Eglises d'Asie

A Rome, le cardinal Hamao s’attend à une signature prochaine du décret de béatification de 188 martyrs japonais, la cérémonie étant elle-même prévue au Japon en novembre 2008

Publié le 18/03/2010




De Rome, où il réside toujours, après avoir dirigé le Conseil pontifical pour la pastorale des migrants de 1998 à 2006 (1), le cardinal Stephen Fumio Hamao a déclaré qu’il s’attendait à ce que le pape Benoît XVI signe sous peu le décret de béatification de 188 martyrs japonais, la cérémonie elle-même étant organisée au Japon le 24 novembre 2008.

C’est là l’aboutissement d’une requête en béatification présentée au pape en 1996, lors du 400e anniversaire des martyrs de Nagasaki (2). Selon le cardinal Hamao, une des dernières étapes sur la voie de la béatification de ces 188 martyrs a eu lieu le 6 février dernier, lors d’une réunion des membres de la Congrégation pour les Causes des saints. Seul Asiatique présent ce jour-là, le cardinal a expliqué l’importance que revêtait pour l’Eglise du Japon ces béatifications.

Le prélat japonais a souligné que la béatification de ces 188 martyrs était « la première dont la cause avait été promue par les évêques du Japon ». Les bienheureux et les saints déjà portés sur les autels de l’Eglise du Japon ont vu leurs causes présentées par des ordres religieux. Selon le cardinal, ces nouvelles béatifications sont un fruit direct de la visite de Jean-Paul II au Japon en 1981. Alors évêque de Yokohama, le cardinal s’est souvenu que, « lorsque Jean-Paul II a entendu le récit de ces martyres, il nous a encouragé à proposer de nouvelles causes en vue de la béatification et c’est après sa visite que nous avons commencé ».

Il a également rappelé que ces 188 martyrs – des laïcs, y compris des femmes et des enfants, à l’exception de quatre d’entre eux, prêtres – « ont été mis à mort non pour des motifs politiques ou parce qu’ils étaient des opposants politiques, mais pour leur foi chrétienne. Bien que plusieurs d’entre eux étaient des samouraïs et connaissaient l’art de se battre, ils ont choisi la voie de la résistance non violente – et c’est notamment cela qui revêt une signification spéciale pour les hommes de notre époque », a expliqué le cardinal, ajoutant que le vote des vingt cardinaux et évêques de la Congrégation avait été unanime.

Selon lui, il est « hautement significatif » que ces 188 martyrs soient en majorité des laïcs (3). En effet, ces béatifications sont porteuses d’un message pour tous les Japonais et pas seulement catholiques, car elles mettent en valeur le fait que « le droit de croire en une religion est un des droits fondamentaux de l’être humain ». Au XVIIe siècle, « ce droit n’était pas reconnu et le gouvernement a persécuté des Japonais pour cela ». Aujourd’hui, dans le Japon contemporain, « la liberté de croire est totale », ce droit étant inscrit dans la loi, mais, pour autant, « il n’est pas pleinement reconnu par l’opinion, car les gens ne le voient pas comme un droit fondamental ; ils pensent que la religion relève du domaine de la famille, et non de la liberté de l’individu ».

« La religion au Japon est vue comme une affaire de tradition familiale, poursuit le cardinal. Pourtant, être chrétien est une question de conviction personnelle et cela peut être la cause d’une certaine tension dans la société. » Au Japon, explique-t-il encore, nombreux sont ceux qui ont une double appartenance religieuse, bouddhiste et shintoïste, phénomène qui mène à une certaine « indifférence » envers la religion. Un fait vécu dans sa propre famille, une famille shintoïste : « A la maison, nous avions un petit autel shinto et un petit autel bouddhiste, le premier pour les fêtes nationales et le Nouvel An, le second pour les jeûnes pratiqués pour les ancêtres. »

Sa mère a été la première de sa famille à se convertir au christianisme. Jeune fille, elle avait été scolarisée dans une école catholique pour filles, mais, c’est plus tard, durant la guerre, que, veuve et mère de quatre enfants, elle demanda à être instruite dans la religion catholique et baptisée en 1942. La sœur du cardinal fut baptisée en 1945, son frère et lui, alors âgé de 16 ans, l’étant à leur tour en 1946. Plus tard, son frère devint chambellan de l’empereur et précepteur du prince héritier – l’empereur actuel. Lorsque le jeune Fumio fit connaître sa décision d’entrer au séminaire, ses oncles, tantes et presque toute sa famille en voulurent à sa mère. « Ils ne comprenaient pas ce que signifiait être prêtre, pensant que je devenais bonze pour me retirer du monde parce que j’avais perdu ma petite amie. C’est pourquoi ils en voulaient à ma mère et elle en souffrit beaucoup », raconte-t-il. Plus tard, lorsque Jean-Paul II l’éleva au cardinalat, continue encore le cardinal en riant, bien des gens ont pensé que « devenir cardinal, cela signifiait devenir riche – le matérialisme toujours ! »

 

Ainsi, selon lui, ces béatifications pourront peut-être, par l’écho que les grands médias en donneront, permettre aux Japonais de mieux comprendre ce qu’est le christianisme. Les chrétiens sont respectés au Japon et beaucoup envoient leurs enfants dans les établissements catholiques, mais, « aujourd’hui, nombreux sont ceux qui voient dans le christianisme une religion très bonne mais très stricte ». Là où les catholiques vont à la messe tous les dimanches, les bouddhistes ne doivent qu’une visite par an au temple.