Eglises d'Asie – Timor Oriental
A l’approche des élections d’avril, dans un contexte tendu, le Premier ministre fait appel à l’Eglise catholique pour servir de médiateur entre le gouvernement et un soldat entré en rébellion
Publié le 18/03/2010
La rébellion du major Reinado remonte au mois d’avril dernier lorsque le Premier ministre d’alors, Mari Alkatiri, avait limogé 600 membres des forces armées, qui comptaient à l’époque 1 400 hommes. Les soldats renvoyés, originaires de l’ouest du pays, s’étaient plaints de discriminations. Ce limogeage avait entraîné une crise politique majeure et le pays avait sombré dans le chaos. En mai et en juin, les violences et les pillages faisaient une vingtaine de morts et provoquaient le déplacement de 150 000 personnes. Le calme n’était revenu qu’après l’intervention d’une force internationale de maintien de la paix conduite par l’Australie (1). Puis, le 30 août dernier, le major Reinado, une des figures principales des soldats limogés, a réussi à s’évader de la prison où il était détenu, près de Dili, entraînant avec lui 56 soldats mutinés.
Retranchés dans la ville de Same, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Dili, les mutins ont essuyé un assaut des forces armées australiennes au petit matin du 4 mars. Selon un porte-parole australien de la Force internationale de sécurité, quatre des partisans du major Reinado ont été tués, mais le chef rebelle a réussi à échapper aux soldats australiens, appuyés par des blindés, des hélicoptères et des avions de combat. Alfredo Reinado, qui avait d’abord juré de “se battre jusqu’à la mort a depuis fait discrètement savoir qu’il était prêt à négocier sa reddition. Pour éviter toute tentative de repli au Timor occidental, l’Indonésie a annoncé qu’elle fermait à titre temporaire sa frontière avec le Timor-Oriental.
C’est dans ce contexte de recherche d’une reddition négociée que le Premier ministre a déclaré que les opérations militaires cesseront contre l’ex-officier entrée en dissidence dès lors que celui-ci et les hommes qui le suivent accepteront de déposer les armes. Lui et ses hommes seront traités humainement et bénéficieront des droits que leur garantit la Constitution du pays. “J’ai demandé à l’Eglise catholique d’aider le gouvernement à négocier avec le major Reinado, a précisé le Premier ministre. Le major Reinado doit savoir que ce pays est un Etat de droit et que la justice y est rendue selon les lois.”
Quelques jours avant la rencontre du Premier ministre et de l’évêque de Dili, l’Eglise catholique avait indiqué qu’elle était prête à assumer un rôle de médiateur, pourvu que les parties concernées le lui en fassent la demande. Le P. Domingos Soares Maubere, porte-parole du diocèse de Dili, a rappelé à cet égard que les deux évêques du pays, Mgr da Silva, de Dili, et Mgr Basilio do Nascimento, de Baucau, avaient signé un appel “à la paix et au respect mutuel” à l’issue de la visite dans le pays du nonce apostolique accrédité auprès du Timor-Oriental (2).
De son côté, le major Reinado, s’il a échappé aux soldats australiens, a fait savoir au Timor Post, le 12 mars, qu’il était “très heureux” d’entendre que l’Eglise était prête à jouer les médiateurs. “Je pense que l’Eglise catholique, parce qu’elle est indépendante, sera une bonne médiatrice dans ce dialogue. Je crois que Mgr do Nascimento et Mgr Ricardo da Silva seront de bons médiateurs et que ce dialogue portera des fruits a-t-il ajouté. Le Timor-Oriental compte un million d’habitants, dont 96 % se déclarent catholiques.
Selon un homme politique est-timorais, Pedro da Costa, président du Fraksi Partai Sosial Timor (Parti socialiste de Timor), la nouvelle de cette médiation de l’Eglise catholique est une bonne nouvelle, mais elle n’aboutira que si les mutins et le gouvernement parviennent à résoudre ce qui a été à l’origine de la crise des mois d’avril et mai 2006. Sans cela, on ne peut s’attendre à un déroulement pacifique de l’élection présidentielle, prévue pour le 9 avril, puis des élections législatives qui suivront en juin ou juillet. Jose Ramos-Horta a déclaré être candidat à la présidence de la République, pour succéder à ‘Xanana’ Gusamo, héros de l’indépendance timoraise. Au moins huit autres candidats se présentent devant les électeurs : parmi eux, Francisco ‘Lu-Olo’ Guterres, président du Fretilin (Frente Revolucionaria do Timor Leste Independente), le parti au pouvoir, Fernando de Araujo, ancien chef du mouvement estudiantin, l’avocat Lucia Lobato ou encore Joao Carrascalao, le chef de l’opposition parlementaire.