Eglises d'Asie

Mindanao : selon l’évêque d’Isabela, sur l’île de Basilan, la mort de deux responsables du groupe terroriste Abu Sayyaf ne résout pas les problèmes dont souffre cette région du sud philippin

Publié le 18/03/2010




La mort de deux responsables du groupe terroriste Abu Sayyaf n’apportera pas “une paix durable” sur l’île de Basilan et, tant que les lois de la République n’y seront pas appliquées et que le système judiciaire n’y fonctionnera pas de manière satisfaisante, le chaos perdurera. Tels sont les propos que Mgr Martin Jumoad, évêque de la prélature d’Isabela, dont le territoire couvre l’île de Basilan, a tenus à la suite de l’annonce par les forces armées philippines de la mort de ces deux responsables.

Située dans le sud philippin, la prélature d’Isabela compte un peu plus de 95 000 catholiques, qui représentent 28 % d’une population totale de 345 000 habitants, par ailleurs presque exclusivement musulmans. L’île de Basilan fait partie de la Région autonome de Mindanao musulman (ARMM), créée à la suite du référendum de 1989, à l’exception de la ville d’Isabela, dont les habitants ont voté contre leur rattachement à l’ARMM. Le groupe Abu Sayyaf s’est formé autour d’un extrémiste musulman, Abdurajak Janjalani, natif de Basilan, qui s’est illustré par des tueries et des enlèvements de chrétiens dans la région à partir de 1991. Abdurajak Janjalani a été tué en 1998, la relève étant assurée par son frère cadet, Khaddafy Janjalani, et un certain Jainal Antel Sali, alias Abu Solaiman. Tous deux étaient présentés comme étant le chef et l’ingénieur d’Abu Sayyaf et leurs têtes avaient été mises à prix par les Américains pour cinq millions de dollars (1).

Selon les forces armées philippines, Abu Solaiman a été tué le 16 janvier dernier, lors d’un accrochage à Talipao, sur l’île de Jolo, dans l’archipel des Sulu, au sud-ouest de Basilan, et Khaddafy Janjalani a trouvé la mort en septembre dernier à Patikul, toujours dans les îles Sulu. Le 20 janvier, l’armée philippine a annoncé que le corps de Khaddafy Janjalani avait été dans un premier temps enterré, avant d’être exhumé en décembre et soumis à des tests ADN. Ceux-ci, pratiqués à partir d’échantillons prélevés sur son frère Hector Janjalani, qui est en prison aux Philippines, et confiés au FBI américain, ont confirmé l’identité du chef du groupe Abu Sayyaf. Le 1er août dernier, les forces armées avaient lancé l’“Operation Plan Ultimatum” dans le but de “neutraliser” Abu Sayyaf sur les îles Sulu, où ses leaders avaient trouvé refuge après une précédente opération militaire menée à Basilan.

Selon Mgr Martin Jumoad, la nouvelle de la mort des deux hommes n’a pas soulevé l’enthousiasme des habitants de Basilan et leurs proches croient que Janjalani est toujours en vie. Pour l’évêque, le coup porté à Abu Sayyaf ne se traduira pas par un retour au calme dans l’île. “Tant que les juges craindront de se faire descendre par les rebelles, tant que les policiers n’oseront pas appliquer les mandats d’amener, nous connaîtrons toujours une situation de non-droit a souligné Mgr Jumoad, déplorant le fait que les habitants de Basilan se sont accoutumés à “ce contexte chaotique”.

A l’approche des élections générales de mai 2007, qui désigneront les parlementaires et les membres des gouvernements locaux aux Philippines, la présidente Gloria Macapagal-Arroyo a déclaré que la lutte contre les diverses rébellions était une priorité. Le 22 janvier 2007, elle a précisé que la lutte contre Abu Sayyaf et la Nouvelle armée du peuple (communiste) serait intensifiée. Les opérations militaires dans les îles Sulu mobilisent quelque 5 000 hommes et sont menées avec l’“assistance” des Etats-Unis. Les services de renseignement philippins recherchent activement trois sous-chefs Sayyaf, Radulan Shahiron, Isnilon Hapilon et Abu Pula, et ils estiment à environ 300 le nombre des insurgés encore actifs. Le 11 janvier, les autorités philippines ont relevé à “critique” le niveau d’alerte sur l’île de Mindanao, à la suite de trois attentats qui ont fait sept morts et 27 blessés dans les villes de General Santos, Kidapawan et Cotabato.