Eglises d'Asie – Corée du sud
« L’EGLISE DE COREE A UN GRAND BESOIN DE SPECIALISTES EN HISTOIRE DE L’EGLISE »
Publié le 18/03/2010
Mgr Andrew Choi Suk-wou : Même dans les domaines spécialisés, l’ère du héros est terminée. Personne ne peut plus travailler seul. Par conséquent, nous devons avoir plus de spécialistes en différents domaines. Par exemple, dans le domaine de l’histoire, nous avons besoin de spécialistes en épigraphie et en histoire de l’art pour l’avenir de l’Eglise.
A l’heure actuelle, dans l’Eglise, nous pouvons difficilement trouver quelqu’un capable de déchiffrer de vieux manuscrits, écrits en d’autres caractères que le chinois. Et le travail de traduction en est d’autant plus difficile. Ce type d’experts est un besoin urgent pour l’avenir de l’Eglise et notre institut a pour vocation de former ces spécialistes. Je me suis investi dans la formation de jeunes experts, mais peu d’entre eux restent et nous suivent. Je me sens responsable de cela.
A quand votre intérêt pour l’histoire de l’Eglise remonte-t-il ?
Un des prêtres, qui m’a enseigné lorsque j’étais séminariste, m’a conseillé d’aller à Louvain pour étudier principalement l’histoire de l’Eglise. C’était pour moi une grande nouveauté, mais comprenant que la vocation passe parfois par des chemins inattendus, j’ai accepté. C’est a posteriori que j’ai pris connaissance du statut et du prestige de l’université de Louvain en matière d’histoire de l’Eglise. Merci à ce professeur, j’ai finalement étudié l’histoire de l’Eglise pendant toute ma vie.
Vous n’avez pas encore écrit d’histoire complète de l’Eglise de Corée. Pourquoi ?
Depuis que le travail des spécialistes, en particulier celui concernant l’histoire de l’Eglise, est devenu de plus en plus spécialisé, il est difficile pour une seule personne de tout intégrer. L’histoire complète de l’Eglise de Corée est nécessaire, mais elle prend du temps. Différents travaux individuels sur son histoire ont été intégrés de manière constante d’un point de vue historique, mais nous n’avons pas le personnel adéquat pour réaliser la tâche entièrement. Le point de vue de l’histoire de l’Eglise doit être celui du salut. C’est la différence entre l’histoire générale et l’histoire de l’Eglise. Les martyrs sont morts pour le salut.
Est-ce que l’histoire de l’Eglise locale est trop apologétique et isolée de l’histoire de la Corée, comme certains critiques le disent ?
Il est facile de dire que l’histoire doit être objective, mais les êtres humains ne sont jamais objectifs – comme vous, en tant que catholique, ne tolérez pas que votre Eglise soit insultée par d’autres. Dire que (l’histoire de l’Eglise est) « trop apologétique » pourrait aller de soi pour certaines personnes, mais être apologétique pour l’Eglise est nécessaire, sans cela l’Eglise ne pourrait survivre. Toutefois, je reconnais que le lien entre l’histoire de l’Eglise et l’histoire en général est nécessaire, car il permet à l’Eglise d’élargir ses perspectives.
Quelle description succincte donneriez-vous de l’Eglise catholique de Corée ?
L’Eglise de Corée s’est « construite par elle-même ». Elle n’a pas été construite par des missionnaires étrangers. C’est un héritage dont nous sommes fiers. Saint Paul dit que la foi vient en écoutant la parole de Dieu, mais pour l’Eglise de Corée, la foi est venue par la seule étude de livres de doctrine. En ce sens, cela signifie que l’Eglise de Corée s’est construite sans que la parole de Dieu soit prêchée par des missionnaires étrangers. La foi vient en écoutant la parole de Dieu, mais étant donné que les êtres humains sont naturellement tournés vers Dieu, ils peuvent atteindre Dieu par l’étude de livres de doctrine.
Comment percevez-vous la relation entre l’histoire de l’Eglise et l’inculturation ?
La part la plus importante de l’histoire de l’Eglise est l’histoire de la mission, à l’intérieur de laquelle le thème de l’inculturation ou la rencontre avec la culture locale vient en premier. Nous devons discerner ce qui peut être adapté de ce qui ne le peut pas. L’essence même de la parole d’Evangile ne pourra jamais s’adapter à la culture locale. Par exemple, les discussions sur le fait d’utiliser de la farine de riz et de l’alcool de riz à la place de la farine de blé et d’alcool fabriqué à partir de raisin, ou celles concernant l’habit traditionnel à la place de la chasuble pour la célébration de la messe, sont sans fondement, car ils ne sont rien d’autres que « la peau en aucun cas le contenu ou l’essence. Le plus important est que l’Evangile change la manière de penser et la culture de la société. L’Evangile est toujours notre référence en la matière.
