Eglises d'Asie

UN INCIDENT MONTE DE TOUTE PIECE – l’attaque d’une école catholique à Bangalore, dans l’Etat du Karnataka –

Publié le 18/03/2010




Au campus des clarétins de Bangalore règne un climat tendu. Deux pelotons de policiers montent la garde devant les portes. Des forces de l’ordre arpentent différents lieux du campus. Les 2 300 élèves et les 75 employés viennent de partir en congés pour les fêtes de Noël ; un répit bien mérité après que l’attaque menée contre l’école et la chapelle Saint-Thomas (sur le campus) dans la nuit du 7 décembre par une foule d’une centaine de personnes. Des vitres brisées et des bus endommagés témoignent encore des violences.

Lorsque Mgr Bernard Moras, archevêque de Bangalore, s’est rendu sur le campus le 18 décembre dernier, une foule de 300 personnes l’a accueilli en scandant des propos malveillants envers le P. Mathew Theruvanmoola et en gênant des parents et des enfants qui tentaient de rentrer dans l’école. La police a observé, dans un silence assourdissant, ce spectacle, même lorsque l’archevêque a été tiré de force de sa voiture et que deux prêtres, le P. C. Francis et le P. Antony Swamy, ont été malmenés par la foule. “La police était inerte. Elle aurait très bien pu nous avertir alors que nous approchions de l’école. Nous avons été sous le choc lorsque nous avons atteint les portes de l’école a déclaré l’archevêque.

Les jours suivants, des journaux s’empressaient de remonter en une les accusations d’écarts sexuels du P. Mathew Theruvanmoola avec ses élèves. Alors que le Deccan Herald titrait : “Les débauches du proviseur déclenchent des émeutes” et “un loup dans une bergerie on pouvait lire sur la première page du Bangalore Mid-Day : “Je suis Dieu, n’hésitez-pas à m’embrasser”. Deux chaînes de télévision en langue kannada ont diffusé un programme d’une demi-heure intitulé “roman policier décrivant le prêtre âgé d’une quarantaine d’années comme un “prêtre affamé de sexe” qui menaçait les filles si elles ne répondaient pas à ses avances.

La plaignante a écrit une lettre détaillée au P. Mathew exprimant son dégoût face à ses avances, en remettant une copie à la presse. “Quiconque est doté de bon sens se demandera pourquoi la jeune fille a fait deux copies de sa lettre : une pour le prêtre et l’autre pour la presse. Si cette action n’est pas instruite ou dictée par d’autres, qu’est-elle donc ? Un homme a déclaré que les enfants ont été amenés à un pique-nique à Fun World, alors qu’en fait nous nous sommes rendus à Wonderla. Il existe plusieurs contradictions avec les dates, les endroits et les personnes dans le rapport communiqué à la presse a précisé le P. José Cherukara, vice-proviseur du lycée.

“Je ne pense pas que l’Eglise catholique ait perçu cet incident comme le fruit des forces communautaristes. L’incident dans son ensemble est complètement communautarisé. Les journaux sont également allés en ce sens, en ne donnant qu’une version des faits. L’Eglise catholique doit faire quelque chose afin de contrecarrer ces forces communautaristes. a déclaré Dr. Ambrose Pinto, recteur de l’université St Joseph à Bangalore.

L’école St Claret, un établissement d’enseignement secondaire dont la langue officielle est le kannada et où l’anglais est enseigné, gagne de plus en plus en popularité. Il fait son possible pour obtenir le statut officiel d’établissement enseignant en langue anglaise. Les parents ont d’ailleurs récemment manifesté en demandant au ministre de l’Education l’obtention de ce statut. Si l’école St Claret l’obtient, ce sera un coup porté aux autres écoles des environs. Selon Mgr Moras, “il ne serait pas surprenant que d’autres attaques soient lancées pour calomnier l’Eglise catholique et ses institutions. Ce qui se passe dans le nord de l’Inde semble débuter dans le sud du pays. Il y a déjà eu des attaques fomentées par des extrémistes à Mysore, Mangalore et Belgaum ces dernières semaines. a-t-il déclaré.

Le P. Mathew a été accusé de mauvaise conduite envers des élèves de sexe féminin. Selon un parent d’élève, il avait l’habitude de tenir des propos obscènes et de faire des avances aux jeunes filles. Toujours d’après cette mère, il ciblait des filles et leur faisait du chantage, du style : “Si tu ne coopère pas, je ne validerai pas ton passage en classe supérieure.”

Bien que la police poursuive son enquête et que le P. Mathew ait été libéré sous caution, notre correspondant a appris de différentes sources que les accusations étaient sans fondement, fausses et élaborées dans le but de ternir l’image du proviseur et de l’école. L’école a également transmis aux médias une lettre signée par le personnel attestant de l’intégrité morale du P. Mathew. “J’étais le responsable des vocations qui l’a sélectionné, je connais (le P. Mathew) et sa famille depuis de nombreuses années. En tant que recteur et formateur, je le connais également très bien. J’ai travaillé avec lui pendant quatre ans à la maison provinciale des clarétins. Nous sommes neuf prêtres qui nous occupons de l’église et de l’enseignement secondaire. Ici, tout est géré par la communauté. Tout ce que nous faisons est décidé et mis en commun au sein de la communauté. Nous sommes tous unis et unanimes quant à notre opinion au sujet du P. Mathew. Durant les six dernières années, nous n’avons reçu aucune plainte de parents, d’élèves concernant son comportement ou sa conduite morale a précisé le provincial des clarétins, le P. Xavier Manavath.

