Eglises d'Asie

Les évêques catholiques mettent en garde la société japonaise contre un retour aux erreurs passées du nationalisme d’Etat

Publié le 18/03/2010




La Commission des Affaires sociales de la Conférence des évêques catholiques du Japon (CBCJ), présidée par Mgr Takami Mitsuaki, archevêque de Nagasaki, a fait paraître, le 26 novembre dernier, le deuxième et le troisième fascicules annoncés en octobre dernier sur les problèmes importants auxquels fait face l’Eglise catholique du Japon. Ces deux derniers fascicules s’intitulent : “Examen du projet de réforme de la Constitution proposé par le Parti libéral démocrate » et “Politique nationale et persécutions”.

Le tout premier, rédigé par l’archevêque de Tokyo, Mgr Okada Takeo, avait pour titre : “Position de l’Eglise catholique avant, durant et après la guerre”. Centré sur une directive du Saint Office, datée de 1936 sur les devoirs des catholiques japonais à l’égard de la nation, il traitait des souffrances des catholiques japonais sous le régime militaire soutenu par le shintoïsme, quasi-religion d’Etat, et le culte de l’empereur, incarnation terrestre des divinités shintô et maître des armées (1). Soixante ans se sont écoulés depuis la fin de la guerre, une page est tournée, certes, mais les traumatismes demeurent et la jeune génération des évêques japonais, qui pourtant n’a pas directement connu la guerre, s’inquiète face à l’avenir. Non disponibles à la vente pour l’heure mais largement diffusés dans les paroisses, communautés, écoles et séminaires, les deux derniers fascicules expriment leurs inquiétudes.

D’après une recension du Catholic Shimbun du 17 décembre 2006, l’hebdomadaire officiel de l’Eglise catholique du Japon, géré par la Conférence épiscopale, le fascicule intitulé : “Examen du projet de réforme de la Constitution proposé par le Parti libéral démocrate » est une étude rédigée par Mgr Tani Daiji, évêque d’Urawa. Elle part de l’enseignement traditionnel de l’Eglise sur la séparation de l’Etat et de la religion pour montrer que le projet de loi pour une nouvelle Constitution, proposé par ce parti au pouvoir, prévoit un resserrement des liens entre la nation et le shintô. C’est aussi, peut-on lire, une tentative pour introduire dans les programmes scolaires l’enseignement religieux du shintô et son rituel. Les évêques japonais demandent le maintien de la Constitution actuelle, où la séparation de l’Etat et de la religion est inscrite.

Dans le troisième fascicule, c’est Mgr Mizobe Osamu, évêque de Takamatsu, qui traite des persécutions du XVIIe siècle envisagées du point de vue historique. La politique nationale de l’époque considérait les chrétiens comme des délinquants politiques, partisans d’une idéologie dangereuse pour l’Etat. Ce qui les conduisit au martyr. “S’il n’y a pas de persécution pour l’instant, écrit l’évêque, c’est uniquement parce que les valeurs de la société contemporaine relèvent du relativisme.”

La Conférence des évêques catholiques du Japon envisage de réunir sous peu ces trois brochures et de les mettre en vente en un seul volume, peut-on lire dans le même hebdomadaire. Deux jours avant l’annonce de cette parution et de sa recension, “la nouvelle loi d’orientation pour une réforme de l’éducation adoptée par la Diète le 15 décembre dernier, venait confirmer l’inquiétude des évêques (2). Aussitôt, le 18 décembre, Mgr Takami Mitsuaki publiait une lettre de protestation. Cette révision n’a fait l’objet d’aucun débat dans le pays, écrit-il. Elle dénature “la règle essentielle de la non-intervention de l’Etat et de l’administration dans les affaires de l’éducation”. “Une éducation contrôlée par l’Etat” est un retour en arrière et, comme jadis, on prétend forger des “hommes au service d’une politique d’Etat Davantage encore, affirme l’évêque, “cette réforme de l’éducation en annonce une autre, celle de la Constitution” (3).