Eglises d'Asie

Jharkhand : des aborigènes de l’ethnie santal continuent d’utiliser leur système pénal traditionnel afin de mieux protéger leur vie sociale

Publié le 18/03/2010




Dans l’Etat du Jharkhand, des aborigènes continuent d’appliquer leur système pénal traditionnel pour mieux protéger la moralité et la vie sociale de leur ethnie. Le cas le plus récent est celui du châtiment infligé par un mode-manjhi (tribunal de l’ethnie santal) à trois musulmans déclarés coupables d’avoir attenté à la vie d’un aborigène catholique.

La communauté aborigène du village de Chhu-Chhi, dans le district de Sahibganj, a appliqué la bithlaha, “la suprême excommunication le 21 décembre dernier, après que le tribunal tribal eut prononcé son verdict, le 5 novembre. Les musulmans Jamshed Ansari, Anul Ansari et Sattar Mukhiya, qui n’appartiennent pas à cette ethnie mais habitent le village santal, ont été reconnus coupables d’avoir tenté de tuer Joseph Soren, un Santal. Une foule agressive avait alors saccagé les maisons des musulmans : tout s’est déroulé devant la police locale, qui a reconnu son impuissance à l’arrêter.

Manikant Azad, le commissaire adjoint du district, a déclaré que les communautés aborigènes suivent “leurs lois coutumières et obéissent aux décisions de leurs tribunaux” et que son administration “ne pouvait s’y opposer Pankaj Darad, chef de la police du district, a quant à lui déclaré que ses hommes sont en train d’enquêter sur cette tentative de meurtre, mais que le tribunal tribal lui avait semblé pres-sé d’exécuter lui-même sa propre sentence. Pour les aborigènes, en revanche, leur tribunal s’est saisi de l’affaire car la police tardait à arrêter les coupables. Près de 10 000 aborigènes, dont les responsa-bles de seize villages de la région, se sont déplacés pour assister aux délibérés du tribunal tribal.

Anul Ansari a déclaré que lui et les autres musulmans s’étaient certes battus avec Soren, mais sans intention de le tuer et que la peine infligée était trop lourde. Il a précisé être né dans ce village et avoir vécu amicalement avec les Santal. “Nous n’avons jamais tenté de faire du mal à personne. Nous sommes prêts à aller en prison a-t-il assuré.

Un anthropologue santal a expliqué comment fonctionnaient les châtiments infligés par le tribunal tribal. La communauté expulse les coupables avec l’accord de l’assemblée, cette loi s’appliquant aussi aux étrangers vivant dans le village qui ont commis des fautes graves contre la communauté aborigène. Le “principe de droiture cher aux Santal, a expliqué l’anthropologue, est lié à leur conscience sociale et tribale ; ils sont dotés d’“une excellente organisation rurale, avec une hiérarchie composée de villageois responsables et de tribunaux chargés de faire appliquer leurs lois coutumières” (1).

La bithlaha est utilisée pour punir les individus coupables d’avoir transgressé le code de la vie sociale et particulièrement ce qui a trait aux relations sexuelles, a-t-il continué. L’ethnie santal n’autorise pas le mariage au sein d’un même clan parce que ses membres sont considérés comme frères et sours, insiste-t-il, mais la communauté santal prévoit une punition pour empêcher les femmes santal de se marier en dehors de la tribu. La bithlaha, a-t-il encore expliqué, est toujours exécutée. Suite à la décision de l’assemblée d’infliger cette punition, un homme circule sur le marché en portant la branche d’un arbre spécial. Le nombre de feuilles non coupées sur la branche indique le nombre de jours accordés avant l’exécution de la sentence. Le châtiment intervient le jour prévu. Les femmes restent en dehors du village pendant que les hommes, ceux des villages voisins inclus, munis d’arcs et de flèches et frappant du tambour, se rendent au domicile du coupable.

D’après Marandi, quand la foule arrive à la maison du fautif, les anciens fixent un bambou à l’entrée de la cour et y attachent les branches brûlées d’un vieux balai avec des feuilles desséchées ayant servi d’assiettes. Les hommes célibataires entrent dans la maison, urinent et défèquent pendant que d’autres tournent autour de la maison en battant du tambour et en chantant des chansons obscènes. Si le coupable est étranger à la tribu, ajoute-t-il, la maison n’est pas seulement souillée, elle est également démolie.

Mathias Soren, un catholique, a expliqué de son côté que les Santal appliquaient la bithlaha quelle que soit la religion du coupable. “La foi religieuse n’a rien à voir avec la loi coutumière et tous lui obéissent.” Ce peuple privilégie la communauté et pense que la bithlaha est plus terrible qu’une peine de mort : “Avec la peine de mort, le coupable ne meurt qu’une fois, alors qu’avec la bithlaha, il doit vivre une vie misérable, considéré comme intouchable par le reste de la communauté.” Soren insiste sur le fait que le châtiment est exécuté après une enquête sérieuse, le tribunal pénal composé de cinq juges ayant également entendu l’accusé.

Un politicien santal, Hemlai Murmu, reconnaît que le système est “dur” mais qu’il “a été bénéfique pour la survie de la communauté”. Avec un tel châtiment, les membres d’autres tribus trouvent difficile de vivre parmi les Santal, admet-il. En fait, ajoute-t-il, ces sanctions existent pour dissuader les personnes de faire du tort à la communauté aborigène.