Eglises d'Asie – Inde
L’Eglise catholique célèbre le centenaire de la mort d’un théologien indien laïc, pionnier en matière d’inculturation
Publié le 18/03/2010
A sa naissance, en 1861, près de Kolkata, Upadhyay se prénommait Bhavani Charan Banerjee. Le XIXe siècle auquel il appartenait connaissait alors une renaissance de la culture indienne et l’émergence d’un néo-hindouisme enrichi de l’apport du contact avec le christianisme. Réciproquement, cette renaissance de l’hindouisme marquait aussi les penseurs chrétiens dont certains étaient des convertis de l’hindouisme. Animés par cette redécouverte du riche héritage intellectuel et spirituel de leur pays et par l’esprit nationaliste progressant, ils essayèrent de donner expression au “Christ oriental selon le titre d’un livre, publié en 1883, par Pratab Chander Mozoomdar. Upadhyay fut un des représentants les plus typiques de ce mouvement. Brahmane bengalais, personnalité à la fois dynamique et inquiète, il se convertit à l’anglicanisme à l’âge de trente ans et, six mois après, était rebaptisé catholique, prenant le nom de Theophelos (‘aimé de Dieu’). Plus tard, il opta pour le nom de Brahmabandhav Upadhyay, la traduction en sanscrit de son nom de baptême. Nationaliste passionné, il lutta pour affranchir le christianisme de son emprise occidentale. Voulant pratiquer sa nouvelle religion dans sa propre culture, il marchait pieds nus et portait la robe safran d’un hindou sanyasin (ascète). Il se fit l’avocat d’une liturgie indigène et fonda le journal Sophia dans lequel il cherchait à allier la foi chrétienne et la philosophie du Vedanta. A tous, il parlait de Dieu et de son désir de rester un chrétien “en Inde où il vécut une vie de d’ascète jusqu’à sa mort, le 27 octobre 1907 (1).
Le P. George Pattery, supérieur des jésuites de la province de Calcutta, a décrit Upadhyay comme un homme ayant trois identités : chrétienne, hindoue et indienne, qu’il a essayé de concilier pleinement. On peut être à la fois un véritable patriote indien, un hindou de culture et un bon catholique, a-t-il à son auditoire. Pour lui aussi, Upadhyay a tenté d’insuffler la culture indienne dans le christianisme.
“Mieux vaut tard que jamais pour se souvenir et reconnaître un visionnaire à sa juste valeur a déclaré le P. Anil Mitra, un jésuite spécialiste d’Upadhyay, en ajoutant que “pour cela, il nous faut comprendre quel homme il était Le P. Mitra a réfuté l’idée selon laquelle Upadhyay serait revenu à l’hindouisme avant de mourir en citant ses propres écrits : “Je peux croire à la possibilité pour moi de ne plus être chaste, mais pour ce qui est de ma foi, aucun doute ne traverse mon esprit. Il m’est impossible d’aller à l’encontre de la Sainte Eglise et je dis cela sans me vanter.” Quatre jours avant sa mort, il disait encore : “Merveilleuse vision de la vie, merveilleuse a été ma foi.”
Pour Upadhyay, que le P. Anil Mitra a cité également pour sa soumission aux autorités de l’Eglise, sa foi était distincte de sa culture. Aussi a-t-il expliqué, tout en étant hindou en termes de culture et de tradition, Upadhyay chérissait la vérité chrétienne et le salut individuel, qu’il proclamait avec zèle auprès des Indiens. En même temps, il pensait que le christianisme ne croîtrait jamais en Inde sans se greffer aux traditions indiennes. Ses recherches lui avaient révélé, en effet, “le peu de considération” des hindous d’alors pour le christianisme, des hindous qui rejetaient les vêtements à l’européenne, les coutumes alimentaires et les autres usages issus de Grande-Bretagne. De même, le P. Mitra a souligné la controverse qui s’était élevée dans les milieux ecclésiastiques de l’époque lorsqu’Upadhyay permit aux élèves hindous de l’internat qu’il avait fondé d’assister à une cérémonie en l’honneur de Saraswati, la déesse hindoue du savoir. Pour Upadhyay, Saraswati était le symbole, non d’une déesse, mais du savoir et des arts, exactement comme l’Europe a ses statues représentatives d’idéaux tels la foi, la sagesse ou la libération.
Quant au P. Sunil Rosario, doyen de l’archidiocèse et responsable de la Commission pour le dialogue et l’ocuménisme, il a fait cette recommandation : « Tous devraient lire ce grand homme et devraient accepter ses chemins d’inculturation pour qu’ainsi, ayant rencontré Dieu, nous puissions nous tourner vers les hommes des autres religions.” Le P. Rosario, rédacteur en chef , l’hebdomadaire de l’archidiocèse de Calcutta, a fait paraître un numéro spécial en bengali, entièrement consacré à la vie et à l’ouvre d’Upadhyay. Il a également indiqué que ses écrits seraient réunis en un seul volume et édité prochainement. Il a enfin rappelé que son Vande Saccidanandam, un bhajan (hymne) en sanscrit en l’honneur de la Sainte Trinité et chanté dans les églises, était un “héritage durable” de la tentative d’Upadhyay de créer une théologie indienne.