Eglises d'Asie

Le rapporteur des Nations Unies pour les droits de l’homme a appelé les Eglises chrétiennes à jouer un plus grand rôle dans la dénonciation et la prévention des assassinats extrajudiciaires

Publié le 18/03/2010




Lors de la conférence de presse qu’il a tenue le 21 février à l’issue d’un séjour de onze jours aux Philippines, le rapporteur spécial du Haut Commissariat de l’ONU pour les droits de l’homme, l’avocat australien Philip Alston, a déclaré que les Eglises chrétiennes devraient tenir un rôle de premier plan pour résoudre le problème des assassinats extrajudiciaires dans le pays. “Je pense que les Eglises sont en mesure d’exercer une influence profonde sur la société, en soulignant l’importance majeure de l’éradication de cette pratique totalement inutile a-t-il déclaré à Makati City, en référence aux 830 “exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires” recensées par Karapatan, une organisation locale de défense des droits de l’homme, depuis 2001, date de l’arrivée au pouvoir de la présidente Gloria Macapagal Arroyo.

Rappelant le rôle que l’Eglise catholique a tenu dans les événements qui ont entraîné la chute du président Marcos, en 1986, lorsque le cardinal Jaime Sin, archevêque de Manille, a appelé les Philippins à descendre pacifiquement dans la rue pour prévenir un bain de sang entre les soldats fidèles à Marcos et ceux favorables au départ du dictateur, Philip Alston a insisté, en déclarant que son sentiment était que les Eglises “avaient un rôle très important à jouer aux Philippines”.

Le rapporteur de l’ONU a expliqué que, durant son périple à travers le pays, il n’avait pas eu l’opportunité de rencontrer un nombre suffisant de responsables religieux. “Mon emploi du temps était très serré. Je le regrette a-t-il ajouté. De son côté, un porte-parole de la Conférence des évêques catholiques des Philippines a précisé que l’avocat n’avait rencontré aucun évêque.

Philip Alston a déclaré qu’il remettrait son rapport dans environ trois mois au secrétaire général de l’ONU ainsi qu’à la présidente Arroyo. “L’objectif premier de ma visite était d’obtenir des informations détaillées (sur les exécutions extrajudiciaires). Ensuite, il a fallu que je m’assure que ces informations étaient crédibles. J’ai accumulé 10 000 pages et la plupart contiennent des informations que je tiens pour fiables a-t-il précisé, sans cacher qu’il était arrivé à la conclusion que des éléments de l’armée étaient très largement impliqués dans ces assassinats. L’armée rejette la responsabilité de ces meurtres sur les communistes et la guérilla menée par la Nouvelle Armée du Peuple (NAP), mais elle doit reconnaître sa responsabilité et repenser ses méthodes de lutte anti-insurrectionnelle ; le plus souvent, ce sont des militants de gauche ou proches de la gauche qui sont tués et non des rebelles, a-t-il fait valoir, ajoutant : “L’armée est dans une phase de déni presque total à propos de ces meurtres dont beaucoup lui ont été attribués de façon convaincante.”

Le jour même où Philip Alston tenait sa conférence de presse, le président de la Conférence épiscopale, Mgr Oscar Cruz, appelait le gouvernement à rendre public le rapport de la Commission Melo, chargée d’enquêter sur ces exécutions extrajudiciaires, dont le contenu n’a pas été révélé (1). Un appel également lancé par l’Union européenne et des organisations de défense des droits de l’homme. Selon l’évêque, publier le rapport est “le seul moyen de mettre fin au mécontentement sur la question”.

Malacanang, le palais présidentiel, a répondu le lendemain, 22 février, en faisant savoir que le rapport en question serait rendu public, revenant ainsi sur une déclaration contraire faite sept jours plus tôt. Mais, selon la presse philippine, la marge de manouvre de la présidente est faible. D’un côté, les pressions internes et internationales vont croissant afin qu’elle restaure la crédibilité du système judiciaire et contrôle de plus près les méthodes de l’armée. De l’autre côté, la présidente ne peut se permettre de s’aliéner le soutien de la hiérarchie militaire, en mettant en cause de hauts gradés. Dans le rapport Melo, apparaît le nom du général à la retraite Jovencito Palparan, surnommé “le bourreau” par ses détracteurs (2), ainsi que celui d’autres officiers de hauts rangs.