Eglises d'Asie

Le cardinal japonais Fumio Hamao réitère son souhait de voir le personnel de la curie romaine davantage ouvert à des visages venus d’Afrique et d’Asie

Publié le 18/03/2010




Un an après son départ de la tête du Conseil pontifical pour la pastorale des migrants, le cardinal japonais Stephen Fumio Hamao, 77 ans, a réitéré l’appel qu’il avait alors lancé, demandant une ouverture plus grande de la curie romaine à des visages venus d’Afrique et d’Asie.

« La plupart des gens à la curie sont tournés vers l’Europe ou les Amériques. Ils ne peuvent pas comprendre la mentalité des habitants de l’Asie de l’Est et de l’Extrême-Orient. L’Afrique leur est plus proche car ce continent a été colonisé, et le Moyen-Orient n’est pas loin. Le problème est l’Asie. Peut-être peuvent-ils comprendre l’Inde, mais l’Extrême-Orient est totalement autre. Ils ne peuvent le comprendre », explique le cardinal, notant qu’au Vatican, les gens « sont très, très occupés par l’Union européenne et les racines chrétiennes de l’Europe. Ils souhaitent répandre ce christianisme de Rome vers l’Afrique et l’Asie ». Reprenant des propos tenus un an auparavant (1), le cardinal conclut en disant que « nombreux sont les gens au Vatican à penser que les Asiatiques et les Africains sont peut-être un peu trop jeunes (dans la foi chrétienne) et doivent parfaire leur formation. Je pense qu’ils nous perçoivent un peu comme des personnes de deuxième ou troisième classe ».

Pour illustrer cette incapacité à comprendre l’Asie et l’Extrême-Orient, le cardinal renvoie à l’exhortation apostolique Sacramentum Caritatis, publiée en mars dernier à l’issue du synode sur l’Eucharistie. Le pape Benoît XVI y évoque la place du latin dans l’Eglise et suggère que les catholiques connaissent les principales prières en latin ainsi que le chant grégorien. Pour le cardinal japonais, qui, naguère, a enseigné le latin à l’actuel empereur du Japon, lorsque celui-ci était prince héritier, cette suggestion n’est pas une bonne idée. « C’est impossible pour les Asiatiques. Personne ne connaît le latin. La plupart des prêtres ne l’étudient pas et ils ne le connaissent pas », précise-t-il, s’exclamant : « C’est typiquement européo-centré ! »

Quant au fonctionnement de la curie, le cardinal remarque que trop nombreux sont ses membres à être issus du service diplomatique. « Il serait mieux d’avoir davantage de personnes dotées d’une expérience pastorale et pas uniquement diplomatique », suggère-t-il. Lors du prochain consistoire, qui pourrait avoir lieu en juin prochain, le cardinal Hamao espère que le pape élèvera au cardinalat des évêques venus d’Afrique et d’Asie. Concernant ce dernier continent, il aimerait voir des cardinaux venir « du Pakistan, par exemple, et de pays qui n’ont jamais eu de cardinaux, tels le Bangladesh, la Malaisie et la Birmanie ». Pareillement, des nominations de cardinaux africains permettraient d’internationaliser le collège cardinalice, dont, à ce jour, 53 des 108 cardinaux électeurs (âgés de moins de 80 ans) sont Européens.

Après avoir quitté la présidence du Conseil pontifical pour la pastorale des migrants, le cardinal Hamao est resté, à la demande du pape Benoît XVI, membre de trois sections importantes de la curie : la Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples, la Congrégation pour les Causes des Saints et le Conseil pontifical ‘Justice et Paix’. Ces mandats de cinq ans arrivent à échéance l’année prochaine.

Dans l’entretien accordé le 28 mars dernier au correspondant romain de l’agence Ucanews, le cardinal Hamao rappelle que, lorsqu’il avait eu une audience avec Benoît XVI, le 29 avril 2006, à la suite de son départ du Conseil pontifical pour la pastorale des migrants, il avait souligné le fait qu’avec lui partait le dernier Asiatique dirigeant une section de la curie. Le cardinal Hamao avait demandé au pape de nommer des Asiatiques à des postes de responsabilité et Benoît XVI avait répondu qu’il « y pens[ait] ». Trois semaines plus tard, le cardinal indien Ivan Dias était nommé préfet de la Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples.

Un an plus tard, le cardinal Hamao estime que le manque de visages venus d’Afrique ou d’Asie aux plus hautes fonctions de la curie est toujours réel. Membre de la Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples, il souligne qu’il participe tous les mois aux réunions durant lesquelles les recommandations faites au pape concernant les futures nominations épiscopales dans les pays de mission – principalement l’Afrique et l’Asie – sont préparées. Cette expérience a renforcé sa conviction que des changements doivent avoir lieu. Il note ainsi que 21 des 25 cardinaux et évêques qui siègent à ces réunions sont aujourd’hui originaires d’Europe ou des Amériques ; deux seulement sont Africains (le cardinal Francis Arinze et Mgr Robert Sarah) et deux sont Asiatiques (le cardinal Ivan Dias et lui-même). Nommer plus de personnalités venues d’Afrique et d’Asie permettrait certes de corriger ce déséquilibre, mais plus profondément, il s’agit pour la curie de mieux comprendre « la mentalité » des habitants de ces deux continents. Le cardinal Hamao souhaiterait également voir davantage de prêtres ou d’évêques africains ou asiatiques à Rome, et pas seulement des cardinaux.