Eglises d'Asie

Le P. Nguyên Van Ly a été emmené par la police dans une paroisse reculée du diocèse de Huê et des poursuites judiciaires ont été engagées contre lui

Publié le 18/03/2010




Le 24 février dernier, après avoir emmené le P. Thaddée Nguyên Van Ly de l’archevêché de Huê jusqu’à la petite paroisse de Bên Cui, située à une vingtaine de kilomètres de la ville de Huê, les services de la police provinciale entamaient une action en justice contre le prêtre dissident pour “propagande contre l’Etat de la République socialiste du Vietnam” en vertu de l’article 88 du Code pénal vietnamien. Cette nouvelle a été publiée par vietnamienne d’information du 25 février et annoncée ce même jour sur la chaîne de télévision VTV1. L’article du code cité prévoit une peine de trois à douze ans de prison pour le crime de propagande contre l’Etat, ou de dix à vingt ans de prison lorsque la faute est d’une gravité exceptionnelle.

Lors de l’intervention policière, le prêtre se trouvait dans son appartement de l’archevêché, gardé par des membres de la Sécurité, depuis le 18 février dernier. Dans l’après-midi, une troupe d’une soixantaine de policiers a cerné le bâtiment de la “Nha Ching” (résidence de l’archevêque et de quelques prêtres). Les policiers ont ensuite pénétré dans la chambre du P. Ly et l’ont poussé dans une voiture alors qu’il refusait de les suivre.

Ce déplacement forcé du P. Ly constitue le dénouement provisoire d’une opération policière entamée une semaine auparavant. Des proches du prêtre dissident avaient fourni un récit assez complet des faits qui ont précédé cette brutale intervention policière. Dès la veille du premier jour de l’année lunaire – qui tombait le 17 février -, on avait remarqué autour de l’archevêché de Huê un certain nombre de policiers. Cette présence policière s’était renforcée les deux jours suivants. Le 18 février, la tension est montée d’un cran, lorsque, vers 19 heures, des policiers en civil et en uniforme sont entrés dans l’archevêché en bloquant toute entrée et toute sortie du bâtiment. Une heure plus tard, un certain nombre de policiers ont pénétré dans la chambre du P. Thaddée Nguyên Van Ly. Ils se sont emparés d’appareils électroniques (ordinateurs et téléphones portables) et ont forcé une armoire pour y prendre d’autres objets. Ensuite, la police a voulu contraindre le prêtre à venir au poste de police pour y être interrogé. Celui-ci a résolument refusé d’obtempérer, déclarant qu’il faudrait pour cela le ligoter et le traîner. Il a alors annoncé qu’il entamait une grève de la faim illimitée pour protester des graves manquements aux droits de l’homme commis contre lui-même et contre ses collaborateurs. La police a réagi en mettant un cadenas à la porte de la chambre du P. Ly, transformant celle-ci en prison. Le “tête-à-tête” du P. Ly et des policiers aura duré une semaine.

Le P. Nguyên Van Ly, qui a passé dix ans en prison – de 1977 à 1978 et de 1983 à 1992 – pour “opposition à la révolution avait lancé une campagne pour la liberté religieuse à la fin de l’année 2000. Commencée au mois de novembre 2000 (1), dans le cadre de revendications locales – des terrains paroissiaux confisqués par l’Etat -, la campagne du P. Ly avait vite pris une dimension interreligieuse, nationale et même internationale. Elle a été tout de suite marquée par le ton sans concession adopté par le prêtre et une volonté de non-compromission avec le régime, que symbolisait le calicot qu’il avait accroché au clocher de son église où était inscrit : “La liberté religieuse ou la mort !” Il diffusa sur Internet de nombreuses déclarations où il revendiquait liberté et totale indépendance pour les diverses religions du Vietnam ainsi que des procès-verbaux où il détaillait concrètement les violations de la liberté religieuse commises par les autorités locales et nationales. A la demande de la Commission sur la liberté religieuse dans le monde du Congrès américain, il fit parvenir à celle-ci deux rapports sur la liberté religieuse au Vietnam.

Le 27 février 2001, le P. Ly avait été assigné à résidence dans la paroisse d’An Truyên. Le 10 mai suivant, les autorités civiles lui interdisaient de dire la messe, puis, le 17 mai, six cents agents de la Sûreté vinrent arrêter le prêtre dans son presbytère alors qu’il se préparait à célébrer la messe. Le procès n’eut lieu que cinq mois plus tard en octobre 2001, à Huê. Il fut condamné à quinze ans de prison ferme pour n’avoir pas accompli sa peine de mise en résidence surveillée et avoir saboté la politique de l’unité nationale. Il fut ensuite envoyé dans le nord du Vietnam pour y purger sa peine, une peine qui avait été réduite à dix ans.