Eglises d'Asie

Des familles s’inquiètent de la réforme de l’éducation qui entend faire du portugais la langue d’enseignement dans toutes les écoles du pays

Publié le 18/03/2010




Gil Paulino ne répond que par un haussement d’épaule lorsqu’on lui demande son avis sur la prochaine réforme de l’éducation qui vise à faire du portugais le medium de l’enseignement dans toutes les écoles du Timor Leste, le nom officiel portugais du Timor-Oriental. “Je n’empêche pas mes enfants d’apprendre le portugais, mais je suis inquiet pour leur avenir, commente ce père de cinq enfants. Où iront-ils pour poursuivre leurs études s’ils ne maîtrisent que le portugais ?” Trois enfants de Gil Paulino sont à l’école primaire de Dili, dirigée par les Sours de Canossa, qui enseignent en langue portugaise (1).

Cette décision gouvernementale, qui devrait être effective à compter de 2008, a été prise il y a plusieurs années, mais faute d’enseignants maîtrisant suffisamment bien le portugais pour pouvoir enseigner dans cette langue, la mesure avait été reportée à 2008. Lors de l’accession à la pleine indépendance en mai 2002, la Constitution de la République démocratique du Timor Leste a institué le portugais comme langue officielle et le tetum, la langue de la majorité de la population locale, comme langue nationale, cette dernière ne disposant pas encore de supports écrits suffisants pour devenir la langue officielle du Timor-Oriental.

Dès l’an 2000, le gouvernement avait ordonné aux écoles primaires de commencer à enseigner en portugais et d’utiliser les manuels scolaires rédigés en cette langue. Pour l’enseignement secondaire et supérieur, les autorités avaient autorisé, jusqu’en 2008, l’enseignement en bahasia indonesia, la langue nationale indonésienne (2), si bien qu’aujourd’hui, l’enseignement dans les écoles primaires se fait en portugais et les cours dans l’enseignement secondaire et supérieur sont dispensés en bahasa indonesia.

Gil Paulino maintient qu’il lui sera “impossible” d’envoyer ses enfants étudier au Portugal ou dans un autre pays de langue portugaise. “Je n’aurai pas les moyens de payer les frais de scolarité tandis qu’il serait plus raisonnable de les envoyer en Indonésie, a-t-il expliqué. Il reconnaît aussi que ses enfants progressent peu en portugais : “Comment le pourraient-ils puisqu’ils apprennent uniquement le portugais en classe, alors que partout ailleurs on parle le tetum ?” Gil Paulino, qui enseignait en école primaire sous l’occupation indonésienne, explique que le bahasa indonesia est plus facile pour les enfants car ils ont quotidiennement des programmes de télévision en langue indonésienne.

Helmi Calado, adolescent de 14 ans, reconnaît qu’il ne sait pas parler portugais. “Je parle tetum à la maison explique cet élève du secondaire. “Le bahasa indonesia et l’anglais devraient être enseignés à l’école puisque le Timor-Oriental est “entouré de deux grands voisins, l’Indonésie et l’Australie, qui ont un pouvoir économique important”. Sabino da Costa Pereira exprime la même inquiétude. Il explique que sa fille est dans une école primaire où on enseigne le portugais : “Un jour, alors qu’elle faisait ses devoirs, elle m’a demandé de l’aider. Avec ma femme, nous nous sommes regardés car ni l’un ni l’autre ne comprenions ce dont il s’agissait.”

Pour Sabino da Costa Pereira, professeur de lycée à Dili, la décision du gouvernement de faire du portugais la langue officielle dans l’enseignement à partir de 2008 est précipitée. “Beaucoup de gens au Timor-Oriental ne parlent pas portugais. [.] La bonne solution n’est pas de demander à tous les professeurs de faire leurs cours en portugais. Le gouvernement aurait dû y penser car cela ne garantit pas que tous les professeurs soient qualifiés pour enseigner dans cette langue. “Dans de telles circonstances, ce sont les élèves qui en pâtiront.”

Maria Marciana da Costa Ximenes, qui enseigne le portugais, évalue la situation de manière plus optimiste. “Je vois l’enthousiasme des jeunes pendant mes cours de portugais commente-t-elle, en précisant que ses élèves sont de tous âges, du collège jusqu’à des enseignants en passant par des étudiants d’universités. La question du choix d’une langue d’enseignement est une question fondamentale pour ce jeune pays, où 60 % de la population a aujourd’hui moins de 18 ans.