Eglises d'Asie

La visite du Premier ministre vietnamien au Vatican suscite, au Vietnam, des réactions contrastées

Publié le 18/03/2010




La rencontre du dirigeant vietnamien et du pape, le 25 janvier dernier, a suscité une certaine émotion à l’intérieur du pays, en particulier au sein de la population chrétienne. Les réactions de l’opinion publique ont été recueillies par un certain nombre de médias internationaux ou encore ont été diffusées par l’intermédiaire d’Internet. Généralement favorables, elles divergent cependant selon les milieux d’où elles émanent. Elles sont quelquefois accompagnées de très fortes réticences, comme c’est le cas pour la lettre au pape rédigée à cette occasion par un groupe de prêtres de laïcs du centre Vietnam.

La presse officielle, contrôlée par l’Etat, a généralement repris scrupuleusement le contenu du premier compte-rendu officiel publié par vietnamienne d’information, le jour même (1). C’est le cas par exemple de l’organe du parti, le Nhân Dân, qui, dans les articles publiés les jours suivants, n’ajoutera rien à la première version des faits. Certains journaux, comme Tuôi Tre du 27 janvier, publieront une revue des articles de la presse internationale relatant cette visite. Un reportage de celle-ci a été diffusé à la télévision vietnamienne le 28 janvier. Il y a été dit qu’il n’existait pas de relations diplomatiques entre le Vatican et le Vietnam, mais que le Saint-Siège considérait la politique religieuse appliquée au Vietnam comme un modèle pour les autres pays (2). En fin de compte, la presse vietnamienne aura fait paraître peu de commentaires originaux et ce sera contenté de refléter la satisfaction du pouvoir central à ce sujet.

Les membres de la hiérarchie de l’Eglise catholique au Vietnam sollicités par les agences et médias internationaux ont, pour la plupart, exprimé leur enthousiasme. Selon AsiaNews, le cardinal Pham Minh Mân, archevêque de Saigon, s’est réjoui de l’événement et a déclaré que désormais il n’y avait plus d’obstacle à l’établissement de relations diplomatiques entre le Vietnam et le Saint-Siège. Moins optimiste que le cardinal Mân, l’archevêque de Hanoi, Mgr Ngô Quang Kiêt, a confié à Ucanews (3) que, sur ce sujet, les deux parties avaient une « vision conservatrice ». Dans le diocèse de Thanh Hoa, Mgr Nguyên Chi Linh a déclaré à une radio étrangère que cette visite réalisait le vou profond de tous les chrétiens. Il a cependant ajouté que les changements que cette visite pourrait apporter à la situation religieuse du pays ne se feraient sentir que peu à peu (4).

Cet optimisme n’est cependant pas partagé par l’ensemble du clergé et des fidèles. Le P. Hoang Minh Thang, de Radio Vatican, tout en reconnaissant dans cette visite un événement historique, y voit surtout la volonté du Vietnam de tenir sa place dans le concert des nations en se conciliant les forces spirituelles de l’Eglise catholique (5). Une lettre émanant d’un groupe de prêtres et de laïcs du Centre Vietnam a été envoyée au pape Benoît XVI peu avant la visite du Premier ministre. Elle demande au Souverain pontife de rappeler à son visiteur les injustices commises par son gouvernement. Les auteurs de la requête mentionnent les plus récentes à savoir les persécutions des mennonites par les autorités sur les Hauts Plateaux comme à Ho Chi Minh-Ville (6), la répression qui frappe le bouddhisme hoa hao depuis des dizaines d’années, la peine de résidence surveillée subie par les dirigeants du bouddhisme unifié et par le P. Nguyên Van Ly, les conflits de propriété opposant l’Eglise et l’Etat. Sont mentionnés ensuite l’ordonnance sur la religion du 2 juin 2004 et son décret d’application, destinés, dit la lettre, à tenir en laisse et à instrumentaliser la religion. Cette oppression, est-il ajouté, s’étend à tous les droits de l’homme dans le pays. A l’appui de leurs dires, les auteurs de la lettre citent les déclarations des plus hauts dirigeants de l’Eglise au Vietnam. Enfin, en conclusion, le groupe de prêtres et de laïcs signataires de la lettre souhaite que le Saint-Siège use de son influence pour forcer les dirigeants du Vietnam à abandonner la politique menée jusqu’ici.