Eglises d'Asie

Timor occidental : l’évêque d’Atambua lance un appel pour que les chefs coutumiers reconnaissent aux jeunes célibataires le droit de propriété

Publié le 18/03/2010




Au Timor occidental, l’évêque d’Atambua, Mgr Anton Pain Ratu, a demandé aux populations autochtones de son diocèse d’accorder le droit de propriété à leurs enfants adultes. « Selon le système social traditionnel des populations autochtones des districts de Belu et du Centre-Nord du Timor, les jeunes célibataires n’ont aucun droit de propriété. Ce qu’ils ont gagné par leur travail doit être remis aux parents et être utilisé pour toute la famille », a expliqué l’évêque. « N’ayant pas le droit de propriété, les jeunes célibataires sont économiquement pauvres et sans pouvoir. Ils sont traités comme des mineurs, totalement dépendants des parents », a insisté Mgr Pain Ratu devant les 112 personnes réunies pour une récollection, le 24 mars dernier, à Betun, ville située à 80 km au sud d’Atambua. Les participants étaient appelés à échanger sur le thème : « Développer de nouveaux comportements : donner son cœur aux jeunes. »
L’évêque a expliqué que le diocèse entendait donner, dans le cadre communautaire, toute son attention à la responsabilisation des jeunes (1). « Du point de vue du diocèse, le système social tribal n’est vraiment pas très favorable aux jeunes célibataires parce qu’il les rend économiquement dépendants. Quand ils se marient, n’ayant rien, ils partent de zéro. Ce système doit être changé », a expliqué Mgr Pain Ratu devant cette assemblée composée de prêtres, de membres de conseils paroissiaux ainsi que de responsables coutumiers et de jeunes. Nombreux sont les jeunes qui ne possèdent rien quand ils fondent un foyer et il n’est pas rare qu’ils croulent sous les dettes pour rembourser ce qu’ils ont dû emprunter pour leur mariage. « Résultat, pendant plusieurs années, ils sont incapables de répondre à leurs besoins de base : alimentation, vêtements et logement et doivent donc rester chez leurs parents. »

 

Pour l’évêque, il est donc temps qu’un changement intervienne et se fasse rapidement. « Tous les parents devraient reconnaître le droit de propriété à leurs enfants célibataires, par exemple en leur donnant, à elle ou lui, un morceau de terre à cultiver ou des animaux à élever. De plus, les parents doivent donner à leurs enfants une éducation qui leur permette de devenir autonomes (…). En donnant aux jeunes célibataires le droit de propriété, ceux-ci se sentiront plus motivés pour travailler dur, gagner de l’argent pour répondre à leurs besoins personnels et préparer leur avenir », a déclaré l’évêque, ajoutant que les jeunes sont capables et sont en mesure de contribuer au développement économique général.

Durant les échanges qui ont suivi, Paulus Nuju a témoigné que, dans la partie sud du district de Belu, les jeunes célibataires attendaient un changement du système tribal. « Beaucoup de jeunes sont au chômage parce qu’il n’y a pas de travail. Les parents ont suffisamment de terres à cultiver, mais les jeunes savent qu’elles ne leur appartiennent pas. La coutume leur permet, certes, de cultiver la terre, mais ce qui en est tiré appartient aux parents. Et, de fait, bien des jeunes ne veulent pas se casser le dos pour rien », a expliqué ce père de famille de 40 ans. Maria Elisabeth Seul, 46 ans, a confié qu’elle serait contente que les responsables coutumiers prennent sérieusement en considération la demande de l’évêque et change le système. « Dans ma famille, mon mari et moi sommes décidés à faire tout ce qu’il faut pour préparer l’avenir de nos enfants en les envoyant à l’école. Nous avons de la terre et nous ne voyons pas pourquoi nous ne la donnerions pas à nos enfants en toute propriété tant qu’ils sont jeunes et capables de la travailler. »

 

Paulus Nuju, qui conseille le Groupe des jeunes catholiques (Mudika, selon l’acronyme indonésien) de la paroisse Sainte-Marie de Fatima à Betun, souhaite discuter de l’appel de l’évêque avec les habitants de la paroisse. « Nous inviterons les responsables coutumiers locaux à venir parler avec nous de ce problème du droit de propriété. J’espère que les chefs coutumiers changeront leur manière de penser, eux qui sont très attachés aux coutumes. »

 

Gaspar Ulu, un de ces chefs coutumiers présents à cette récollection, a déclaré que, personnellement, il était d’accord avec son évêque. « J’apprécie la proposition de Mgr Pain Ratu de changer notre système social traditionnel pour le bien de tous. Mais j’ai peur que cet appel ne soit pas compris parce que, pour beaucoup de chefs coutumiers, le système traditionnel quant au droit de propriété est un héritage culturel reçu de nos ancêtres et intouchable. » En outre, a-t-il ajouté, « il y a une croyance qui dit que celui qui viole ou change cet héritage culturel ancestral tombe malade ou meurt ».