Eglises d'Asie

Le P. Nguyên Ngoc Son invite la communauté catholique à sortir de son silence et à s’engager concrètement dans les activités sociales

Publié le 18/03/2010




Le P. Antoine Nguyên Ngoc Son, prêtre du diocèse de Hô Chi Minh-Ville, secrétaire de la Conférence épiscopale pour le Vietnam du Sud (1), est l’auteur d’un certain nombre de travaux d’ordre sociologique sur l’Eglise du Vietnam et sur son insertion dans la société vietnamienne. A l’occasion de la parution d’une traduction vietnamienne du Compendium (condensé) de la doctrine sociale de l’Eglise catholique, publié par le Conseil pontifical ‘Justice et paix’, il a récemment prononcé une conférence dans laquelle il invite l’Eglise au Vietnam à rompre le silence sur les questions sociales. Il montre quels sont les engagements concrets que devrait entreprendre une Eglise véritablement inspirée par la doctrine sociale de l’Eglise. Nous suivrons ci-dessous le développement de son exposé, qui commence en relevant les caractéristiques de la société vietnamienne et de l’Eglise qui s’y insère, puis soulève les problèmes que la première pose à la seconde, pour enfin suggérer les engagements que pourrait prendre l’Eglise afin d’y répondre.

La situation du Vietnam est sur bien des points analogue à celle des autres pays de cette région d’Asie. C’est un pays en voie de développement. Le nombre de pauvres y est encore élevé (26 % d’une population de 84 millions d’habitants). La plupart d’entre eux habitent les campagnes (78 %). Le revenu moyen est encore très bas. La différence de niveau de vie entre les villes et la campagne est considérable. Le nombre de migrants venant des campagnes vers les villes est tous les jours plus élevé. Le niveau d’instruction est encore médiocre et le chômage important. Non seulement le Vietnam a dû panser ses blessures de guerre, mais il a dû faire face à un certain nombre de graves fléaux sociaux, comme la corruption, la drogue (165 000 drogués), le sida (260 000 séropositifs), la prostitution, l’alcoolisme, l’avortement (entre un et deux millions par an) et la violence familiale.

Au cours des dernières années, le développement économique du Vietnam s’est accéléré, entraînant avec lui le développement du système éducatif, des soins de santé, des communications et de la culture. Le Vietnam vient d’adhérer à l’Organisation mondiale du commerce et n’a pas mesuré encore l’étendue du bouleversement introduit dans la société par la concurrence mondiale. Les progrès des diverses technologies de communication ont envahi la société vietnamienne, touchant surtout la jeunesse qui a tendance à délaisser les formes traditionnelles de culture.

S’appuyant sur l’expérience de la commission sociale où il travaille, le P. Son a ensuite montré comment les valeurs de la doctrine sociale de l’Eglise avaient inspiré le regard des évêques sur les problèmes qui se posent aujourd’hui à la société vietnamienne et avaient guidé leurs recherches de solutions. C’est ainsi que leurs convictions concernant la valeur de la vie humaine leur a permis de mesurer la gravité des fléaux que représentent les interruptions de grossesse, les accidents de circulation, les violences à l’intérieur des familles et de la société. La valeur de la famille et du sacrement de mariage a inspiré leur réaction face à la cohabitation avant le mariage et au divorce. La valeur du travail, le droit à une juste rémunération préconisée par la doctrine sociale de l’Eglise ont éclairé d’un jour différent l’exploitation des diverses catégories de travailleurs, les migrants, les femmes et les enfants. De nombreuses valeurs chrétiennes sont encore citées comme ayant dicté le jugement porté sur différents phénomènes de société. Le P. Son ajoute que cette attitude vis-à-vis de la société a été diffusée par des sessions de formation réunissant toutes les composantes de l’Eglise ainsi que par les directives publiques des évêques au peuple de Dieu.

Cependant, même si son comportement individuel est jugé irréprochable par beaucoup de non-chrétiens, le catholique vietnamien reste jusqu’ici assez indifférent aux questions sociales. En outre, il vit sous un régime socialiste où il n’existe pas d’autre voix que celle du pouvoir face aux diverses questions sociales, comme l’éducation, le contrôle des naissances, les grèves des travailleurs, etc. Ce silence ce n’est pas seulement le fait des laïcs, mais aussi celui des pasteurs de l’Eglise du Vietnam, a expliqué le prêtre. La situation économique et politique actuelle du Vietnam, a encore déclaré le P. Son, invite la communauté catholique à s’engager dans des activités sociales comme l’éducation, les soins de santé, … et à sortir de son silence.