Eglises d'Asie

INTERVIEWS DE MGR JOSEPH NGUYEN CHI LINH, EVEQUE DE THANH HOA, A L’OCCASION DE LA VISITE DU PREMIER MINISTRE VIETNAMIEN AU PAPE BENOIT XVI

Publié le 18/03/2010




Interview de Mgr Joseph Nguyên Chi Linh à Radio Vatican (25 janvier 2007)

Mgr Linh : A l’époque de la guerre, il y a eu beaucoup de conflits et de malentendus entre les catholiques, les chrétiens et les autorités du Vietnam. Mais, aujourd’hui, après quelques dizaines d’années de cohabitation, on se connaît de mieux en mieux. Le gouvernement vietnamien a découvert que dans les régions où vivent les chrétiens, il y a moins de problèmes. Le témoignage des communautés chrétiennes au Vietnam est plutôt positif.

Radio Vatican : L’Eglise au Vietnam est-elle engagée dans des actions sociales ?

A côté de la célébration de la liturgie, la place qui nous est faite dans la société s’élargit peu à peu, mais, pour le moment, cette place ne satisfait pas les autorités ecclésiastiques. Celles-ci souhaitent s’engager beaucoup plus dans les actions sociales mais aujourd’hui cet engagement est limité. On nous autorise à gérer des centres pour handicapés, des orphelinats ou encore des jardins d’enfants. C’est pour le moment tout ce que nous avons le droit de faire. Nous souhaitons faire beaucoup plus, nous engager plus loin, dans quasiment tous les domaines, celui de l’action sociale, des écoles catholiques, des universités, etc., mais nous n’en avons pas le droit.

Donc l’Etat est prêt à vous aider pour les actions sociales mais pas assez selon vous dans le domaine de l’éducation ? Que diriez-vous de l’Eglise catholique dans ce pays et de la liberté religieuse ?

Oui, l’Etat est prêt à aider mais pas assez dans le domaine de l’éducation. En ce qui concerne la liberté, je crois que la réponse dépend beaucoup de ceux qui définissent la liberté religieuse. Jusqu’ici, il y a toujours une différence entre la définition du gouvernement et celle de l’Eglise catholique. C’est cette différence qui fait problème.

Selon vous, est-ce que cette liberté religieuse est entravée ?

Il ne faut pas oublier qu’au Vietnam, le régime politique est encore un régime où il n’y a qu’un seul parti. Donc tout doit être conforme à ce que prescrit le parti. Nous n’avons pas le droit de nous exprimer comme dans un pays où existeraient différents partis politiques participant au gouvernement du pays. Nous n’avons qu’une seule définition de la liberté religieuse.

Vous-même, en tant qu’évêque, devez-vous également être prudent quant à vos propos et vos actions ?

Evidemment. C’est un problème très compliqué, mais je reste optimiste car la politique religieuse semble un peu plus ou-verte depuis quelques temps. Nous sommes plus à l’aise, bien que nous ne puissions nous satisfaire de la situation présente.

Que pensez-vous de cette rencontre entre le pape Benoît XVI et le Premier ministre vietnamien ?

Tout le monde s’intéresse à cette rencontre même si nous ne connaissons pas bien son contenu. Mais ce qui compte, c’est la signification, le sens de cette rencontre. Elle marque une page nouvelle dans l’histoire des relations entre le gouvernement vietnamien, le peuple vietnamien et le pape.

Que souhaiteriez-vous qu’il sorte d’une rencontre comme celle-ci entre le pape et le Premier ministre vietnamien ?

Ce que nous attendons tous ici, c’est le rétablissement des relations diplomatiques entre le Vietnam et le Saint-Siège.

Qu’est-ce que cela changerait selon vous ?

Il existe toujours une certaine tension, même si elle n’est pas reconnue. Je pense que si les relations entre le Saint-Siège et le Vietnam sont rétablies, cette tension disparaîtra. C’est ce que nous espérons et attendons tous.

