Eglises d'Asie

Dans la province montagnarde de Son La, la politique religieuse du Parti reste inchangée depuis plus de cinquante ans

Publié le 18/03/2010




Malgré les initiatives spectaculaires prises récemment par le gouvernement central pour témoigner de son ouverture aux communautés religieuses (1), certaines provinces reculées en sont encore restées à des lignes politiques anciennes qui semblent n’avoir pas changé depuis un demi-siècle. C’est en particulier le cas de la province de Son La, dans le nord-est du Vietnam, province montagneuse, appartenant au diocèse de Hung Hoa. Plusieurs nouvelles alarmantes ont en effet été diffusées ces dernières semaines par l’agence Vietcatholic News, témoignant que le comportement et la mentalité des cadres à l’égard du christianisme relèvent d’une autre génération (2).

Ces dispositions à l’égard du christianisme ont encore été renforcées par la parution, au mois de juin dernier, d’un document élaboré par la section provinciale de l’Action populaire (Agitprop). Intitulé “Campagne de propagande auprès du peuple pour qu’il applique correctement la politique religieuse de l’Etat le document a été distribué à tous les cadres du Parti dans la province. Il sert généralement de document de travail dans les réunions politiques ou de référence pour les décisions à prendre en matière religieuse. Il s’appuie sur les vieux clichés marxistes et définit la religion comme “une forme de conscience sociale reflétant d’une manière mythique et illusoire. Plus loin, il est expliqué que les organisations se livrant à des activités religieuses dans la province de Son La ne peuvent être qu’illégales car elles ne satisfont pas aux conditions fondamentales exigées d’une religion par la dernière ordonnance sur la croyance et la religion, à savoir disposer d’un corps de doctrine, d’une réglementation, d’un clergé et de lieux de culte comme églises ou pagodes (2).

Le document énumère ensuite les graves dommages causés à la société par cet exercice illégal de la religion par les catholiques et protestants. Il déchire l’unité nationale, divise les minorités ethniques entre fidèles et non-fidèles, détruit les cultes traditionnels. En outre, le culte chrétien détourne ses croyants des travaux collectifs, accapare leur temps de loisir et affaiblit le prestige des autorités civiles. En conclusion, le document recommande aux cadres de bien “cibler” les adeptes des religions afin de prendre les mesures “éducatives” susceptibles d’aider ceux qui veulent abandonner la religion mais qui ne franchissent pas le pas à cause de leurs besoins ou de la contrainte exercée sur eux, à prendre leur décision. Quant aux autres, il est recommandé aux cadres de leur expliquer les dangers qu’ils encourent de la part de ceux qui utilisent la religion à des fins politiques. De toute façon, les cadres doivent travailler sans cesse à circonscrire et à réduire l’influence religieuse.

Les documents publiés par l’agence catholique vietnamienne donnent ensuite un certain nombre d’exemples de l’attitude inspirée par les directives de juin 2006 aux cadres du district de Môc Châu, où résident la majorité des chrétiens de la province, principalement des catholiques. En de nombreuses occasions, les autorités ont interdit les rassemblements des chrétiens pour la prière y compris pour les grandes fêtes. Elles se sont même introduites dans les maisons pour disperser des assemblées en prière. La dépêche de l’agence reproduit un texte que les autorités de la ville de Mâc Châu obligent les familles chrétiennes à signer, dans lequel ces dernières s’engagent à ne pas inviter d’autres familles à venir prier chez elles ou encore à ne pas participer à un rassemblement de prière dans un autre endroit de la province.

Les prêtres venus d’ailleurs pour assurer le service pastoral des fidèles ont été, dès leur arrivée, entourés et surveillés par des dizaines de policiers. Ils ont été conduits au siège de la Sécurité, où il leur a été signifié qu’ils ne pouvaient aller visiter les familles chrétiennes qu’avec l’autorisation du Comité populaire, qu’ils devaient obtenir l’aval de ce dernier pour célébrer la messe. Aux dernières fêtes de Noël, des pressions de toutes sortes ont été exercées à l’école sur les enfants pour les empêcher de participer aux cérémonies et aux prières communes.