Eglises d'Asie

Selon un responsable de la communauté catholique chinoise du pays, l’Eglise catholique ne s’oppose pas au feng shui dans la mesure où la foi des fidèles reste centrée sur Dieu

Publié le 18/03/2010




Teresa Fernandes, responsable d’une agence de publicité, a placé sur son bureau une image du Christ entourée de la figurine d’un sanglier de jade, d’un dragon vert, de deux oranges et de huit pièces de monnaie. Cette catholique de 48 ans pratique le feng shui (littéralement ‘vent et eau’), la géomancie ou l’art chinois de l’harmonie qui vise à équilibrer les énergies qui nous entourent, en plaçant d’une certaine manière les objets, le mobilier et même l’immobilier.

“Le sanglier est le porte-bonheur de cette année, l’année du cochon” qui a commencé le 18 février, le premier jour du Nouvel An lunaire, a-t-elle déclaré aux journalistes qui l’interrogeaient dans son bureau du quartier San Juan, à Manille, ajoutant que le dragon et les objets ronds sont supposés apporter le bonheur. “Huit étant aussi le chiffre porte-bonheur Teresa Fernandez place huit pièces du même type dans chacun des sacs qu’elle transporte et s’assure que ses meubles obéissent, eux aussi, aux principes du feng shui. Les pieds des lits ne doivent pas être dans l’alignement d’une porte, ni les miroirs directement face aux lits, les escaliers jamais face à la porte d’entrée et tout désordre doit être évité. “Ces dispositions permettent à l’énergie positive de circuler librement affirme-t-elle, assurant que ses clients travaillant dans l’immobilier suivent les recommandations du feng shui, surtout ceux d’origine chinoise.

Kaisa Para Sa Kaunlaran (‘Harmonie pour le Progrès’), une ONG qui ouvre depuis sa création, il y a vingt ans, à l’intégration de la communauté chinoise dans la société philippine, estime que, sur un million de Chinois vivant aux Philippines, 90 % d’entre eux sont nés dans l’archipel, certains appartenant à la troisième ou quatrième génération d’immigrants chinois. Les centres commerciaux de Manille organisent d’ailleurs des animations feng shui, aux alentours du Nouvel An chinois.

A en juger par le nombre de boutiques feng shui dans les centres commerciaux de la capitale, la pratique de cet art chinois est “certainement très à la mode estime le P. Aristotle Dy, secrétaire national pour l’Apostolat des catholiques sino-philippins aux Philippines (1), qui évalue “la proportion des Philippins qui pratiquent le feng shui à un sur dix environ”.

Une mère de famille catholique, Lorinda Clores, adepte du feng shui, s’assure que le pas de sa porte est toujours propre pour que l’énergie et le bonheur puissent entrer. “Il n’y a rien de mal à avoir l’esprit pratique assure cette femme de 60 ans, qui ajoute qu’avoir une maison propre permet de “se sentir bien à l’intérieur de soi alors que le contraire est irritant 

Le P. Dy reconnaît “qu’il n’y a rien de mal” à suivre “les principes scientifiques d’harmonie” du feng shui qu’il considère comme “une science pratique” et qu’il déclare lui-même suivre. Toutefois, il met en garde les fidèles catholiques qui placeraient leur foi dans cet art chinois, Dieu étant le seul sauveur. Selon le prêtre jésuite, le feng shui est populaire de la même manière qu’est populaire le folklore catholique. “Notre peuple croit aux us et coutumes qui apportent bonheur et bénédictions et éloignent le mal explique-t-il, citant la tradition philippine d’allumer des pétards la veille du Nouvel An afin de se débarrasser des malheurs de l’année écoulée, ou celle de porter des signes religieux ou d’essuyer une statue afin d’obtenir une guérison ou une bénédiction. Certaines personnes pratiquent aussi le feng shui “pour le plaisir. Mais cela m’ennuie beaucoup lorsque des personnes placent tout leur espoir dans cet art ou toute autre pratique”.

Pour ce Philippin d’origine chinoise, l’approche la plus pragmatique du feng shui se trouve dans son souci pour l’environnement. Ainsi, conclut-il, “il nous faut analyser notre environnement, comprendre comment il agit sur nous et comment nous agissons sur lui afin d’arriver à un point d’équilibre et d’harmonie avec la nature