Eglises d'Asie

Un diocèse rural estime que l’accord de libre-échange signé entre les Etats-Unis et la Corée du Sud signifie la fin de l’agriculture coréenne

Publié le 18/03/2010




« Pour vendre plus de produits manufacturés, le gouvernement sacrifie les agriculteurs. L’accord de libre-échange balaie le peu d’espoir qui était laissé aux agriculteurs et entraînera la mort des communautés rurales. » C’est en ces termes que le président du Mouvement des agriculteurs catholiques du diocèse d’Andong a commenté la signature, le 2 avril dernier, d’un accord de libre-échange entre les Etats-Unis et la Corée du Sud, accord qui devra être ratifié par les Parlements des deux pays pour entrer en vigueur.

Cet accord est « impardonnable et nous le combattrons », a déclaré Isidore Kwoun Ohsu, président du Mouvement à Andong, qui a ajouté que son mouvement préparait des actions à l’échelon national pour inciter les parlementaires à ne pas ratifier cet accord conclu après neuf mois d’intenses négociations. L’accord autorise une libéralisation considérable des échanges entre les Etats-Unis, première puissance économique mondiale, et la Corée du Sud qui se situe au onzième rang mondial : près de 95 % du commerce bilatéral de produits industriels et de biens de grande consommation seront exempts de droits de douane d’ici trois ans, et le reste, pour l’essentiel, dans dix ans. En outre, la Corée du Sud ouvrira son marché à de nombreux produits agricoles américains, mais pas au riz – dont le marché a fait l’objet d’un accord particulier, signé en 2004 et ratifié en novembre 2005 (1). En 2006, le commerce bilatéral entre les deux pays a atteint un volume de 72 milliards de dollars.

Le jour où l’accord était signé, la Commission ‘Justice et Paix’ du diocèse d’Andong et l’antenne locale du Mouvement des agriculteurs catholiques de Corée avaient organisé un rassemblement de prière et une messe à la cathédrale. Après celle-ci, une centaine d’agriculteurs, accompagnés de plusieurs prêtres et religieuses, ont manifesté jusqu’à une place voisine pour dire leur opposition à l’accord de libre-échange. Selon l’aumônier du mouvement paysan, les droits de douane ne sont pas seuls en jeu, le style de vie en société l’est aussi. « L’accord soumettra l’économie et la société coréennes aux standards américains », a fait valoir le P. Peter Kim Siyoung. L’agriculture coréenne sera ruinée et la société sud-coréenne devra s’adapter pour faire face à un modèle américain où la compétition prime et où les gens socialement faibles souffrent. « Parce que nous suivons le Christ, parce que le sort des pauvres nous tient à cœur et parce que nous choisissons l’option préférentielle pour les pauvres, nous devons nous opposer à cet accord », a-t-il conclu.

Dans ce diocèse rural situé à deux cents kilomètres au sud-est de Séoul, 40 % des habitants vivent directement de la terre et les 60 % restants dépendent pour leur activité des services qu’ils apportent aux agriculteurs. « Si les fermes périclitent, c’est tout le diocèse qui disparaît », déclare le P. Peter Kim, qui juge très sous-estimés les chiffres du gouvernement prédisant que le secteur agricole coréen va perdre seulement 10 % de son activité du fait des importations américaines. Selon le P. Michael An Sanggi, responsable de la pastorale dans le diocèse, l’agriculture sud-coréenne ne peut résister aux produits américains. Il cite à titre d’exemple des données gouvernementales sud-coréennes de 2005, selon lesquelles le kilo de bœuf élevé en Corée revient à 55 dollars quand le kilo de bœuf américain est vendu 9 dollars.