Eglises d'Asie

Pourquoi le Premier ministre vietnamien a-t-il voulu rencontrer Benoît XVI le 25 janvier 2007 ?

Publié le 18/03/2010




Après avoir été annoncée, ensuite considérée comme repoussée et enfin confirmée à nouveau, la rencontre du Premier ministre vietnamien et du Souverain pontife a bien eu lieu au Vatican, le 25 janvier, à 11 heures. Nguyên Tân Dung, accompagné du directeur des Affaires religieuses et de deux interprètes, a rendu visite à Benoît XVI. L’entretien a duré trois quarts d’heure. Des cadeaux ont été échangés, une pièce de porcelaine pour le pape et des médailles pour le chef du gouvernement de la République socialiste du Vietnam. La délégation vietnamienne a tenu ensuite à rencontrer le cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d’Etat, et Mgr Dominique Mamberti, secrétaire pour les relations avec les Etats. Deux comptes-rendus de la visite ont été aussitôt publiés à Rome et à Hanoi.

Cette visite a surpris aussi bien à l’intérieur du pays qu’à l’extérieur. On avait attendu, il y a quelques années, une visite du pape au Vietnam sans soupçonner que l’inverse se produirait. Pourquoi donc cette rencontre ? On ne trouve pas d’éléments de réponse à cette question dans le communiqué de Hanoi confirmant la visite. Autant les annonces de la visite par les agences de presse et les commentaires médiatiques suscités par elle avaient paru emphatiques et contradictoires, autant le premier communiqué de presse de la partie vietnamienne s’était efforcé de minimiser l’importance de l’événement. La dépêche de l’agence d’information officielle du Vietnam (1), repris tel quel par le Nhân Dân, se contentait de dire qu’à l’occasion de son voyage en Italie, le Premier ministre aurait une « entrevue » avec le pape.

Le premier commentaire officiel d’une certaine ampleur a été donné dans une interview à Radio Free Asia (2) par l’adjoint au responsable des Affaires religieuses, Nguyên Thê Danh. Il s’est appliqué à montrer que cet événement était l’aboutissement d’une politique religieuse menée depuis une décennie et demie par son gouvernement. Il a rappelé la première visite au Vietnam du cardinal Etchegaray, les autres contacts au plus haut niveau ainsi que les négociations régulières qui ont suivi. Il a spécifié ensuite que la visite au chef de l’Etat du Vatican visait un objectif diplomatique lié à la situation intérieure. La visite était la consécration d’un certain type de relations établies avec le Saint-Siège, susceptibles de contribuer au règlement des questions intérieures du catholicisme au Vietnam, les questions du personnel de l’Eglise, des séminaires, la participation de l’Eglise aux ouvres sociales.

Ce double objectif a été clairement réaffirmé par le Premier ministre lors de son entrevue avec le pape. Dans le communiqué publié immédiatement après la rencontre, celui-ci a exposé avec grand soin la position de son gouvernement en se référant longuement à la situation intérieure du Vietnam (2). Après avoir vanté le respect de son gouvernement à l’égard des droits de l’homme et de la liberté religieuse, ainsi que les mérites de la communauté catholique associant Dieu et la patrie dans un même amour, il s’est déclaré très satisfait du statut actuel des relations entre son Etat et le Saint-Siège. Il a, en particulier, évoqué les rencontres régulières entre les deux parties, qui ont débuté en 1990. Les résultats sont, selon lui, positifs. C’est pourquoi « le gouvernement vietnamien préconise de poursuivre le processus de dialogue direct avec le Vatican sur la base des principes du respect mutuel et de la non-ingérence dans les affaires intérieures d’autrui ». Toutefois, le chef du gouvernement vietnamien a pris acte de la proposition faite par le Saint-Siège d’établir des relations diplomatiques classiques entre les deux parties. Il n’y a pas opposé de fin de non-recevoir, mais il s’est contenté de proposer de laisser aux bureaux diplomatiques des deux pays la tâche d’en discuter concrètement. Cette réponse avait déjà été donnée à d’autres occasions, notamment à l’époque où l’Eglise du Vietnam avait proposé au gouvernement d’inviter le pape Jean-Paul II à visiter le Vietnam.

En outre, on peut légitimement penser que, derrière cette visite, se cache une ambition diplomatique plus large. Le voyage en Italie et au Vatican constitue en effet l’une des étapes du processus d’ouverture internationale poursuivi par Nguyên Tân Dung. Nommé Premier ministre le 27 juin 2006, peu après le dernier Congrès du Parti communiste – placé sous le signe de la croissance économique et de la conquête de la scène internationale -, il s’est d’abord assuré de la protection de ses deux plus puissants voisins asiatiques. En octobre 2006, il a rendu une visite officielle au Japon, où il a rencontré de nombreuses personnalités. Il s’est ensuite rendu en Chine, dans la région autonome de Zhuang, au Guangxi où il s’est entretenu avec son homologue chinois. Il a aussi visité d’autres pays proches de l’Asie du Sud-Est : le Cambodge, le Laos, la Thaïlande et les Philippines. Si l’on excepte le court voyage à Helsinki, où il participait à un sommet Asie-Europe en septembre dernier, le voyage au Vatican du 25 janvier a constitué son premier contact diplomatique avec l’Europe. Il est significatif que dans le large éventail des pays d’Europe, il ait choisi cet Etat pour une visite qui, en raison de la nature du régime politique en vigueur au Vietnam, ne pouvait manquer de frapper les esprits.