Eglises d'Asie

Tamil Nadu : une paroisse, où des catholiques de différentes castes se sont déchirés pendant près de dix ans, vient de reprendre vie grâce à l’intervention de fonctionnaires de l’Etat

Publié le 18/03/2010




A Thachur, dans l’Etat du Tamil Nadu, l’église Notre-Dame-de-la-santé, fermée depuis dix ans suite à un différend entre des paroissiens de différentes castes, a pu rouvrir ses portes après l’intervention des autorités gouvernementales. Mgr Anthony Neethinathan, évêque de Chingleput (Chengalpattu) a présidé la messe du 2 décembre dernier pour marquer l’événement.

L’église avait été fermée après une dispute entre les dalits, les hors-caste de la hiérarchie sociale traditionnelle indienne, et les reddiyars, une caste supérieure. La paroisse fait partie du diocèse de Chingleput, célèbre pour le nombre de ses vocations – il a donné 50 prêtres et 75 religieuses – où les dalits catholiques sont majoritaires. Les dalits parlent tamoul, là où les reddiyars parlent le telegu (telugu), la langue officielle de l’Andhra Pradesh, Etat limitrophe. Les deux groupes ont sollicité une intervention judiciaire pour que soit résolu leurs différends touchant l’administration paroissiale et la langue liturgique à utiliser (1).

Des catholiques de langue telugu, la plupart appartenant à la caste des reddiyars, avaient émigré de l’Andhra Pradesh en 1786 pour venir s’installer au Tamil Nadu. Ils se divisèrent plus tard en plusieurs communautés, dont une vint s’installer à Thachur, où ils construisirent en 1925, sur le terrain communal du village, une église. Cette nouvelle paroisse faisait partie de l’archidiocèse de Pondicherry-Cuddalore et était administrée par un conseil paroissial formé de laïcs reddiyars, appelés dharmakarthas (administrateurs religieux). En 1969, la paroisse passait sous l’autorité de l’archidiocèse de Madras-Mylapore, puis sous celle du nouveau diocèse de Chingleput, érigé en 2002.

Les difficultés commencèrent lorsque les dalits catholiques demandèrent à être intégrés dans le conseil et à jouir des mêmes droits dans la direction des affaires paroissiales. Ces dalits, qui s’étaient installés dans le village pour travailler dans les champs des reddiyars, insistèrent également pour avoir une messe célébrée entièrement en tamoul.

Dans l’accord signé par les représentants des deux communautés, le 21 novembre dernier et mis sur pied par le receveur des impôts locaux, les protagonistes ont accepté de se conformer aux directives diocésaines. L’accord spécifie que la messe du dimanche soir sera célébrée en telugu, la demande primordiale des reddiyars. De leur côté, ces derniers ont accepté les demandes des dalits, préparant ainsi la réouverture de l’église. Les représentants des autorités civiles et les membres des deux communautés ont assisté ensemble à la messe de réouverture. Se tenait au premier rang, le receveur des impôts locaux, qui avait été désigné par l’Etat du Tamil Nadu pour régler la situation (2).

“Nous sommes heureux de voir ce problème résolu et nous espérons que les frictions entre les deux communautés ont disparu et que la cicatrisation est en train de se faire a déclaré le vicaire général du diocèse de Chingleput. Dans son sermon, Mgr Neethinathan a demandé aux deux groupes de se réconcilier et de vivre dans l’amitié en oubliant le passé. Quant au P. Anthony Sebastian, originaire de Thachur, il a rappelé que la dispute avait été “longue et douloureuse et qu’elle aurait été résolue plus tôt si, des deux côtés, on s’était montré plus souple ».

Un dalit, Savarinathan Arockiadoss, a expliqué pour sa part que les dalits s’étaient sentis mis de côté à la paroisse. Ils ne pouvaient pas faire les lectures à la messe et “la procession durant les fêtes passait seulement là où habitaient les reddiyars a-t-il expliqué, ajoutant que ces derniers avaient déclaré que l’église était la leur et qu’ils avaient refusé leur demande d’être représentés dans l’administration de la paroisse. “Quand il s’agit de spiritualité, nous devrions tous être égaux a-t-il insisté.

Pourtant, selon le P. Savariah Iruthayaraj, qui a été curé de la paroisse dans les années 1970, les dalits “sont, de par leurs occupations, moins disponibles pour les activités paroissiales et surtout ils étaient illettrés”. D’après ce prêtre âgé de 75 ans, les deux communautés vivaient en pleine harmonie jusqu’à ce qu’arrivent des gens venus d’ailleurs. En 1996, les dalits avaient demandé au tribunal d’instance d’ordonner à l’archidiocèse de Madras-Mylapore d’accéder à leur demande, suite au refus des reddiyars. Ceux-ci entamèrent une contre-requête demandant la fermeture de l’église jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée. Ce n’est qu’en 2003 que la Haute Cour de l’Etat finit par ordonner à l’administration de résoudre le problème par la voie de la médiation.

Le P. John Louis, un salésien, nommé curé de la paroisse après la signature de l’accord, a pu constater que la dispute avait laissé la paroisse en déshérence dans bien des domaines. Par exemple, aucune étude n’a été faite depuis dix ans pour connaître le nombre exact de paroissiens. D’après les premières données collectées depuis la réouverture de l’église Notre-Dame-de-la-santé, la paroisse est composée de 60 % de reddiyars et de 40 % de dalits.