat depuis l’élévation au cardinalat, en 2003, de Mgr Toppo. Les chrétiens sont désormais actifs dans des régions où aucun chrétien ne vit, a précisé Suman Kumar.

Premier évêque aborigène d’Asie à accéder au cardinalat, le cardinal Toppo est régulièrement pris pour cible par les extrémistes hindous, qui voient en lui la personnification de l’avancée du christianisme au sein des populations aborigènes. En décembre 2005, le HJM a organisé des manifestations dans les rues de Ranchi au cours desquelles des effigies du cardinal ont été brûlées (1). Selon les extrémistes hindous, le cardinal “cherche à diviser les communautés aborigène et hindoue, qui ont vécu ensemble durant des siècles et qui, fondamentalement, partagent la même foi”. Face à cela, il est indispensable que les hindous prennent conscience de l’ampleur des activités menées par l’Eglise. “Par tous les moyens, nous interdirons les conversions. Nous choisirons la mort, plutôt que de permettre de nouvelles constructions d’églises a affirmé Suman Kumar à Taapi.

Dans ce village, situé à 25 km au nord de Ranchi, capitale du Jharkhand, le temple en construction était édifié sur un terrain appartenant à un certain Joseph Tuti, aborigène du village et chrétien appartenant à la Brethren Mission Church, une dénomination protestante présente dans le sud du pays. Selon le récit donné par un villageois de Taapi lors du meeting organisé après la destruction du temple, des prédicateurs chrétiens sont venus de Chennai (Madras), ville du sud de l’Inde, il y a quelques temps et ont dit aux villageois que “Jésus prendrait soin de nous si nous devenions chrétiens”. Ce villageois a poursuivi en précisant que les prédicateurs affirmaient que Jésus donnerait tout ce dont les habitants de Taapi avaient besoin, qu’il “prendra nos péchés et nous comblera”. C’est ensuite que la construction du lieu de culte a débuté, a-t-il conclu.

Présent lors du meeting du 25 décembre, un membre du Bharatiya Janata Party (BJP, Parti du peuple indien), parti nationaliste hindou au pouvoir au Jharkhand, s’est interrogé à haute voix sur la nécessité de construire une église “dans une région entièrement non chrétienne”. Il a ajouté qu’il soupçonnait là “un complot” visant à convertir les populations locales et faire des aborigènes animistes une minorité dans l’Etat. Il a ajouté que les missionnaires chrétiens cherchaient à tromper les aborigènes en leur offrant des services sociaux et “même en leur proposant de l’argent pour devenir chrétiens”.

Créé en 2000 par une division de l’Etat de Bihar, le Jharkhand est un Etat où la proportion des populations aborigènes est très forte. Traditionnellement animistes, ces populations sont désignées sous le terme de sarna. Pour les extrémistes hindous, elles appartiennent en fait à l’hindouisme, une affirmation réfutée par les chrétiens pour qui l’animisme des aborigènes n’a rien à voir avec l’hindouisme. Récemment, les tensions se sont multipliées dans l’Etat, où le gouvernement a annoncé un projet de loi anti-conversion (2).

Selon Vishnu Munda, un des villageois qui a pris part au meeting du 25 décembre, le comité local sarna a décidé que le terrain sur lequel était édifié le temple protestant n’appartenait désormais plus à Joseph Tuti et qu’une dhumkuria, une maison communautaire pour les activités culturelles, serait bâtie à la place. Un responsable hindou a précisé que le terrain avait été purifié selon les rites hindous et Vishnu Munda a ajouté que Joseph Tuti sera en droit de recouvrer la propriété de son bien que lorsqu’il reviendra à la religion traditionnelle de sa famille. “Nous ne l’autoriserons pas à user de cette terre s’il persiste à rester chrétien a prévenu Vishnu Munda. Un chef coutumier a justifié le retrait du droit de propriété à Joseph Tuti en arguant du fait que celui-ci avait hérité du terrain de sa mère, fille unique, quand, selon les lois aborigènes, seuls les fils peuvent hériter de leurs parents.

Joseph Tuti, 70 ans, a affirmé pour sa part qu’il n’avait pas l’intention d’abandonner la foi chrétienne, qu’il souhaitait porter l’affaire devant la justice et qu’il avait le projet de construire une école avec l’aide de son Eglise. Son fils, âgé de 35 ans, a précisé que le comité du village n’avait soulevé aucune objection lorsqu’il avait été informé des projets de construction de l’église, “mais certains intérêts hindous ont influencé les villageois en leur faisant croire que nous construisions une église pour les convertir”.

A Ranchi, le secrétaire du cardinal Toppo a démenti que le cardinal soit lié en quelque façon à cette affaire. Il n’avait pas connaissance de ce projet de construction de temple et les catholiques disposent d’une école et d’un petit poste missionnaire à proximité du village de Taapi, “où il n’y a pas de problème avec nous”. Sur le fond, le cardinal a réagi en déclarant que “la destruction d’un bâtiment en construction était un crime” et que le fait d’avoir mené cette action un 25 décembre montrait que “des éléments anti-chrétiens voulaient susciter la violence dans l’Etat”. Mais la communauté chrétienne a répondu pacifiquement, a-t-il souligné.