Eglises d'Asie

L’EGLISE DU KAZAKHSTAN : UNE EGLISE AUX TRAITS EUROPÉENS QUI A TOUTE SA PLACE EN ASIE

Publié le 18/03/2010




Ucanews : Quelles sont vos responsabilités en tant qu’évêque auxiliaire au Kazakhstan, le premier du genre ? Mgr Athanasius Schneider : Selon le Droit canon, un évêque auxiliaire est appelé pour venir en aide à l’ordinaire (l’évêque en titre) dans son ministère épiscopal, ce qui comprend l’évangélisation, l’administration des sacrements et le travail pastoral. Le droit canonique indique également que l’évêque auxiliaire est le vicaire général du diocèse et c’est donc là une partie de ma mission. C’est pourquoi j’ai cessé d’enseigner au séminaire, étant accaparé par mon travail à la curie diocésaine en tant que vicaire général. Au nom de la Conférence épiscopale du Kazakhstan, je reste toutefois responsable du séminaire. Je fais le point chaque mois et j’enseigne encore de temps à autre. Je suis enfin secrétaire de la commission pour la liturgie de la Conférence épiscopale.

 

Pourquoi le diocèse de Karaganda avait-il besoin d’un évêque auxiliaire ?

 

Cela dépend du Saint-Siège. Habituellement, l’ordinaire demande au pape qu’un auxiliaire soit nommé pour lui venir en aide. L’initiative en est donc revenue à notre archevêque, Mgr Jan Pawel Lenga, de Karaganda. De plus, je pourrais ajouter que la présence d’un évêque auxiliaire est le signe du développement et du renforcement de la structure de l’Eglise.

 

Quels signes de ce développement pouvez-vous évoquer ici ?

 

Le plus important est la croissance de la foi chez les fidèles – et c’est là un point qu’aucune statistique ne peut quantifier. L’assistance en nombre croissant des enfants à la messe est un autre signe de ce développement. Bien qu’un grand nombre de catholiques aient quitté Karaganda, le nombre des personnes qui assistent à la messe n’a pas diminué. Des gens qui avaient des racines catholiques renouent avec leur foi.

 

Ces dernières années, nous avons établi plusieurs nouvelles paroisses ainsi que des postes de mission. Nous avons développé des programmes caritatifs dans les paroisses, tels des soupes populaires. Je tiens aussi à souligner l’action de groupes de laïcs, notamment la Légion de Marie. Nous avons ouvert un institut de catéchèse et cette année verra la fin d’études d’une première promotion de catéchistes, après trois ans d’études. (L’Institut catéchétique a été inauguré en 2004 à Abay, à une trentaine de kilomètres au sud-ouest de Karaganda, par le P. Bernardo Antonini.) Nous avons aussi construit une nouvelle église, consacrée au bienheureux Aleksey Zaritskiy (le 24 septembre 2006, à Karaganda). Cette église est pleine. Parmi nos projets, il y a la construction d’une nouvelle cathédrale à Karaganda. Les travaux ont pris du retard par manque de fonds, mais nous irons de l’avant. A côté de la cathédrale, nous pensons aussi construire un centre culturel et social.

 

L’Eglise au Kazakhstan mène-t-elle un travail missionnaire ?

 

La plupart des personnes qui rejoignent l’Eglise sont d’origine catholique ou chrétienne et ne pratiquaient pas leur foi. Beaucoup sont nées dans des familles où se trouvent plusieurs religions. Notre travail principal consiste à les ré-évangéliser, dans la mesure où leurs parents ou leurs grands-parents étaient chrétiens. Les catholiques ethniquement kazakhs sont très rares, ou bien ont seulement une part de sang kazakh. Nous ne menons pas de travail missionnaire comme cela peut se faire en Afrique, par exemple. Nous n’évangélisons pas parmi les Kazakhs, qui s’identifient à l’islam, et nous respectons cela. De plus, nous savons bien que les responsables religieux musulmans sont très sensibles quant à tout travail missionnaire entrepris en direction des autochtones. L’islam se développe et nous entretenons de bonnes relations avec les responsables religieux musulmans. Si un Kazakh vient à nous, nous ne pouvons pas le repousser, mais nous ne cherchons pas le travail missionnaire par respect envers les Kazakhs. De ce fait, notre travail est de ré-évangéliser les chrétiens.

 

Est-il correct de parler de l’Eglise au Kazakhstan comme d’une Eglise aux traits européens ?

 

Oui. Il est indéniable que l’Eglise au Kazakhstan présente des traits européens. Mais, par la géographie, elle est en Asie. Les questions d’appartenance raciale ne sont pas le facteur important. La Sibérie, où la plupart des habitants sont des Russes, est en Asie. Je pense que l’Eglise du Kazakhstan devrait rejoindre la FABC (Fédération des Conférences épiscopales d’Asie) en tant que membre à part entière, car nous sommes en Asie et nous partageons bien des problèmes que connaissent les Eglises d’Asie. L’Eglise catholique est minoritaire en Asie et le dialogue avec les autres religions et les cultures caractérise toutes les Eglises en Asie. Nous sommes dans une situation un peu comparable à celle de l’Indonésie, où l’islam est majoritaire. Nous entretenons aussi des relations étroites avec le christianisme oriental, comme c’est le cas en Inde où les Eglises orientales sont bien présentes. Tout ceci nous fait dire que nous avons bien des choses en commun avec les autres Eglises d’Asie.

 

Vous étiez récemment aux Philippines pour une rencontre sur les questions œcuméniques en Asie. Que pouvez-vous dire de l’œcuménisme au Kazakhstan ?

 

Aux Philippines, il a été question de dialogue œcuménique et, en Asie, le principal partenaire de ce dialogue sont les Eglises protestantes, notamment les Eglises pentecôtistes. Au Kazakhstan, notre principal partenaire est l’Eglise orthodoxe. Il y a bien d’autres Eglises chrétiennes, telles les baptistes et les pentecôtistes, mais ils ne voient pas en quoi le dialogue peut être nécessaire. D’autres groupes chrétiens, nouvellement arrivés, mènent un travail missionnaire très agressif et nous ne partageons pas leur façon de faire. Les musulmans et les autorités n’approuvent pas leurs méthodes.

 

Notre dialogue avec les orthodoxes existent mais seulement sur une base informelle ou bien nous nous rencontrons lors de réunions initiées par le gouvernement. Peut-être que les temps ne sont pas encore venus pour entrer dans des rencontres œcuméniques avec l’Eglise orthodoxe.

 

Quelles ont été vos impressions au contact d’un pays comme les Philippines, un pays majoritairement catholique en Asie ?

 

J’ai été très impressionné par la dévotion populaire aux Philippines. Je n’avais jamais vu une telle piété. Les églises y sont pleines et je n’avais jamais vu auparavant des messes aussi fréquentées. Toute la vie est imprégnée des signes de la foi. Nous pouvons nous inspirer de cette foi au Kazakhstan. Mais ce que j’ai vu dans ce pays est le fruit d’une histoire pluriséculaire. La foi a été transmise de génération en génération et elle a contribué à renverser un dictateur.

 

Je souhaite que les églises au Kazakhstan soient aussi pleines les jours de semaine qu’elles le sont aux Philippines. A Manille, nombreuses sont les chapelles où a été mise en place l’adoration perpétuelle. Ce dont nous avons besoin au Kazakhstan, c’est de renforcer la foi par une vie de prière semblable. Je rêve de répandre dans tout le pays l’adoration perpétuelle du Saint-Sacrement.