Eglises d'Asie

Selon l’organe de presse du parti communiste vietnamien, le culte des ancêtres ne doit pas être classé parmi les religions et les croyances

Publié le 18/03/2010




« Le culte des ancêtres n’est pas une religion ». Cette affirmation n’est pas, comme on pourrait le croire, extraite d’une polémique datant de la querelle des rites mais d’un article de l’organe du Parti communiste vietnamien, Nhân Dân (1). Ce texte qui est signé du professeur Phan Ngoc s’applique à dépouiller ce culte immémorial au Vietnam de tout arrière-fond religieux et le présente comme une coutume bienfaisante, de caractère éducatif et destiné à transmettre la tradition de génération en génération. Derrière cette affirmation, dont il ne dissocie pas les dimensions familiale et nationale, l’auteur laisse entendre que, contrairement aux religions qui se sont trop souvent affrontées avec le pouvoir, la vénération des ancêtres renforcerait la cohésion nationale et serait un adjuvant essentiel du patriotisme vietnamien.

Pour prouver le caractère quasi profane de ce culte, l’auteur de l’article développe sept caractéristiques qui le différencient de ce que l’on entend généralement par religion. Nous ne développons ci-dessous que quelques-unes d’entre elles.

Selon le professeur Phan Ngoc, les religions se veulent universelles et sans frontières. Ainsi, le pouvoir du pape l’emporte parfois sur le pouvoir profane. Le culte des ancêtres, lui, est lié à une communauté particulière, à savoir la patrie. C’est pourquoi affirme le professeur, au Vietnam, la religion ne vient qu’en second lieu après le patriotisme. Les religions, remarque encore l’article, sont orientées vers une vie après la mort. Le culte des ancêtres, lui, place la vie présente au centre même des préoccupations puisqu’il demande aux ancêtres de protéger les vivants, leur communauté et leur patrie.

Les religions sont strictement structurées avec des lieux de culte et une hiérarchie. Rien de tout cela n’encombre le culte des ancêtres qui peut être célébré par n’importe qui, en n’importe quelle maison. N’ayant pas besoin de clergé et dépourvu de toute écriture sainte, ce culte traditionnel n’a donc jamais éprouvé la nécessité d’avoir des maisons de formation ou encore des lieux de recherche théologique Par ailleurs, la vénération due aux parents décédés ne comporte aucun exclusivisme et peut être associée à n’importe quelle autre religion. Ce qui n’est pas le cas des grandes croyances ; chacune d’entre elles prétendant être la seule authentique.

Un autre argument développé par l’auteur en faveur de sa thèse est que, à l’encontre des religions qui comportent un mystère inexplicable et exigent la foi de leurs fidèles, le culte des parents décédés ne comporte aucun dogme et est tout simplement l’expression de la piété filiale survivant à la mort.

Un tel article est assez représentatif de l’attitude actuelle du Parti communiste vietnamien à l’égard du culte des ancêtres que, pourtant, certains bons observateurs de la société vietnamienne traditionnelle avaient appelé « la vraie religion du Vietnam ». L’idéologie du Parti distingue généralement la religion caractérisée par sa structuration sociale particulière, la croyance et une réalité vague et multiforme appelée culture. Le culte des ancêtres est soigneusement écarté du domaine religieux et, par exemple, n’est pas compté parmi les neuf religions reconnues (2). Le culte des ancêtres appartient aux traditions culturelles remises en valeur à partir de la fin des années 1980, depuis le déclin de l’idéologie marxiste. D’une certaine façon d’ailleurs, il y avait été intégré puisque, dans son testament, Hô Chi Minh avait déclaré qu’il allait rejoindre ses grands ancêtres Marx et Lénine.