Eglises d'Asie

Pour mettre fin aux tensions entre « ceux de l’ouest » et « ceux de l’est », l’Eglise catholique anime un programme de réconciliation entre jeunes

Publié le 18/03/2010




Pour mettre fin au conflit qui déchire le pays entre « ceux de l’ouest » et « ceux de l’est », l’Eglise catholique a lancé, pour une année, un programme de réconciliation en direction des jeunes du Timor Leste (Timor-Oriental), pour les faire se rencontrer. « L’action a commencé en janvier dernier (2007) et durera toute l’année », a expliqué le P. Martinho Germano da Silva Gusmao, responsable de la Commission ‘Justice et Paix’ du diocèse de Baucau. Elle consiste à faire se rencontrer des jeunes des diocèses de Dili et Baucau. Les deux diocèses se partagent et recouvrent respectivement les régions est et ouest du Timor-Oriental, les catholiques représentant 96 % de ce pays d’un million d’habitants. Trois rencontres ont déjà eu lieu.

Chaque fois, quelque 200 jeunes, accompagnés des prêtres de leurs paroisses, de religieuses et de séminaristes, ont participé à ces visites au cours desquelles ils ont partagé leurs expériences et se sont mutuellement demandé pardon. Le P. Gusmao a indiqué que les jeunes de Baucau rencontreront le mois prochain ceux d’Oecussi, enclave est-timoraise située au Timor occidental indonésien voisin, mais qui relève du diocèse de Dili. « Les jeunes sont volontaires pour reconnaître publiquement leurs erreurs et promettre de veiller à ce qu’elles ne se reproduisent plus », a souligné le prêtre, expliquant qu’il avait lancé ce programme pour montrer que, dans l’Eglise, la discrimination n’existait pas.

Les violences intercommunautaires ont éclaté en avril 2006, à la suite du renvoi de plus du tiers de l’armée du tout nouveau Timor-Oriental. Les soldats licenciés, originaires de l’ouest du pays, protestèrent, accusant les autorités de discrimination à leur égard, tandis que ceux de l’est affirmaient qu’ils avaient été l’ossature de la résistance contre l’Indonésie, dans les années 1980 et 1990. Les tensions déclenchées par les soldats contestataires licenciés dégénérèrent en affrontements entre ceux de l’est et ceux de l’ouest. Il y eut une vingtaine de morts et 100 000 déplacés, réfugiés pour beaucoup dans les églises et les institutions catholiques (1).

A ce jour, selon le ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, près de 65 000 personnes vivent toujours dans 44 camps dispersés dans la région de Dili, où les violences ont été les plus fortes. Les gens sont réfugiés dans ces camps de fortune par peur des violences qui les attendent à leur retour chez eux. Certains ne pensent même pas pouvoir retourner chez eux, leur maison ayant été incendiée par les émeutiers.

Pour un certain nombre d’acteurs de la société civile, notamment dans le milieu des ONG, l’action de l’Eglise est appréciable. Maria Angelina Lopes Sarmento, du Forum Timor Leste pour les ONG, souligne « le rôle important » joué par l’Eglise en faveur de la réconciliation. Elle désire toutefois que la justice ne soit pas oubliée : « La réconciliation ne signifie pas l’amnistie des jeunes qui ont tué ou commis des violences. Ils devront passer en jugement. »

 

Magdalena da Silva, une mère de famille de 47 ans, dit ne pas éprouver de rancune contre ceux qui ont pillé et brûlé sa maison, « parce qu’eux aussi sont des victimes, utilisées par certaines personnes qui y avaient intérêt ». Le plus urgent, dit-elle, est que les auteurs responsables demandent pardon face à ceux à qui ils ont fait du mal et promettent de ne plus jamais molester personne et que ceux-ci, à leur tour, leur pardonnent. Pour sa part, Arthur Ornai Fernandes Madeira, toujours réfugié dans un camp de Dili, affirme soutenir les efforts de réconciliation de l’Eglise dans l’espoir que le Timor-Oriental ne connaîtra plus jamais de telles luttes intestines.

De son côté, le P. Adrianus Ola Duli, curé de la paroisse Notre-Dame de Lourdes, à Ermera, constate que la bonne entente règne dans son district, à 30 km de Dili : « Quand je vais chez les gens, j’observe que ceux qui ont été directement liés au conflit vivent maintenant avec les gens de l’est sans discrimination ni suspicion. »

Au sein de l’administration gouvernementale, des programmes semblables sont menés. Le ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité est partie prenante du programme Sinu Manu (‘consentement mutuel’) depuis juin 2006. Jaime Hanjam, son coordinateur, explique que ce programme comporte des partages, des ateliers et des matchs de foot entre gens de l’est et gens de l’ouest et devrait durer jusqu’à ce que tous les réfugiés soient rentrés chez eux.