Interview de Mgr Joseph Nguyên Chi Linh à Radio Free Asia (25 janvier 2007)

Aujourd’hui, 25 janvier 2007, pour la première fois, un Premier ministre vietnamien est venu rencontrer au Vatican le chef de l’Eglise catholique romaine. Au Vietnam, les fidèles de cette religion représentent environ un dixième de la population. A cette occasion, un reporter de Radio Free Asia est allé interroger un jeune évêque vietnamien, Mgr Nguyên Chi Linh, du diocèse de Thanh Hoa, à propos de cet événement. En premier lieu, celui-ci a répondu :

Mgr Linh : Cet événement constitue véritablement la réalisation du souhait de tous les éléments du peuple de Dieu dans l’Eglise catholique au Vietnam et surtout de son clergé. Nous n’avons encore que des nouvelles peu précises, mais on peut considérer qu’il s’agit là d’un premier pas pouvant conduire à l’établissement de relations diplomatiques entre le Vietnam et le Saint-Siège. Si effectivement ces relations s’établissent, la situation du catholicisme dans le pays sera plus satisfaisante, même si, dans la période écoulée, une certaine amélioration s’est produite en ce qui concerne la situation des religions.

Radio Free Asia : Au cours des années précédentes il y a eu une dizaine de rencontres entre le gouvernement de Hanoi et le Vatican. Peut-on dire que ces rencontres ont contribué à l’entrevue d’aujourd’hui ?

En réalité, même si le contenu des précédentes rencontres n’a pas été diffusé, on peut cependant affirmer qu’elles ne mettaient en jeu que des membres peu élevés de la diplomatie de ces deux Etats. Il y était surtout discuté de la nomination des évêques. Les autres questions abordées n’ont point été connues du grand public.

Certains pensent que le nouveau pontife ne connaît pas grand-chose au Vietnam. En fonction de l’expérience que vous avez acquise dans vos rencontres avec le pape actuel, quel est le niveau de connaissance de celui-ci en ce qui concerne votre pays ?

Peu de temps s’est écoulé depuis ma dernière audience avec le pape. Mais on peut penser que pour le Souverain pontife, les informations ne sont pas reçues directement mais à travers les nouvelles de la presse et des grands médias. Le pape actuel a été un très proche collaborateur de son prédécesseur, le pape Jean-Paul II. Je pense que les informations qu’il reçoit au sujet du Vietnam sont aussi fiables que celles que recevait son prédécesseur. Il n’a pas encore eu l’occasion de s’exprimer au sujet du Vietnam mais ce n’est pas parce que sa connaissance de ce pays est peu profonde.

En prévision de l’actuelle visite, la Conférence épiscopale du Vietnam a-t-elle présenté au Saint-Siège un certain nombre de suggestions à soumettre au Premier ministre ?

A vrai dire, je ne suis pas au courant. S’il y a eu de telles propositions, seuls les membres du Conseil permanent de la Conférence épiscopale en sont informés.

Certains pensent que l’Eglise catholique n’a pas encore profité pleinement de cette occasion pour en tirer des bénéfices, pour elle-même et pour aider les religions sours.

En vérité, cette remarque n’est pas très réaliste. En effet, pour l’opinion intérieure du pays, cette visite était tout à fait inattendue. Récemment encore, la nouvelle, à peine annoncée, a été démentie. Aussi, dire que l’Eglise du Vietnam n’a rien préparé est grandement exagéré.

Tout à l’heure, vous nous avez dit que la politique religieuse de l’Etat à l’égard de l’Eglise s’était améliorée. Cependant, existe-t-il un obstacle majeur que l’Eglise voudrait voir écarter par l’Etat, de façon à ce que celle-ci puisse mener ses activités dans une véritable liberté ?

Je n’ai pas autorité pour répondre à cette question d’une manière officielle, au nom des dirigeants de l’Eglise au Vietnam. Selon ma conception, pour qu’il y ait changement, il nous faut du temps. Bien que, du côté catholique comme du côté de l’Etat, il y ait une volonté sincère de voir changer la situation religieuse, seul le temps pourra nous dire si ses intentions seront réalisées.