Eglises d'Asie

Grâce à des échanges entre jeunes catholiques coréens et japonais, cette année encore, nombre de préjugés sont tombés

Publié le 18/03/2010




Michael Park Young-min, 26 ans, ne ressentait habituellement que de l’antipathie à l’égard des Japonais, en raison des atrocités qu’ils avaient commises pendant l’occupation de la Corée, entre 1910 et 1945. Pourtant, après avoir accueilli chez lui un jeune Japonais à l’occasion d’un récent échange, son attitude a changé. Park a expliqué à l’agence Ucanews qu’ils avaient discuté sur l’histoire de leurs deux pays et que le jeune Japonais avait, les larmes aux yeux, avoué sa tristesse en évoquant les actes qu’avait commis le Japon durant la seconde guerre mondiale. “Cette réaction m’a fait prendre conscience des préjugés que j’avais à l’égard des Japonais a précisé Michael Park.

Park Young-min faisait partie des 17 jeunes Coréens que 17 jeunes Japonais ont rejoint pour le 13ème échange nippo-coréen, qui s’est tenu du 22 au 28 février dernier dans le centre de formation du diocèse de Cheongju sur le thème : Amour de Dieu – Amour du prochain. Agés de 19 à 26 ans, ils étaient accompagnés de leurs aumôniers. Quatre prêtres et une religieuse accompagnaient la délégation japonaise ; deux prêtres et deux responsables de la Conférence des évêques la délégation coréenne (1).

“Franchement, je n’avais pas beaucoup de sympathie à l’égard du Japon et des Japonais avant de m’en faire des amis. J’ai trouvé que les Japonais n’étaient pas des gens méchants a expliqué Michael Park, étudiant d’université, ajoutant : “Nous avons une chose en commun, c’est d’être les enfants aimés de Dieu. A cause de cet amour de Dieu pour nous tous, je ressens de l’amitié pour le Japon et les Japonais.”

Durant une semaine, les Japonais, étudiants d’université, hébergés dans des familles coréennes, ont pu visiter les installations des services sociaux de l’Eglise de Corée. Ils ont visité Kkottongnae (‘village fleuri’) à Eumseong, où vivent près de 3 000 personnes handicapées ou âgées, et Ste Marie, à Nonsan, également dédié aux personnes handicapées et âgées. Ils ont participé à la messe du dimanche avec leur famille d’accueil et suivi une formation de trois jours, dont une visite au monument de l’Indépendance, où sont exposés différents documents et reconstitutions historiques sur le mouvement d’indépendance des Coréens contre le Japon, pays colonisateur de la Corée de 1910 à 1945.

Les jeunes Coréens n’ont pas été les seuls à voir changer l’image qu’ils avaient de l’autre. Elizabeth Sato Yuka, une Japonaise d’Hiroshima, a découvert qu’elle n’avait pas à “avoir peur des Coréens Elle pensait que c’était un peuple “dur” et brutal, qui “parlait de façon directe et exprimait ses opinions sans détours”. Mais, après s’être fait des amis des jeunes Coréens, “je trouve qu’ils sont très chaleureux a-t-elle avoué. “Cette rencontre a été une bonne occasion pour moi de comprendre la Corée et les jeunes Coréens. Quoique nous ayons en commun un passé douloureux, je pense qu’il est maintenant temps pour les jeunes d’aller au-delà de l’histoire et de nous découvrir les uns les autres a-t-elle assuré.

Pour le P. Simon Kim Young-su, aumônier des jeunes pour le diocèse de Cheongju, il est indéniable qu’“historiquement, Coréens et Japonais ressentent une profonde rancune” les uns à l’égard des autres et qu’il y a un réel danger à ce que ce ressentiment se transmette “à la jeune génération”. Pourtant, “en nous regardant mutuellement avec les yeux de la foi nous réalisons que “nous sommes des êtres aimés de Dieu (.). Avec l’amour de Dieu, nous pouvons nous débarrasser de nos préjugés, devenir amis, partager et nous comprendre mutuellement”.

Marie-Agnès Hiraoka Shizuka, 21 ans, venue de Tôkyô et qui avait commencé à apprendre le coréen une année plus tôt, a expliqué en un coréen hésitant : “En parlant avec mes amis coréens en anglais, en japonais et en coréen, je me suis sentie plus proche d’eux. Bien que nous n’ayons pas pu vraiment échanger nos impressions à cause de la barrière de la langue, j’ai pu sentir combien ils étaient chaleureux.”

Selon le P. John Yamamura Kenichi, de l’archidiocèse de Nagasaki, “cette rencontre a été une expérience de vie inoubliable pour les jeunes, tant coréens que japonais. Confrontés à la culture et à l’histoire des pays voisins, nous apprécions mieux l’importance des relations nippo-coréennes.”

Ce 13ème échange entre jeunes, à l’initiative des Eglises catholiques du Japon et de Corée, s’est déroulé au moment où les relations entre les deux pays traversaient, à nouveau, une phase délicate. En réaction à un texte préparé pour être présenté au Congrès américain et exhortant le Japon à s’excuser officiellement pour la tragédie vécue durant la guerre par les femmes dites “de réconfort” – ces femmes coréennes principalement, mais aussi d’autres pays d’Asie et quelques Européennes raflées pour “le repos du guerrier nippon” -, le chef de la diplomatie japonaise avait réagi, le 19 février, en déclarant que cette résolution n’était “pas fondée sur des faits objectifs” et en la qualifiant d’“extrêmement regrettable”. En Corée du Sud, en Corée du Nord, en Chine et aux Philippines, le tollé suscité a été considérable.