Les historiens d’Eglise en Asie se rencontrent de temps en temps. De quoi parlez-vous ?
La rencontre qui me vient en mémoire est celle de Manille, en 1987, lorsque les historiens de l’Eglise en Asie ont abordé différents sujets tels celui des mouvements ocuméniques, du dialogue interreligieux et de l’inculturation. L’inculturation a toujours été un des thèmes principaux de nos rencontres. Concernant l’ocuménisme, personne ne croit, pour le moment, que le mouvement a été couronné de succès. De manière réaliste, c’est presque impossible de réussir en ce domaine car l’Eglise une est divisée depuis 500 ans. « La Réforme » fut en fait une révolution, mais on l’a appelée « réforme selon la volonté des personnes de l’époque. A la lumière de l’universalité de l’Eglise catholique, une telle révolution ne peut être harmonieuse avec la nature même de l’Eglise. Les démarches de coopération et de dialogue interreligieux à l’initiative des bouddhistes et des Eglises protestantes sont bonnes, mais elles ne sont que des « démarches de bonne volonté Mais si vous dîtes : « Pour Dieu, rien n’est impossible alors je suis d’accord pour dire que l’ocuménisme est possible et peut réussir d’une manière ou d’une autre. Ce qui est important pour nous, aujourd’hui, c’est de laisser un héritage « nouveau » aux jeunes générations.
Quel est le succès le plus important pour la Fondation de recherches de l’histoire de l’Eglise de Corée ?
Le fait d’avoir rassemblé des documents historiques sur l’Eglise de Corée se trouvant dans d’autres pays comme la Chine et la France, ainsi que d’avoir étudié et produit des documents de base sur l’histoire de l’Eglise, fait notre fierté. Mais j’insisterais plutôt sur le fait de former de jeunes spécialistes, cela me semble encore plus important. Nous avons des spécialistes qui étudient en Corée et à l’étranger, et nous avons également un système de bourse pour ceux qui préparent un master ou une thèse sur des sujets relatifs à l’Eglise.
Qu’est-ce qui vous semble le plus difficile dans la gestion de l’institut ?
Les problèmes financiers et la formation d’experts. Ce dernier est d’ailleurs plus difficile et nécessite plus de temps et d’énergie. Auparavant, l’archidiocèse de Séoul n’aidait pas beaucoup la fondation. A présent, il prend à son compte les succès de l’institut de recherches et nous aide de manière conséquente.
Le pape Benoît XVI était un de vos professeurs à Bonn. Comment le décririez-vous ?
Je l’ai rencontré en 1959, lorsque je suivais un cours de doctorat sur l’histoire de l’Eglise à l’université de Bonn. Il enseignait la théologie systématique, mais je ne pouvais pas bien comprendre son cours magistral du fait de mon faible niveau d’allemand, à l’époque. De ce fait, j’ai dû rédiger ma dissertation doctorale en français. L’examen de compréhension orale, préalablement indispensable à la rédaction de la thèse, était bien plus difficile que d’écrire la thèse. Les professeurs étaient compréhensifs vis-à-vis des étudiants provenant d’Asie qui ne parlaient pas encore bien l’allemand. Le jour de l’examen oral, j’ai rencontré le (futur) pape, qui a compati à mes difficultés en allemand en me posant des questions simples et faciles. Je me souviens de lui comme quelqu’un de bienveillant et de sympathique.
Vous avez été nommé Monseigneur par le pape Jean-Paul II. Qu’en pensez-vous ?
Je ne pense pas être un « prêtre sincère en termes de prières et de conduite vertueuse. Mais je crois avoir sincèrement étudié l’histoire de l’Eglise. J’ai pris cette nomination comme une reconnaissance officielle de l’Eglise et j’en suis heureux.
A présent que vous êtes retraité, qu’allez-vous faire ?
En tant que directeur honoraire, je passe la plupart de mon temps à faire des traductions, puisque je peux comprendre le français et l’allemand. Peu de personnes au sein de notre Eglise locale peuvent aujourd’hui travailler en plusieurs langues, c’est pourquoi je ferai ce travail pour un certain temps encore.