Eglises d'Asie

De discrets sondages dans les milieux catholiques laissent apparaître une certaine solidarité avec le P. Nguyên Van Ly et ses compagnons, condamnés le 30 mars 2007

Publié le 18/03/2010




La presse internationale a fait un large écho au procès de Huê, le 30 mars dernier, à l’issue duquel le P. Nguyên Van Ly et quatre militants des droits de l’homme ont été condamnés à des peines de prison : huit ans de prison pour le P. Ly, assortis de cinq ans de résidence surveillée, six ans de prison pour M. Nguyên Phong plus trois ans de résidence surveillée, cinq ans de prison pour M. Nguyên Binh Thanh H. plus deux ans de résidence surveillée. Deux ans de prison avec sursis pour Melle Hoang Thi Anh Dao plus trois ans de mise à l’épreuve et un an et demi de prison avec sursis pour Melle Lê Thi Lê Hang plus deux ans de mise à l’épreuve (1). En particulier, une photo significative du principal accusé empêché de s’exprimer par la main d’un policier appliquée sur sa bouche a causé une certaine émotion (2). Au Vietnam, passés les premiers comptes-rendus du procès très défavorable aux accusés, les principaux titres de la presse officielle n’ont ajouté aucun commentaire les jours suivants.

A l’étranger, le prêtre dissident, dont on a appris le lendemain du procès qu’il avait été amené aussitôt dans un camp d’internement appelé « Ba Sao », dans la province de Nam Hà, dans le nord du pays, a reçu le soutien appuyé de la majorité des catholiques de la diaspora vietnamienne dans le monde, ainsi que celui de très nombreuses associations humanitaires et de défense des droits de l’homme qui ont réagi avec vigueur.

Il est beaucoup plus difficile de connaître les réactions des catholiques dans le pays à ce sujet. Cependant, une enquête discrète menée par l’agence Ucanews (2) sur les sentiments éprouvés dans l’Eglise catholique du Vietnam lors du procès, a fait apparaître que les milieux catholiques du Vietnam éprouvaient de la sympathie pour la campagne du P. Ly en faveur d’une plus grande liberté religieuse, tout en estimant qu’il est téméraire de braver ainsi le gouvernement. L’éventail des opinions est cependant relativement étendu. Un catholique travaillant dans un hôpital de Huê a affirmé avoir beaucoup de respect pour le prêtre mais ne pas être d’accord avec ses activités antigouvernementales. En revanche, une infirmière de ce même hôpital admire le sacrifice consenti par le P. Ly et ses compagnons en faveur de la liberté religieuse et de ses compatriotes. Elle a ajouté cependant ne pas croire à la possibilité de transformer le système politique du Vietnam. Ce n’est pas l’avis d’un jeune diplômé de droit à Hô Chi Minh-Ville. Celui-ci dit avoir été convaincu par les écrits du P. Nguyên Van Ly diffusés sur Internet et se dit maintenant très proche des idées du mouvement pro-démocratie, dont le prêtre est l’inspirateur.

Le procès du 30 mars a, semble-t-il, heurté la sensibilité de beaucoup de prêtres et renforcer un sentiment de solidarité à son égard, du moins dans le diocèse de Huê. Le P. Nguyên Huu Giai, prêtre du diocèse et très proche des idées du P. Ly, dans une interview à Radio Free Asia, le 7 avril dernier, a rapporté que les prêtres du diocèse, interrogés par la police après le procès, ont tous marqué leur désaccord par rapport au traitement infligé à leur confrère et ont exprimé ouvertement leur scandale devant la photo de celui-ci bâillonné par la police. Dans le diocèse, un petit groupe de prêtres proches du P. Ly, parmi lesquels le P. Nguyên Huu Giai et le P. Pham Van Loi sont allés beaucoup plus loin dans leur soutien au prêtre condamné et se sont engagés publiquement pour lui, ce qui leur a valu plusieurs séances d’interrogatoire policier.

En dehors du diocèse de Huê, l’enquête de Ucanews signale le soutien complet que lui accorde un prêtre du nord du pays. Des avis plus nuancés ont été recueillis de la bouche de certains prêtres dans le sud. L’un d’entre eux, tout en admirant la combativité du prêtre dissident de Huê, regrette que son sens politique ne soit pas plus aiguisé.