Chaque mois, des réunions parents-professeurs sont organisées à l’école. Quinze jours à peine avant qu’un parent n’aille porter plainte auprès de la police, il y a eu une réunion et aucune plainte n’a alors été émise. Reste à savoir pourquoi la police est restée silencieuse après avoir reçu la plainte de la mère. Pourquoi est-elle seulement venue chercher le P. Mathew après que l’attaque de l’école se soit produite dans la nuit ? Est-ce que la police a laissé suffisamment de temps à certains groupes afin qu’ils organisent une attaque ?

Contrairement à ce qu’ont rapporté des journaux, ce ne sont ni des parents ni des élèves qui faisaient partie de la foule présente le matin, mais un nombre conséquent de personnes inconnues ainsi que des personnes appartenant à une association défendant la langue kannada. Est-ce que l’attaque a pu être orchestrée par des organisations “anti-langue anglaise”, en réaction à la manifestation organisée auparavant pour obtenir le statut officiel d’établissement d’enseignement secondaire en langue anglaise ? Ou est-ce la cote de popularité grandissante de l’établissement scolaire qui devenait une menace pour d’autres établissements de la région ?

Le P. Manavath, lisant entre les lignes, a ajouté quelques précisions : “Nous avons appelé la police après avoir entendu la foule. Quand elle est arrivée, elle a d’abord parlé au P. Jacob et a noté tous nos noms. Lorsque nous avons demandé quel était le problème, c’est alors que nous avons appris qu’une plainte avait été déposée contre le P. Mathew.” Pour Mgr Bernard Moras, “cet incident a été monté de toute pièce. Il ressemble à une bombe. Quelqu’un porte plainte dans la soirée, une foule attaque l’établissement de nuit et une énorme manifestation est organisée le lendemain matin.” Le prélat prédit que des attaques antichrétiennes similaires auront lieu et il prépare actuellement la constitution d’un groupe de travail pour gérer les urgences, afin de réagir immédiatement à de telles situations.

“Trop de dégâts ont été commis par les médias, pas seulement à un prêtre mais à l’image faîte aux prêtres catholiques. Beaucoup de laïcs ont tendance à croire tout ce qu’ils voient à la télévision ou lisent dans les journaux, sans vérifier les faits. Nous devons éduquer nos fidèles à regarder et lire de manière critique les nouvelles en contrecarrant de tels reportages. a déclaré le P. Amarnath Dinesh Roy, curé de la paroisse de la Sainte-Eucharistie. Un séminariste, étudiant à l’université qui a préféré gardé l’anonymat, a ajouté : “C’était écourant de voir mes amis étudiants parler de cette affaire comme si toute l’histoire était véridique… Beaucoup d’entre eux disaient que des membres de leur famille plus âgés croyaient mot pour mot ce qui était dit dans les reportages, et parlaient négativement des prêtres. La vérité doit être publiée et distribuée dans toutes les paroisses afin que les catholiques soient mieux informés. a-t-il précisé.

Avant la création de l’école des clarétins, d’autres institutions éducatives existaient dans les alentours. Plus de 75 % d’élèves de l’école des clarétins sont de religion hindoue. Durant les quatre années de titularisation de l’école, le P. Mathew a conduit l’établissement à un haut niveau de telle sorte que la pression pour être admis dans l’établissement montait. Des enseignants ont indiqué que le P. Mathew n’avait jamais cédé à des pressions – politiques ou autres – pour admettre des élèves, même s’il a probablement traversé des périodes difficiles en résistant à des personnalités influentes.

Il existe également des spéculations pour savoir si cet incident serait la conséquence du fait que le P. Mathew a pris une mesure interdisant aux élèves de suivre des cours dispensés par un ancien professeur. Certains sont convaincus que le P. Mathew est intervenu pour corriger le comportement moral d’une jeune fille et que cette dernière ainsi que ses parents ont craint son renvoi de l’établissement. Alors que les spéculations vont bon train, une grande majorité des élèves, des parents et des professeurs ont soutenu le proviseur et la direction de l’établissement malgré le fait qu’un groupe, qui se réunissait en privé pour exprimer son soutien à l’école, ait été attaqué. Pour le P. Manavath, qui préfère ne pas aborder les détails des accusations portées contre le P. Mathew, il convient de laisser l’enquête se poursuivre car “nous verrons tous la vérité éclater au grand jour, comment une personne de caractère et une institution éducative ont été attaqués du fait d’intérêts personnels. Nous sommes disposés à coopérer pour chaque point de l’enquête a-t-il conclu.